« Petite cervelle », « Refoulé politique de la petite bourgeoisie » … Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de gauche, n’a pas mâché ses mots face à l’étudiant en journalisme qui l’interrogeait sur la prostitution. Il n’est pas le premier à esquiver un débat par des insultes. Cinq exemples…
Pour répondre à ce qui fâche ou ce qui fait débat, certains politiques maîtrisent à la perfection l’art de la langue de bois. D’autres préfèrent le registre de l’insulte. Cinq exemples récents…
Jean-Luc Mélenchon : « Sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier »
La scène se déroule entre le premier et le second tour des élections régionales. Face à un étudiant en journalisme qui l’interroge sur la prostitution, Jean-Luc Mélenchon, leader du front de gauche, esquive le débat en se lançant dans une insultante diatribe contre son interlocuteur et les médias (voir l’article du Nouvel Observateur à ce sujet).
Il évoque la Une du Parisien sur les maisons closes : « Le jour deux après qu’on ait tous jeté de grosses larmes sur l’abstention populaire, quel était le titre du journal Le Parisien ? Faut-il rouvrir les maisons closes. Ce mélange de voyeurisme et de prostitution de l’esprit public va continuer jusqu’à la catastrophe. »
L’étudiant évoque alors à demi-mot l’hypocrisie qui entoure cette question. « C’est vos problèmes à vous, le refoulé politique de la petite bourgeoisie. Votre hypocrisie… », rétorque Jean-Luc Mélenchon. « Moi je m’excuse, mais ce que vous racontez, ça ne concerne personne dans mon quartier. Personne ne se dit : tiens, je préfèrerais aller dans une maison close qu’aller chercher les putes au coin de la rue. Je n’ai jamais entendu quelqu’un me parler de ça, sinon vous et votre sale corporation voyeuriste et vendeuse de papiers. »
Quand l’étudiant insiste timidement, le sénateur de l’Essonne lui lâche un rageur : « C’est fini, tu fermes ta petite bouche, tu me parles de politique ! Moi je te parle de médias et de ton métier pourri. Si tout ce que tu trouves à faire c’est de me répondre ça, tu vas faire ton interview plus loin. » Le traitant au passage de « petite cervelle ».
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon estime que, répondant à un journaliste étudiant, il ne pensait pas que ses propos allaient être diffusés. Soit. Est-ce une raison pour incendier le dit-étudiant ? Pas sûr. Il regrette aussi l’emballement de la machine médiatique et « l’effet système ». Peut-être sont-ce ses opinions un tantinet primaires qui ont entraîné cette avalanche de commentaires.
Ce sont la finesse et la nuance qui passent toujours inaperçues dans le concert médiatique. Si Jean-Luc Mélenchon veut parler des « vrais sujets » avec sérieux, il faudra peut-être qu’il s’y convertisse. Mais on parlera moins de lui, qui a toujours été un bon client pour les médias.
Bernard Kouchner : « Vous croyez n’importe quelle connerie ! »
Longtemps personnalité politique préférée des Français, le « French doctor » n’a pas la langue dans sa poche quand il s’agit de défendre son honneur. En visite au Kosovo, début mars, le ministre des Affaires étrangères est interrogé par Budimir Nicic, journaliste à Voice of America, sur l’affaire de la « maison jaune », une clinique clandestine accusée de trafic d’organe. Il demande à Bernard Kouchner de réagir à des accusations de familles de victimes selon lesquelles il aurait été lui-même impliqué dans ce trafic.
« La ventes des organes ! Mais vous êtes malade, non ? », balaye le ministre. « J’ai une tête à vendre des organes, moi ? Mais vous êtes fou, vous croyez n’importe quelle connerie ! C’est quoi, les maisons jaunes ? Quelles maisons jaunes ? Pourquoi jaunes ? Monsieur, vous devriez aller consulter. Il n’y a pas eu de maisons jaunes, il n’y a pas eu de ventes d’organes. Les gens qui disent ça sont des salauds et des assassins ! »
Selon l’article du site Novopress, qui relate cet échange, le trafic d’organes avait pourtant été évoqué par l’ancienne procureur générale du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Carla Del Ponte, dans son livre La Traque, les criminels de guerre et moi, et a fait l’objet d’une enquête de la part du parquet de Serbie.
