Alain Dolium, l’élégant débutant

Tête de liste du Mouvement démocrate (MoDem) en Ile-de-France pour les régionales, candidat pour la première fois, Alain Dolium est entrepreneur et issu du milieu associatif. Il prend ses marques dans le monde complexe de la politique. Rencontre.

Noir, 42 ans, bel homme, élégant. Pour les médias, il est parfois « l’Obama français ». Mais Alain Dolium, tête de liste du Mouvement démocrate (MoDem) en Ile-de-France, n’apprécie guère la comparaison : « Ce serait réduire ce que je suis à un critère ethno racial. » S’il accepte d’être un symbole, ce n’est pas celui de la diversité, mais de la société civile.

Sur ce point, justement, il a de sérieux arguments à mettre en avant pour sa première campagne. Élevé en banlieue parisienne, à Malakoff notamment, il dit avoir été marqué par la discrimination en milieu scolaire. En 2005, il co-fonde Talents O Pluriel, une société qui tente de soutenir les compétences en banlieue. Depuis deux ans, il est également vice-président de l’Observatoire français de la diversité. Il est aussi membre du club XXIème siècle, qui œuvre pour l’intégration des Français d’origine étrangère. Au vu de ce parcours, il lui est plutôt aisé de justifier son engagement politique : « Dans le monde associatif, j’ai travaillé sur des questions d’éducation, d’orientation, de développement économique, de la diversité au sens large. Mais dans le milieu associatif, on dispose de petits leviers pour agir. Aller en politique, pour moi, c’est d’abord bénéficier de leviers plus importants. »

Le pari est osé. Malgré cet engagement associatif et ces convictions, Alain Dolium, militant au MoDem depuis la création de ce parti, fait figure de débutant face aux poids lourds Jean-Paul Huchon, Valérie Pécresse et dans une certaine mesure Cécile Duflot, qu’il défie dans la région la plus riche de France. Il joue le rôle de l’outsider. Les sondages ne lui ont pas été favorables durant la campagne, ne dépassant guère les 5%. Mais quand on le lui fait remarquer, Alain Dolium balaye la remarque : « Ce serait compliqué pour moi si l’on pouvait constater que la notoriété est égale à la compétence! » La compétence, c’est précisément ce qu’il met en avant.

Car, outre son parcours associatif, il est entrepreneur. Diplômé d’HEC Montréal, cofondateur d’Obad Mobile Marketing, une société spécialisée dans le paiement via le téléphone portable, le candidat MoDem se présente comme un connaisseur du monde de l’entreprise et du tissu économique et social francilien, comme un homme qui sait écouter ses concitoyens, mais surtout pas comme un professionnel de la politique.

« Certains politiques font mal leur job! »

Cette connaissance affichée du terrain est un argument de vente. Surtout, elle permet à Alain Dolium de brocarder certains politiques qui, eux, semblent très éloignés des réalités quotidiennes des Franciliens. Capable de citer de mémoire le prix des abonnements aux transports, zone par zone, il s’amuse de la gaffe de Chantal Jouanno à propos de l’automatisation des lignes de métro 1 et 14. Et plus généralement de ce qu’il considère comme des inepties ou des promesses excessives… « Au Medef, j’ai débattu avec le PS, l’UMP et les Verts. Des gens qui pèsent lourd dans le paysage politique français… Parfois, les chiffres et les propositions qu’ils avançaient étaient ubuesques ! »

Lui mise sur son image d’entrepreneur réaliste : « Si je pouvais vous dire droit dans les yeux, comme le fait Valérie Pécresse, que je créerai un million d’emplois dans la région, je le ferais. Mais ce serait être irréaliste. 160 000 emplois, cela correspond davantage à la réalité actuelle de l’Ile-de-France. » Il égratigne au passage les bilans des uns et des autres: « Il y a 500 000 chômeurs en IDF et 120 000 bientôt en fin de droit. Le taux de chômage en Seine-Saint-Denis est de 10,9%… donc largement supérieur au taux de chômage national. Or, nous avons la plus grande région économique de France. Qu’est-ce que ça veut dire ? Tout simplement qu’il y a des hommes politiques qui font mal leur job ! Nous devrions être bien en dessous du taux de chômage national. » Et il promet de ne pas courir, comme d’autres, après plusieurs « bâtons de maréchal ». « Quand on a un mandat, on s’y tient » affirme-t-il… même si lui-même n’envisage pas d’abandonner ses activités dans le privé en cas d’élection.

« J’hallucine ! »

Avec obstination, meeting après meeting, il développe les thèmes de campagne qui lui tiennent à cœur et qu’il présente comme pragmatiques : la mise en place d’une agence de l’emploi en Ile-de-France répertoriant les différentes aides publiques possibles pour lancer son entreprise, une « assurance emploi » remboursant certaines cotisations sociales aux entrepreneurs en faillite, ou un passeport découverte liant plus étroitement les mondes des études et de l’entreprise. Sans négliger, bien sûr, l’indispensable désenclavement des banlieues, qu’il présente comme un vivier de talents.

Ces mots, qui pourraient passer pour de la démagogie chez d’autres, sonnent justes dans la bouche d’Alain Dolium: son parcours, son militantisme associatif et son statut de primo-candidat parlent en sa faveur. On a envie de le croire quand il se défend farouchement de faire de la « politique politicienne ». D’autant plus qu’il ne semble pas avoir assimilé tous les codes de cette politique-là. Lâchant par exemple un « J’hallucine ! » sur le plateau de LCI face à ses concurrents en Ile-de-France.

Au salon des entrepreneurs ou devant des étudiants de Sciences po, ses réponses sont claires, souvent efficaces. « Il est très bon pour un novice ! » se réjouit l’un de ses colistiers, lors du lancement de la campagne du MoDem dans le Val-de-Marne. Le discours de l’entrepreneur est également rodé pour faire face aux critiques, y compris celles qui émanent de son propre camp. Certains militants MoDem parisiens ont de fait affiché leur scepticisme face à la nomination, par François Bayrou, d’un inconnu, au seul nom de la diversité. « Quand on n’est pas soutenu, on n’obtient pas 75% des suffrages [des primaires du MoDem, NDLR] et on n’est pas tête de liste en Ile de France » rétorque Alain Dolium.

« Je dors trois à quatre heures par nuit »

Pour autant, il semble parfois plus à la peine quand il s’agit de se détacher de ses thèmes de campagne ou de sa rhétorique contre la politique professionnelle. Un travers qu’il compense par son caractère accessible… et son énergie: « Je dors trois à quatre heures par nuit, c’est une nature. » Insuffisant pour le moment: ces maudits sondages ne se décident pas à décoller. Pas même assez pour que le primo-candidat puisse jouer un rôle d’arbitre au second tour des régionales, comme le souhaite le sénateur centriste du Val-de-Marne Jean-Jaques Jégou.

Qu’importe, apparemment, pour Alain Dolium, qui assume le fait de parler beaucoup de son projet et de ne pas faire usage de ces fameuses « petites phrases » politique. A l’écouter, on pourrait presque penser que ces élections sont un examen, et qu’il tente de s’y rendre avec la meilleure copie. C’est oublier que les électeurs ne sont pas un jury, et que la politique n’est pas seulement affaire de projets. Pour ne pas l’avoir compris, le protégé de François Bayrou devra certainement se contenter d’une place de consolation au conseil régional.

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Crédit photo : Ruddy V.

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