Dino Ciani ou Chopin comme on l’aime

Le pianiste italien Dino Ciani, méconnu du grand public, propose l’une des meilleures interprétations des 24 études de Chopin.

Dino Ciani a un seul et grave défaut : il est mort jeune. Né en 1941 en Italie (Fiume, aujourd’hui en Croatie), il décède dans un accident de voiture en 1974, à 33 ans, à l’orée d’une brillante carrière. Entre temps, il a heureusement eu le temps d’enregistrer quelques disques en studio ou en public. Les rééditions dans les années 2000 se trouvent désormais facilement en magasin, neuves ou d’occasion, à des prix malheureusement élevés. Mais nous pouvons enfin apprécier le toucher, la légèreté, la souplesse sonore de ce pianiste adoubé par Alfred Cortot, pape français du piano, fondateur de l’Ecole normale de musique de Paris. Ce dernier, qui fut son professeur durant quatre ans, le trouvait « miraculeusement doué…. Un des plus remarquables exemples du talent le plus rare qu’on puisse imaginer ».

Il suffit d’écouter, par exemple, son interprétation de la dixième étude de l’opus 10 pour être de son avis. Le légendaire Hans Von Bülow tenait celle œuvre en haute estime. « Celui qui peut jouer cette étude de manière parfaitement polie peut se féliciter d’avoir réussi à grimper le plus haut sommet du Parnasse des pianistes, puisqu’elle est peut-être la plus difficile de tout le groupe. Le répertoire entier de musique pour piano ne comprend aucune autre étude de perpetuum mobile si pleine de génie et de fantaisie que celle-ci, exception faite peut-être des Feux Follets de Liszt. » Dans son interprétation, Ciani joue cette étude de manière parfaitement polie.

« Jouez facilement », répétait Chopin

Ciani est léger, souple, et joue Chopin  presque comme on rêve de l’entendre. « Jouez facilement », disait Chopin à ses élèves. Directive difficile à appliquer, quand on connaît le niveau technique requis pour jouer ces Études. Pourtant, avec Ciani, tout coule, la mélodie se pose et chante sur ces fameux accompagnements ondulatoires. Vérifiez encore avec la première étude de l’opus 25, rarement si bien rendue. La dernière étude du même  opus, si souvent et allègrement massacrée par des pianistes dénués de pensée et de sensibilité, est aussi remarquable. La violence qui s’en dégage, plus subtile, est bien plus massive.

Bien sûr, Ciani n’atteint peut-être pas à la perfection technique de beaucoup d’autres pianistes d’hier et d’aujourd’hui, qui ont la fâcheuse habitude de préférer perfectionner leurs gammes plutôt que d’accomplir la spiritualité de leur interprétation. Il arrive donc à Dino Ciani de « manger » quelques notes, de presser quelques fin de phrases. Mais plus important que tout, l’esprit est là. Il est malheureusement moins présent dans son interprétation des Nocturnes, en récital. Ici, Ciani adopte un jeu plus affecté, plus maniéré, et nous ennuie plutôt, quand la simplicité et la légèreté de ses Études nous ravissaient. Mais enfin, l’accomplissement de ces dernières suffit amplement à le faire entrer Ciani au Panthéon des très grands chopiniens, de la même manière que l’interprétation des Préludes par Jorge Bolet, en récital au Carnegie Hall, compte parmi les enregistrements incontournables du révolutionnaire polonais.

Pour en savoir plus : le site officiel de Dino Ciani (des morceaux mentionnées ci-dessus peuvent y être écoutés)

Crédit photo : www.dinociani.org

Davantage de critiques sur Retour d’actu.

On doit à ce pianiste italien méconnu du grand public une des meilleures interprétations des 24 Etudes de Chopin.


