Professeur en virologie au laboratoire du CHU de Caen, Astrid Vabret donne un point de vue scientifique sur le vaccin qui fait douter 78% des Français… et démonte quelques idées reçues. Troisième article d’un dossier consacré à la grippe A.
Retour d’actu : les Français ont le sentiment que le vaccin a été fait un peu rapidement. Est-ce fondé ?
Astrid Vabret : « Ceux qui ont fait le vaccin sont des professionnels. Il a été fait vite, urgence oblige, mais il n’a pas été vite fait ! Ce qui se passe c’est que, tous les ans, un nouveau vaccin est fabriqué avec une nouvelle formule vaccinale, en fonction des données de l’OMS. Cela parce que le virus grippal évolue… L’argument « personne ne sait ce qu’il y a dans le vaccin » ne tient pas. L’autorisation de mise sur le marché a certes été rapide pour ce vaccin, mais elle a suivi toutes les étapes. C’est une urgence, c’est pour prévenir ! Si l’autorisation de mise sur le marché avait duré plusieurs années, cela n’aurait servi à rien. »
Doit-on avoir peur des effets indésirables ?
« Ce vaccin ne provoque pas davantage d’effets secondaires qu’un autre et n’est pas plus dangereux qu’un autre. Je suis effarée par ce qu’on lui reproche, ce n’est absolument pas scientifique. »
Pourquoi les généralistes n’ont-ils pas été autorisés à vacciner ?
« Ce que je peux vous dire c’est que j’ai assisté à beaucoup de réunions pour les médecins généralistes. Au début ils étaient majoritairement opposés au vaccin. Or on ne peut pas demander aux généralistes de vacciner s’ils sont contre ! Peut-être ont-ils changé d’avis entre-temps… Mais, si dans la population, beaucoup de personnes ont refusé de se faire vacciner, c’est sans doute d’abord parce que de nombreux médecins étaient contre. De surcroît, étant donné que ce vaccin était livré en multidoses, il aurait été difficile pour les généralistes de réaliser cette vaccination. »
Doit-on s’attendre aux mêmes mutations que pour la grippe saisonnière ?
« Dans le cas des mutations que l’on a observées, les souches n’ont pas été transmises de personnes à personnes. Les mutations ont eu lieu à l’intérieur même de l’organisme. L’efficacité du vaccin n’est donc pas modifiée. Il faut cependant souligner que plus le virus circule, plus il a de chance de muter. C’est une raison supplémentaire pour vacciner le plus grand nombre de personnes. C’est un geste altruiste, civique. La vaccination est la réponse la mieux adaptée. »
Au-delà du vaccin, point de salut donc ?
« En virologie, nous avons très peu de médicaments actifs contre le virus. Ce sont des molécules qui empêchent le virus de se multiplier. C’est le cas du Tamiflu ou du Relenza. Ils ont une efficacité quand ils sont donnés très tôt, mais une fois que le virus est multiplié, il est plus difficile d’agir. C’est pourquoi on a favorisé le développement du vaccin, car il n’y a rien de mieux que nos propres anti-corps pour arrêter le virus. »
Cette grippe est-elle plus grave que la grippe saisonnière ?
« Globalement, on estime que la mortalité est égale. Avec une nuance cependant… La grippe saisonnière peut entraîner la mort parce qu’on est fragile, parce qu’on souffre d’insuffisances respiratoires, ou en cas de surinfection bactérienne. Et puis il y a la mortalité directe, beaucoup plus rare… Avec ce nouveau virus, cette dernière est plus importante. En l’occurrence les personnes à risque sont les petits de moins de six mois. »
Crédit Photo Daniel Paquet / Flickr
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