Ces minarets qui effraient l’Occident

A 57%, les Suisses ont approuvé l’interdiction de construire des minarets sur leur sol. Une décision qui risque de renforcer les clivages communautaires. Et si un clash plus sérieux se profilait derrière ce conflit ?

Sus aux minarets ! Les Suisses, lors du référendum organisé en Confédération helvétique le 29 novembre, ont approuvé à 57% l’interdiction de bâtir ce type d’édifice religieux sur leur territoire. Quand bien même l’appel à la prière était interdit sur le territoire suisse. Seuls resteront en place les quatre minarets déjà existant. La proposition, qui émanait de la droite populiste helvétique, est présentée comme une mesure « susceptible de maintenir la paix entre les membres des différentes communautés religieuses ».

Tout simplement effarant. Cette interdiction se traduit très concrètement par un « Va construire ton minaret ailleurs » craché aux 300 000 musulmans suisses, et l’on voudrait faire croire que cette gifle  sert à « maintenir la paix ». Loin, très loin de servir une quelconque cause pacifiste, cette mesure risque au contraire de creuser un peu plus un fossé qui ne cesse de s’étendre entre les communautés. Ce qui, à coup sûr, favorise plutôt la radicalisation et l’affrontement.

L’obéissance à ce type de réflexe montre malheureusement que l’idée d’une « protection » ou à tout le moins d’une « prudence » identitaire, largement teintée de xénophobie, est de plus en plus acceptée dans le monde occidental. A certains égards, la France participe à ce mouvement avec un débat sur l’identité nationale qui chatouille les oreilles nationalistes. Quel serait, demain, le résultat d’un référendum où l’on demanderait aux Français de s’exprimer sur la construction de minarets ? Nous montrerions-nous plus tolérants, plus ouverts au « vouloir vivre ensemble » ? Cela n’a rien de certain.

Vers un choc des civilisations ?

Reste surtout une question fondamentale : faut-il voir l’interdiction des minarets en Suisse comme un acte isolé ? Ou bien doit-on craindre une exacerbation de ces tensions dans les mois et les années à venir ? Voire même quelque chose qui ressemblerait au choc des civilisations décrit par Samuel Huntington en 1996 ? Dans son ouvrage, l’auteur américain prévoit que le monde de l’après-guerre froide sera marqué par des affrontements reposant sur des différences culturelles et religieuses. Il distingue notamment la civilisation occidentale -l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Amérique latine- et la civilisation islamique. Au vu de l’exemple suisse, peut-on penser que l’on s’achemine vers un choc inévitable entre les deux ?

Les signaux confirmant la théorie du clash ne manquent pas, y compris « de l’autre côté »… En février 2008, Le Figaro.fr publiait un article relatant l’inquiétude des évêques d’Algérie face aux violences dont la communauté chértienne de ce pays était victime. La situation est similaire pour les chrétiens coptes d’Égypte, soumis aux agressions de bédouins musulmans l’année dernière, selon le Figaro.fr. Autant de Saint-Barthélémy modernes ?

Pour l’instant cependant, force est de constater que la réalité est plus complexe que le monde présenté par Samuel Huntington. Les civilisations musulmanes et occidentales sont des entités diffuses et non des blocs identitaires unis. Un affrontement généralisé est, pour l’heure, assez improbable… pour la simple raison qu’on en cerne mal les belligérants. Pour autant, au niveau local, de manière disséminée, le clash décrit par Huntington semble parfois prendre corps, comme le montrent les exemples évoqués plus haut. Ceux qui prétendent aujourd’hui « maintenir la paix » prennent le risque de multiplier ces foyers de haine et d’incompréhension.

Pour en savoir plus : ce qu’il s’est passé en Suisse, par Le Monde.fr

Et aussi : L’éditorial de Laurent Joffrin, sur Libération.fr

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1 réponse à Ces minarets qui effraient l’Occident

  1. lonie dit :

    Ce qui me gène dans votre papier, c’est que dès le second paragraphe, vous prenez position sur les résultats de cette votation : « effarant », « malheureusement’. Donc je m’arrête, car je sais déjà ce que je vais lire…
    C’est du « journalistiquement correct »…
    Cordialement

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