La droite droit dans le mur

François Fillon veut l’uniforme à l’école, Laurent Wauquiez critique ceux qui touchent des indemnités maladie, François Baroin s’en prend à la gauche qui a conquis le pouvoir « par effraction »Signes que la majorité n’a plus guère d’idées pour se donner une contenance.

A supposer qu’elle en aie jamais eues, la droite sarkozyste est aujourd’hui désespérément à cour d’idées. Dépassée sur tous les fronts, elle se lance dans la course à la présidentielle 2012 avec un bilan calamiteux et une absence quasi-totale de projet.

En atteste la dernière trouvaille de François Fillon, qui veut à présent réinstaurer l’uniforme à l’école. Ou comment s’engluer dans des débats de façade pour mieux faire oublier l’essentiel… Bien sûr, on peut débattre de la nécessité ou non de masquer les inégalités sociales. Mais ne faudrait-il pas d’abord parler de l’échec scolaire ? Dire que nombre d’enfants qui entrent en sixième ne savent pas lire et écrire correctement ? Ou rappeler que le collège unique, loin d’assurer sa mission d’instaurer un socle commun de connaissances, devient, selon sa localisation géographique, un marqueur de ségrégation sociale ?

Mais peu importent désormais les sujets de fonds pour ce gouvernement. Le but n’est pas de refaçonner, mais de racoller. Prise à la gorge par les marchés financiers, désormais sans réel moyen d’action, la majorité en est réduite à agiter des chiffons rouges pour tenter de faire croire qu’elle est encore aux commandes. Ne sachant visiblement plus comment séduire ou reconquérir son électorat, elle n’hésite pas à user et abuser de formules « choc » pour toucher les pulsions primaires des classes moyennes et populaires.

Ainsi, quand ils ne parlent pas dans le vent, les ministres se muent en pugilistes. François Baroin assène en pleine assemblée nationale que la gauche a conquis le pouvoir « par effraction » en 1998. Laurent Wauquiez s’ingénie à jeter l’opprobre sur ces salauds de malades qui osent toucher des indemnités. Pour rappel, il n’y a pas si longtemps, il avait également fustigé les bénéficiaires du Revenu de Solidarité Active, un minima social pourtant mis en place par sa propre majorité.

Un exercice de com’, ni plus ni moins, qui jette toute probité aux orties… Est-ce que la gauche n’a pas été élue très démocratiquement en 1998 ? Est-ce que ceux qui touchent des indemnités ne sont pas AUSSI ceux qui cotisent au quotidien pour y avoir droit ? Est-ce que les bénéficiaires du RSA (qui touchent royalement un peu plus de 400 euros par mois) ne préfèreraient pas pour beaucoup d’entre eux trouver un vrai job ? Si le sujet n’était pas tragique, on pourrait demander aux futurs « assistés » mis à la porte des usines Peugeot, ce qu’ils pensent de la chose, eux qui font partie de la France qui se lève tôt…

De la com’ pendant cinq ans

Mais peu importent les arguments dorénavant. L’idée est d’ouvrir des brèches. Que chacun croit que son voisin « profite du système » et vote pour ceux qui osent l’affirmer haut et fort. On en est là. Du reste, avec cette majorité, a-t-on jamais été ailleurs ? La droite sarkozyste, finalement, a-t-elle jamais fait autre chose que de communiquer sur les sujets du moment ?

Elle a critiqué les flics de banlieue « pas-là-pour-jouer-au-foot-avec-les-délinquants ». Puis elle s’est contentée de lancer des slogans sécuritaires sans obtenir de résultats particulièrement grandioses. Et sans engager la moindre mesure efficace en matière de politique de la Ville.

Elle a fustigé les pédagogues de gauche et « l’héritage de mai 1968″… mais quelle alternative a-t-elle proposé en terme d’enseignement ? Rappeler qu’il faut se lever quand le maître entre en classe ? Et qu’il serait bien aussi d’apprendre aux enfants que la Marseillaise n’a pas été inventée pour les matches de football ?

Elle a fustigé les 35 heures et elle le fait encore régulièrement. Mais elle ne les a jamais supprimées, ajoutant à la réforme des années Jospin le dispositif fumeux, coûteux et inefficace des heures supplémentaires défiscalisées.

Elle a crié au loup devant les méfaits d’un capitalisme mondial qu’il fallait impérativement réformer… sans exiger la moindre contrepartie lorsqu’elle a sauvé les banques lors de la crise.

Elle a hurlé contre les collectivités territoriales qui dépensent trop, tout en « oubliant » de leur verser ce qu’elle leur doit dans le cadre de la décentralisation.

Elle a ardemment souhaité la république irréprochable, tout en plaçant la presse sur écoute et en laissant courir les affaires Bettencourt et Karachi.

Certes, les discours électoralistes ne datent pas d’hier. Mais considérer à ce point l’électorat comme un marché et la communication comme l’art de distiller des messages de séduction… Ce niveau de perversion avait rarement été atteint. A se demander quel intellectuel digne de ce nom osera encore soutenir cette droite-là en 2012. A ce jour, la majorité actuelle va donc droit dans le mur. On la voit mal s’offrir à la fois un bilan correct et un projet qui tienne la route dans les six mois qui nous séparent encore de la présidentielle. Et, franchement, on ne la pleurera pas.

Crédit photo : blogcpolitic / Flickr

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