« Racine par la racine », drôle et intelligent

Au théâtre de l’Essaïon, à Paris, se joue une pièce drôle, enlevée et poétique : Racine par la Racine, pour tous les amateurs de ce grand poète français, mais aussi tous ceux qui ont été traumatisés par l’étude de Phèdre ou d’Andromaque au collège.

 

Que l’on soit amateur ou non du tragédien Racine, le charme de la pièce de théâtre Racine par la racine opère. Le metteur en scène Serge Bourhis et cinq excellents comédiens ont relevé avec succès le défi de parler de Jean Racine en évoquant sa vie et son œuvre tout en alternant parodie et moments de pure poésie. On sait que le burlesque est ce qu’il y a de plus dur à réaliser au théâtre : jouer finement, sans tomber dans les clichés ou la lourdeur. Dans cette pièce, le défi est double puisque les comédiens s’attaquent également au texte du superbe Racine dont les œuvres ne sont pas spécialement réputées pour leur légèreté comique. Mais qu’est-ce qu’ils l’aiment, ce Racine ! Qu’ils le respectent ! Qu’ils l’admirent ! Qu’ils le comprennent !

Serge Bourhis, également auteur de la pièce, a imaginé un club des Alexandrins Anonymes regroupant des « addicts » du vers racinien, vouant un culte presque sectaire à la beauté des douze syllabes. « Si toi aussi tout t’afflige et te nuit et conspire à te nuire, rejoins donc le club des Alexandrins anonymes ! » Nous entrons donc dans ce club qui veut faire du théâtre de Racine pur et dur. Ils n’omettent aucune des onze tragédies : ils s’attèlent même aux pièces de jeunesse comme La Thébaïde ou Alexandre le Grand en ombres chinoises.

Heureusement pour les spectateurs, les adhérents à cette « secte » racinienne sont un peu particuliers : ils ont le sens de l’humour. Le ton est très libre, souvent drôle. Par exemple, ils n’hésitent pas à dire qu’il ne se passe rien dans Bérénice et en font même la démonstration (en jouant mieux que les acteurs de la Comédie Française dans cette même pièce, jouée quelques semaines auparavant…).

Mais il y a aussi de la pédagogie : les acteurs jouent des répétitions pour expliquer au spectateur les rouages d’une scène d’exposition racinienne. Par ailleurs, nous écoutons avec joie le monologue tant attendu du garde (un personnage présent dans toutes les pièces de Racine mais qui n’avait pas encore eu l’occasion de s’exprimer), et on comprend enfin pourquoi Racine a écrit deux pièces d’inspiration biblique, Athalie et Esther à la fin de sa vie.

Jean Racine est lui-même invité à s’exprimer sur sa pièce Britannicus dans une interview exclusive. Les acteurs parodient Racine tout en mettant en scène avec beaucoup de finesse des extraits notamment d’Andromaque et de Phèdre.

Le trio final interprète magnifiquement le premier aveu de Phèdre à sa confidente Oenone, et cela bien mieux que dans des mises en scènes bobo des années 2000… Notez bien que les comédiens sont excellents tant dans le registre tragique que dans le registre comique, tant dans la poésie que dans la parodie. Leur jeu est très précis et ils font preuve d’une énergie débordante.

Bref, une pièce pour les amateurs de poésie, de littérature, qui se reconnaîtront parfois dans ce club des « Alexandrins Anonymes », et pour tous les autres qui auront le plaisir de découvrir cet auteur ou de se réconcilier avec lui.

D’autres critiques sur Retour d’actu.

Ce contenu a été publié dans Nos critiques, avec comme mot(s)-clé(s) , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *