Finkielkraut, parle de ce que tu connais !

Alain Finkielkraut aurait dû avoir l’humilité de s’écraser sur le sujet « Bleus »… parce qu’il ne le maîtrise pas ! Sa chronique sur l’équipe de France parue dans le JDD est digne d’une discussion de bar PMU.

C’était plus fort que lui sans doute. Alain Finkielkraut a donné dimanche dans le JDD « sa » version de la chute des Bleus. Comme quoi, la footballmania qui déchaîne les passions de la planète a aussi atteint les sommets de « l’intelligentsia intellectuelle ». Les philosophes n’échappent pas aux phénomènes de leur temps. Pour un peu, on pourrait parier que le prochain bouquin de Bernard Henry-Lévy (qui cite très sérieusement le philosophe fictif Jean-Baptiste Botul dans l’un de ses ouvrages…) parlera aussi de ballon rond.

Et que raconte-t-il, Finkielkraut, sur la débâcle de nos Bleus ? Du vent. Ses salamalecs pseudo-sociologiques habituelles appliquées à un monde dont le philosophe ne connaît à l’évidence que peu de choses. « A la différence des autres équipes nationales, ils [les joueurs de l’équipe de France, NDLR] refusent, en sales gosses boudeurs et trop riches, d’incarner leur nation » écrit-il. Une affirmation, et déjà deux conneries.

La première sur cette différence supposée entre les Bleus et les autres équipes. Si Alain Finkelkraut s’intéressait à l’avis de véritables spécialistes, il aurait appris de la bouche d’Arsène Wenger (entraîneur d’Arsenal et commentateur sur TF1) que « 80% des sélections de ce Mondial sont au bord de l’implosion ». La faute à une surmédiatisation, et à une intrusion de plus en plus politique dans la vie des sélections nationales en Coupe du Monde. On veut tout savoir, on doit tout décrypter, on doit réagir sur tout… En témoignent la fameuse Une de L’Equipe, les réactions systématiques d’après-match, mais aussi les visites de Rama Yade et Roselyne Bachelot aux Bleus, ou encore la réaction de Nicolas Sarkozy himself aux propos supposés de Nicolas Anelka. Ainsi placée sous le feu des projecteurs, n’importe quelle équipe en difficulté serait susceptible de « craquer ». Y compris en menant une fronde contre le sélectionneur sans autorité sur un coup du sort. Un refus d’entraînement ne fait pas des Bleus (ou en tout cas de tous les Bleus, comme le suppose l’article de Finkielkraut) des gosses gâtés indignes de porter le maillot tricolore.

Girouette philosophique

Seconde connerie : Finkielkraut se rappelle un peu tard que les joueurs de l’équipe de France sont « trop riches ». En fait, il s’en rappelle seulement quand la France perd. « On a rêvé avec la génération Zidane » déclarait il y a quelques temps le philosophe sur Europe 1. Aux dernières nouvelles, elle n’était pas non plus composée de smicards… Mais elle a gagné, Finkielkraut lui pardonne donc son fric, sa pub et ses sponsors. Si cette équipe de France –trop « black-black-black » et « caillera » au goût du philosophe– avait remporté la Coupe du Monde, qu’y aurait-il vu ? Le symbole d’une génération en passe de s’intégrer ? Certains journalistes sportifs disent n’avoir qu’une religion : celle du tableau d’affichage. C’est visiblement la même chose pour Finkielkraut qui, pour le coup, réagit exactement comme le supporter blasé d’un bar PMU. Que les idoles gagnent, on les adule, on en fait le symbole d’une France black-blanc-beur unie. Qu’elles perdent, on leur trouve tous les défauts du monde pour mieux les brûler. Une girouette philosophique ! Finkielkraut va dans le sens du vent. Il ne fait rien d’autre qu’hurler avec les loups.

Sa pseudo analyse ne revient pas sur les choix de Domenech (c’est « un sélectionneur sans âme ». Pourquoi ? On n’en sait rien) Elle ne dit rien de la politique pratiquée par la Fédération française de football depuis l’avertissement de l’Euro 2008. Non, son explication à la défaite collective, c’est « l’arrogance » des Bleus. Que n’y avait-on pensé plus tôt ! Sans arrogance, Govou aurait certainement marqué sur ce « caviar » de Ribéry contre l’Uruguay ! Sans arrogance, la défense française aurait certainement contenu avec aisance les assauts des attaquants mexicains ! Sans arrogance, Lloris ne se serait certainement pas « troué » sur un corner sud-africain ! Sans arrogance, la France n’aurait eu aucun problème à être championne du Monde ! Réveille-toi Finkielkraut, et fouille un peu du côté des équipes qui gagnent. N’y a t-il aucune trace d’arrogance chez Cristiano Ronaldo ? Ou chez le sélectionneur argentin Maradona ?