Rachida Dati : « C’est votre vie, pas la mienne ! »
27 janvier. Rachida Dati, qui occupe un siège de député au Parlement européen, reçoit Jean Quatremer, journaliste à Libération et spécialiste des questions communautaires. Celui-ci envisage d’écrire un article sur les multiples activités de l’ancienne ministre de la Justice. Celle-ci s’apprête en effet à devenir avocate… en plus d’être députée européenne, maire du septième arrondissement de Paris et dirigeante d’une société de conseil fondée en 2009.
La prestation de serment de l’ex Garde des sceaux a d’ailleurs été reportée, du fait qu’un avocat ne peut diriger une société en exerçant son métier pour éviter tout conflit d’intérêt. Quand l’expérimenté Jean Quatremer évoque ce point, sur lequel il vient d’être informé, Rachida Dati se braque : « Je ne suis pas au courant ! » Le journaliste ne se démonte pas : « Vous ne savez pas que votre prestation de serment est reportée ? » Réponse cinglante : « Non, et de toutes façons, je ne suis pas là pour parler de cela, mais de mes activités européennes. » Elle assure au passage qu’une journaliste du Parisien a déjà évoqué cette question avec elle… mais elle n’a pas davantage répondu à celle-ci.
Jean Quatremer demande alors à l’ancienne ministre si ses activités multiples sont compatibles. « Je ne sais pas comment vous faites ! », lui lance-t-il. « C’est votre vie, pas la mienne ! », siffle l’élue, qui ne tient visiblement pas à faire trop de publicité sur ces différentes fonctions, et les salaires qui en découlent. « Combien de temps passez-vous à Bruxelles ? », tente Jean Quatremer. « Vous n’avez qu’à consulter les listes de présence », assène Rachida Dati, avant d’annoncer qu’elle a un autre rendez-vous, et de vider les lieux. Durée de l’interview : deux minutes et trente secondes. Quelques mois plus tôt, l’élue s’en était prise à un journaliste de RTL qui soulignait son manque d’implication dans le septième arrondissement. Lui lâchant notamment un « Allez-vous faire foutre ! » (voir l’article sur paperblog à ce sujet).
Dans cette histoire, qui fait mal son métier ? Est-ce celui qui est censé représenter quelques millions d’électeurs ? Quoiqu’ils en disent, les politiciens qui répondent à un journaliste répondent aussi à n’importe quel Français. Et, sauf exception, mépriser un journaliste, c’est mépriser un peu chacun des Français.
Xavier Bertrand : « Une autre conception de la décence… »
La vidéo a fait un buzz incroyable. Le 19 janvier, Xavier Bertrand s’exprime sur la chaîne Public Sénat. Nicolas Totet, journaliste au Courrier Picard, interroge le patron de l’UMP sur son éventuelle succession à Pierre André, maire de Saint-Quentin (Aisne). Une question qui évoque le thème du cumul des mandats, puisque Xavier Bertrand est également député, en plus de ses fonctions de secrétaire général de l’UMP.
Plutôt que de répondre, l’intéressé s’en prend au journaliste, qui affiche il est vrai très peu de confiance : « Vous ne trouvez pas que votre question est totalement déplacée et scandaleuse, monsieur ? » Évoquant la maladie de Pierre André, Xavier Bertrand s’acharne : « Je pensais que vous aviez une autre conception de la décence. C’est dans la droite ligne de ce que vous écrivez, vous, dans votre journal. »
S’adressant aux téléspectateurs, il enfonce le clou : « Cela fait des années que je connais Nicolas Totet, il a fallu cette émission pour que ce monsieur me dise à nouveau bonjour. » Avant de balayer les autres questions du journaliste, et de conclure d’un sourire glacial devant le présentateur qui n’a pas jugé bon d’intervenir.
Nicolas Sarkozy : « Les journalistes, il faut leur cracher à la gueule »
Mars 2009 : Nicolas Sarkozy est au Mexique. Les médias enquêtent sur la partie privée de cette visite présidentielle. Le Canard Enchaîné s’intéresse notamment à l’entrevue entre le chef de l’État et un banquier mexicain soupçonné de blanchiment d’argent de la drogue. Réaction de Nicolas Sarkozy devant sa majorité, reportée dans le Canard du 25 mars 2009 : « Les journalistes, ce sont des nullards, il faut leur cracher à la gueule, leur marcher dessus, les écraser. Ce sont des bandits. Et encore, les bandits, eux, ont une morale. » Une affaire qui s’ajoute à celle du « Casse-toi, pauvre con… » au salon de l’agriculture.
Crédit photo : idf-fotos / Flickr
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