Dino Ciani a un seul et grave défaut : il est mort jeune. Né en 1941 en Italie (Fiume, aujourd’hui en Croatie), il décède dans un accident de voiture en 1974, à 33 ans, à l’orée d’une brillante carrière. Entre temps, il a heureusement eu le temps d’enregistrer quelques disques en studio ou en public. Les rééditions dans les années 2000 se trouvent désormais facilement en magasin, neuves ou d’occasion, à des prix malheureusement élevés. Mais nous pouvons enfin apprécier le toucher, la légèreté, la souplesse sonore de ce pianiste adoubé par Alfred Cortot, pape français du piano, fondateur de l’Ecole normale de musique de Paris. Ce dernier, qui fut son professeur durant quatre ans, le trouvait « miraculeusement doué…. Un des plus remarquables exemples du talent le plus rare qu’on puisse imaginer ».

Il suffit d’écouter, par exemple, son interprétation de la dixième étude de l’opus 10 pour être de son avis. Le légendaire Hans Von Bülow tenait celle oeuvre en haute estime. « Celui qui peut jouer cette étude de manière parfaitement polie peut se féliciter d’avoir réussi à grimper le plus haut sommet du Parnasse des pianistes, puisqu’elle est peut-être la plus difficile de tout le groupe. Le répertoire entier de musique pour piano ne comprend aucune autre étude de perpetuum mobile si pleine de génie et de fantaisie que celle-ci, exception faite peut-être des Feux Follets de Liszt. » Dans son interprétation, Ciani joue cette étude de manière parfaitement polie.

« Jouez facilement », répétait Chopin

Comparons-la donc avec celle de Maurizio Pollini, pianiste mystérieusement idolâtré aux quatre coins du monde pour son Chopin. La vérité s’impose : Pollini est lourd et ne comprend guère la musique du compositeur polonais. Ciani est léger, souple, et joue Chopin  presque comme on rêve de l’entendre. « Jouez facilement », disait Chopin à ses élèves. Directive terriblement difficile, quand on connaît le niveau technique requis pour jouer ces Etudes. Pourtant, avec Ciani, tout coule, la mélodie se pose et chante sur ces fameux accompagnements ondulatoires. Vérifiez avec la première étude de l’opus 25, rarement si bien rendue. La dernière étude de l’opus 25, si souvent et allègrement massacrée par des pianistes dénués de pensée et de sensibilité, est aussi remarquable. La violence qui s’en dégage, plus subtile, est bien plus massive.

Bien sûr, Ciani n’atteint peut-être pas à la perfection technique et à la clarté de beaucoup d’autres pianistes d’hier et d’aujourd’hui, qui ont la fâcheuse habitude de préférer perfectionner leurs gammes plutôt que d’accomplir la spiritualité de leur interprétation. Il arrive donc à Dino Ciani de « manger » quelques notes, de presser quelques tempos. Mais l’esprit est là. Il est malheureusement moins présent dans son interprétation des Nocturnes, en récital. Ici, Ciani adopte un jeu plus affecté, plus maniéré, et nous ennuie plutôt, quand la simplicité et la légèreté de ses Etudes nous ravissaient. Mais enfin, l’accomplissement de ces dernières suffit amplement à le faire entrer Ciani au Panthéon des très grands chopiniens, de la même manière que l’interprétation des Préludes par Jorge Bolet, en récital au Carnegie Hall, compte parmi les enregistrements incontournables du génie polonais.

>>> Le site officiel de Dino Ciani (des morceaux mentionnées ci-dessus peuvent y être écoutés)

« Hommage à Dino Ciani », 6 Cds.
Plusieurs compositeurs.
Editions Dynamic.

(Crédit photo Une : www.dinociani.org ; crédit pochette : www.dynamic.it)

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2 réponses à Dino Ciani ou Chopin comme on l’aime

  1. A bas les platitudes des amateurs dit :

    Il y a deux possibilités : soit c’est Pollini qui est lourd et ne comprend guère la musique du compositeur polonais, soit c’est vous. Je penche très fortement pour la seconde.

    Contentez vous d’écouter et évitez d’écrire : le métier de critique, même amateur, est réservé aux médiocres.

  2. Ernst Calafol dit :

    Merci de votre réaction.

    Difficile de vous répondre autre chose que de répéter que Pollini est évidemment mauvais dans Chopin. Il suffit d’écouter ses Etudes ou ses Nocturnes. Mais on ne discute pas des goûts et des couleurs.

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