MAM : le bal des hypocrites

La démission de MAM s’accompagne de nombreux témoignages de soutien de la part de ses ex-collègues ministres. Peut-être ces mêmes qui, sous couvert d’anonymat, la descendaient allègrement. Pauvres hommes politiques…

Quand un ministre se fait débarquer, ce qui, sous Sarkozy, est devenu assez courant, il est de bon ton pour les ministres restant en place de saluer le « courage », la « ténacité » et autre « compétence » de l’heureux viré. On avait pu apprécier ce manège au dernier ménage gouvernemental, quand Woerth s’était volatilisé, l’homme qui, de l’avis de tous ses amis, personnifiait l’innocence mais qui se retrouve aujourd’hui avec un destin pénal plutôt chargé.

Rebelote avec le débarquement de Michèle Alliot-Marie, même si l’hypocrisie a été moins intense que d’habitude, dans le sens où son cas était quand même particulièrement mal engagé. On peut toutefois trouver là-dedans assez de mesquinerie pour en rire un peu.

« C’est MAM le problème »

Le jeu, c’est de se remémorer les confidences de ministres ou députés qui avaient été faites au journal Le Monde, à propos de l’affaire MAM, sous couvert d’anonymat.

Ainsi, un « poids lourd » du gouvernement confiait récemment au quotidien du soir : « Les sondages sont terribles, c’est la preuve que c’est [MAM] le problème. Elle sera remplacée par Alain Juppé. » Ou encore : « MAM n’est plus qu’un canard dont la tête a été coupée. » C’est ça, la solidarité gouvernementale. C’est ça, le langage de vérité que demandent les Français.

Dès le début de l’affaire, Le Monde indiquait que « micros coupés et anonymat assuré, les langues se délient. ‘Elle ne peut pas tenir. On n’a pas besoin de ça avant les cantonales‘, peste une députée. ‘MAM, je l’aime bien, mais je ne la vois pas tenir bien longtemps‘, soupire un responsable de la majorité. ‘Lorsqu’on entend en boucle à la radio ce qu’elle avait d’abord dit pour se défendre, une version à laquelle on ne peut plus croire, c’est terrible‘, marmonne un élu. » Mais on l’aime bien quand même, MAM.

« Ça pue. Je ne vois pas comment elle tient. »

Encore une petite cuillerée ?

« Un ministre constate : ‘Le pire, en communication, c’est la théorie de l’escalier, quand une révélation vient après une autre, dans un mouvement qu’on ne peut arrêter. L’affaire MAM fonctionne comme l’affaire Woerth’. Avec un soutien présidentiel, toutefois, moins allant. ‘MAM n’est pas Woerth. La différence, c’est que Sarkozy aime bien Woerth, pas Alliot-Marie‘, dit un ponte de la majorité. » Bien sûr que Sarkozy n’aime pas MAM, il la hait à un tel degré qu’il lui a adressé un message de soutien manuscrit en plein conseil des ministres. C’est un peu comme en foot : quand un président de club dit publiquement que l’entraîneur n’est pas menacé, le visé doit se montrer compréhensif et préparer ses valises.

Encore des marques de « soutien » et « d’estime » de la part de ses ex-futurs-collègues ministre et députés ?

« ‘Je ne vois pas comment [Sarkozy] peut faire autrement [que de s’en séparer]‘, estime un responsable de la majorité. » Plus loin : « Ce constat, assassin, est livré par un proche de Nicolas Sarkozy : ‘Ça pue. Je ne vois pas comment elle tient. Si on recommence une affaire Woerth, cela obscurcit tout le reste. Sa défense à la télévision est pathétique. Elle est comme les gens qui n’ont jamais eu de problème, à la première difficulté, elle ne sait pas faire…’ […] On la défend. On n’a pas le choix. On ne peut pas donner l’impression de la lâcher…‘, soupire-t-on à l’UMP. »

Les mille petites lâchetés de la conquête du pouvoir

Mais qui sont les personnes qui ont dit toutes ces horreurs sur MAM ? Impossible de le savoir. Les politiciens diront que ce sont surtout les médias qui ont dit des choses horribles, ou, pour parler comme Patrick Ollier, ils accuseront le « Web » (combien de divisions ?). En tout cas, comme l’indique Le Post, MAM est partie par la petite porte, mais avec l’éloge de plusieurs de ses bons camarades

On finit par prendre en pitié tous ces hommes politiques qui, pour ressentir quelques années le frisson du pouvoir, sont prêts à vendre leur langue au diable.

Crédit photo : Richard Ying / Flickr

A lire aussi : un article sur ce que révèlent les gaffes de MAM, et d’autres sur nos ministres polyvalents… ou incompétents, sur DSK, sur l’illusion démocratique, les politiques qui insultent la presse

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