Autre relent nauséabond de cet article : les « divisions ethniques » qui tirailleraient les Bleus. Finkielkraut a-t-il des vérités à balancer sur ce point ? A-t-il des sources dans le vestiaire des Bleus qui lui permettent de délayer un peu cette affirmation ? Des « indics » confirmant que les Bleus « blancs » se sont opposés aux Bleus « blacks » ou « beurs » ? Qu’il parle, la presse sportive sera preneuse et nous aussi !

Le foot n’est pas un sport de gentlemen

Ultime connerie de Finkielkraut : il faudrait « sélectionner des gentlemen ». Et de citer Jean-Alain Boumsong, non retenu par Domenech. Certes, il est connu pour lire des livres, et répondre aux journalistes plus clairement que ses camarades footballeurs (la « langue irréprochable » chère au philosophe… qui a soutenu Sarkozy et son « casse-toi pauv’con »). Mais pour le drame de Finkielkraut, on retient les joueurs pour leurs performances sportives, non pour leur aptitude à faire des analyses de texte. Pour ça, il y a les universitaires. Et Boumsong « le grand joueur » n’a pas été privé de Coupe du Monde sans raison, au vu de sa saison en demi-teinte à Lyon… Mais Finkielkraut ne suit visiblement pas assez le championnat de France ni la ligue des champions pour être au courant !

Du reste, depuis quand le foot est-il un sport de gentlemen ? Finkielkraut a t-il déjà mis les pieds à Saint-Denis, au Parc des Princes ou à Gerland ? Si tel était le cas, il saurait que le stade est un lieu populaire, sur le terrain et dans les tribunes. Et que les mecs qui jouent au foot ont commencé jeunes, que peu d’entre eux ont fait des études, et que la vie bling bling est parfois leur unique référence. Ce qui n’est pas une raison pour les mépriser. Les joueurs de foot portent la fierté d’une ville ou d’un pays seulement parce qu’on veut leur coller cette étiquette et leur faire jouer ce rôle.

En l’occurrence, une attitude intellectuelle correcte aurait consisté à rappeler que, précisément, le foot n’est qu’un jeu. Que la nation ne sort pas « blessée » de cette Coupe du Monde manquée. Que la France aura de nouveau sa chance dans quatre ans, c’est la loi du sport. Retournez donc à votre culture M. Finkielkraut ! Le foot, ce n’est pas votre rayon…

Crédit Photo : Pil / Flickr

A lire aussi sur ce blog : les Bleus innocents, les Bleus coupables

Et aussi : Finkielkraut remet ça dans Le Matin. Les mêmes thèmes, les mêmes réactions… Curieusement similaires à celles de nos ministres qui ont eux-aussi cru bon d’avoir un avis sur le sujet !

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3 réponses à Finkielkraut, parle de ce que tu connais !

  1. berdepas dit :

    Z’êtes sévère avec Finkielkraut. Mais il n’est pas le seul dans la classe des « zntellectuels » à raconter des salades sur le Foot en général et « les Bleus » en particulier….
    http://www.berdepas.wordpress.com

    • Ruddy V. dit :

      … et encore, on avait des munitions pour le tailler plus que ça ! L’attitude de ce type est inqualifiable, pire que celle des joueurs qui refusent de s’entraîner. Parce que le foot est un sport populaire, Finkielkraut se croit en mesure de donner son avis (effectivement, comme d’autres pseudo-intellectuels et responsables politiques)… alors qu’il n’y connaît visiblement rien ! Pendant qu’il y est, il devrait aussi s’exprimer sur le Tour de France, ou se faire engager comme commentateur pour couvrir les prochains JO. Je prie pour que la jeune génération de journalistes n’hésite pas à remettre à sa place ce genre de type quand il publie des chroniques aussi navrantes et dénuées de fondement.

  2. Noemie dit :

    Effectivement, vous êtes sévères avec A.F.
    Sans doute va-t-il trop loin dans ses propos mais contrairement à ce qui est écrit, A.F. est bien un fervent supporter de l’équipe de France…A.F. a son abonnement au parc des Princes, regarde les matchs entre amis et a un même un joueur préféré (Henry) et – décidément ! – A.F. est également un grand amateur de cyclisme.
    Je pense donc qu’il n’y a pas de véritable mépris de sa part, mais plutôt de l’indignation et surtout un manque de distance vis-à-vis de ses propres exigences, ce qui n’excuse en rien des mots qui frisent l’insulte.
    Au fond, on pourrait être d’accord avec lui sur un point : les dérives d’un milieu un brin pourri par le business. Car qui ne riait pas jaune cet été, lorsque les portraits autocollants des bleus furent retirés des vitres du siège de la FIFA, aussitôt la sortie des bleus de la compétition ? Et qui n’a pas remarqué la fin soudaine mise à la campagne publicitaire Quick qui avait pour tête d’affiche Anelka ?
    Mais, effectivement, peut-on reprocher aux joueurs d’avoir fait ce choix ? C’est oublier toute la pression qui pèse sur ces nouveaux « people » : obligation de résultats, pression des médias, carrière…

    Finalement, ce serait un peu comme reprocher à Renaud d’habiter dans le 16ème, non?

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