Psychologie de comptoir

Freud peut se retourner dans sa tombe. La psychologie en kit déborde des magazines et envahit peu à peu tous les espaces de la vie publique et privée.

Combien, une séance chez le psy’ ? 50, 60 euros ? Pas donné, surtout pour le populo… Mais pas de panique, pour « mieux se connaître », « prendre soin de soin » (c’est tendance) notre époque a aussi sa psychologie gratuite. De comptoir, forcément. Réels ou virtuels, les journaux en regorgent. La chose se glisse quelque part entre « beauté », « love-sexe » et « déco ».

Pas vrai ? Ouvrez donc n’importe quel mag’ de mode… « Je rêve que je perds mes dents : inquiétant ? » ; « Maman poule ou maman cool ? » ; « Prêt pour un autre enfant ? » ; « Êtes-vous un gros fumeur ? » ; « Un gros buveur ? » ; « Un bon amant ? » Quelques clics, ou quelques croix dans les cases à l’ancienne, et vous voilà « renseigné » sur votre « personnalité ».

Cette manie du divan-à-tout-va serait risible si elle n’en devenait pas quasi-alarmante. « Les psys sont partout ! » titre le site Doctissimo à ce propos. Et de décliner leur présence dans les journaux, à la télé, au cinéma, sur Facebook, en entreprise, à l’école, à la crèche… Psychologie démontable, en kit adaptable à tous les milieux, pour gérer vos relations professionnelles, vos amis, vos amours, vos emmerdes… Sur sedecouvrir.fr, tous les détails sur vous-même. Freud, le pauvre, peut se retourner dans sa tombe. Qu’aurait-il pensé de cette névrose collective, de ce TOC généralisé de vouloir « se connaitre » à travers une série de conseils de pacotilles ?

« Dis-moi dans quelle position tu dors… »

Si certains médias s’efforcent d’accoler l’avis d’une autorité médicale à ces sujets –Psychologie.com fait l’effort, c’est bien le minimum syndical…- d’autres ne se donnent même pas cette peine. Exemple récent avec ce « test » sur le magazine Avantage.fr, supposé dévoiler la signification intime de la position dans laquelle on dort. Parce que, c’est bien connu, « La façon dont nous dormons en dit long sur notre personnalité ». La rédaction n’a pas honte de préciser que l’étude a été menée par un psychothérapeute (un peu léger quand même)… et la chaîne d’hôtel Kyriad !

Vous dormez sur le côté ? Cela « traduit un contexte de remise en question ou d’évolution ». Sur le ventre ? Attention, vous êtes probablement sujet à « l’instabilité émotionnelle ». Sur le dos et les mains en l’air (si si, c’est écrit…) ? Lucky you ! C’est « un besoin d’élévation » qui vous guette ! Bref, pour résumer, allongé sur le côté gauche, vous êtes perturbé. Bougez de quelques centimètres, la tête sur l’oreiller, vous voilà quasi-dérangé. Encore un petit effort, côté droit… Cela révèle votre tempérament fort.

Certains internautes commentent très sérieusement l’article, s’inquiètent brusquement de constater qu’effectivement, ils dorment sur ce fameux mauvais côté. Psyché, à moi ! J’étais cela, moi, et je l’ignorais ! Au fond, qui suis-je, que suis-je (et dans quel état j’erre ?). Rassurant de constater que l’un des lecteurs se demande « Comment [on peut] écrire un tel tissu d’âneries moyenâgeuses ? » et « De la tête de quel illuminé sont sorties ces pitoyables foutaises à prétention scientifique ? ».

Un autre note que s’il s’endort sur son côté gauche, c’est parce que la télé est dans cette direction… Ouf. La psychologie de comptoir a peut-être gagné tous les secteurs de l’espace public, privé et professionnel, mais elle n’a pas encore conquis tous les cerveaux.

Crédit Photo : Psychology Pictures / Flickr

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1 réponse à Psychologie de comptoir

  1. azerty dit :

    Tout à fait d’accord. Ras le bol de cette psychologie à deux balles!

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