Alors que Martine Aubry s’élève dans les sondages, Nicolas Sarkozy n’a jamais été aussi bas. Le camp présidentiel se fissure après la défaite des régionales. Reste le plus difficile pour la gauche : se forger une identité claire pour gagner en 2012.
Récemment, un internaute sans doute férocement à droite s’en prenait avec rage à la gauche sur le site du Monde.fr. Arguant que « Nicolas Sarkozy n’avait pas été élu pour être populaire, mais pour faire des réformes ». Pas vraiment une trouvaille, puisque c’est globalement cette rhétorique qui a constitué la défense des cadors de la majorité lors de la déroutes des régionales. La formule a néanmoins un intérêt : elle sonne comme un aveu. La popularité, en effet, a changé de camp.
L’époque où l’opposition était un champ de ruines et de désolation, écrasée par le bulldozer de l’UMP, est révolue. La gauche se relève. Surtout, elle comprend qu’ensemble, on redevient audible. Du camp socialiste s’élève désormais autre chose que la cacophonie de la guerre des chefs, pour la bonne et simple raison que Martine Aubry, la dame des 35 heures, est peut-être en passe de réaliser ce que plus personne avant elle n’avait réussi à faire depuis 2002 : rassembler ses troupes. Pas seulement sa famille politique, mais bien la gauche dans son ensemble. En fait, principalement une force alliant le rose, le vert et le rouge. Un bel arc-en-ciel…
Pour les sympathisants de gauche, il est sans doute trop tôt pour se sentir pousser des ailes. A défaut, ils ont de bonnes raisons d’être optimistes. La droite a pris une véritable gifle électorale, conservant péniblement son bastion alsacien en métropole. Martine Aubry, pour la première fois, caracole en tête des sondages : selon une enquête CSA, elle devancerait Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle en 2012. Les médias n’ont d’ailleurs pas attendu pour s’emparer de la nouvelle idole. Pour le Monde, la patronne du PS a acquis une nouvelle légitimité avec la victoire. Enfin et surtout, contrairement à 2004, la gauche française semble décidée à poursuivre son mouvement. Au soir du second tour des régionales, la complicité entre les ténors de la gauche était palpable. L’union est en marche, ou à tout le moins en bonne voie.
La droite malmenée, mais identifiable
Pour autant, la vie politique française n’est pas encore repeinte en rose. La droite, si déconfite qu’elle soit, reste en course pour 2012. Certes, elle est critiquée à plusieurs niveaux, chahutée. Il y a l’affaire Stéphane Guillon, et son affrontement par médias interposés avec le ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale Éric Besson. Il y a les attaques cinglantes de certains grands médias, comme celle d’Éric Fottorino, patron du Monde. Il y a les tiraillements entre ministres et députés de la majorité sur certaines mesures gouvernementales, comme la taxe carbone ou le bouclier fiscal (voir l’article du Figaro sur ce point). Mais le camp présidentiel conserve un avantage précieux : contrairement à ses adversaires, et malgré les difficultés à tenir son cap, il dispose d’une identité politique claire.
La droite sarkozyste s’est d’abord bâtie sur l’argumentaire sécuritaire. En multipliant les lois et les effets d’annonces contre la délinquance, l’UMP a fait de ce thème une véritable « chasse gardée »… et n’a pas manqué de le ressortir des tiroirs pour mobiliser son électorat avant chaque consultation électorale depuis 2007, bien que les résultats de ces politiques ne soient pas brillants. Le camp de Nicolas Sarkozy est également fortement lié à la défense d’une identité française. En témoignent le débat mené à ce sujet, le fait d’assumer sa préférence pour une « immigration choisie », et même certains dérapages, comme l’affaire de la lycéenne marocaine Najlae Lhimer.
La droite actuellement au pouvoir tente par ailleurs d’apparaître comme une force libérale, désireuse de réduire à la fois les impôts, les finances publiques et la taille de l’administration. A ce titre, plusieurs mesures sont à mettre sur le même plan : le bouclier fiscal, la réforme des tribunaux, la réforme des collectivités territoriales, le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, et la réforme des retraites à venir. Au niveau international, cette droite s’est clairement établie dans le camps de l’atlantisme et de l’européanisme, se débarrassant au passage de ses derniers relents de gaullisme. Enfin, d’une manière générale, elle apparaît décomplexée, notamment vis-à-vis du monde de l’argent.
Fort de ces thématiques dans lesquelles il s’est clairement ancré, le camp sarkozyste pourra s’établir sur des bases solides pour tenter de se succéder à lui-même en 2012. Des bases que Jean-François Copé a d’ailleurs immédiatement rappelées (voir l’article du Monde à ce sujet) après l’annonce des résultats définitifs aux régionales.
Tout n’est pas réglé à gauche
Au contraire, tout reste à faire pour la gauche. Non seulement elle ne dispose pas d’un axe clair pour faire campagne, mais son identité demeure floue sur bien des points. Les socialistes ont certes prouvé leur capacité à gérer les régions et les départements. Ils surfent pour l’instant sur les difficultés de la droite. Mais ont-ils une position arrêtée sur l’Union européenne ? Sur la réforme des retraites ? Sur la question du voile ? Sur la place de l’écologie dans l’économie ? Non, clairement non. On se souvient de la grogne du camp socialiste lorsque Martine Aubry a osé évoquer un recul de l’âge de la retraite. La question d’une alliance éventuelle avec le centre, souvent réalisée au niveau locale, n’a pas non plus été définitivement réglée.
Même sorti de sa longue convalescence, le PS n’est donc toujours pas parvenu à s’inventer une nouvelle identité, autour de laquelle il serait susceptible de mobiliser ses alliés. De surcroît, comme l’évoque l’hebdomadaire Marianne, la question des primaires peut relancer la guerre des chefs au PS. Malgré la victoire des 14 et 21 mars, Martine Aubry reste devancée par Dominique Strauss-Kahn dans les sondages, comme l’indique le Nouvel Observateur. Au risque de perdre encore un peu d’avance sur son rival, la patronne du PS doit pousser son parti à faire enfin les choix qu’il repousse depuis 2002. Il est plus que temps.
Crédit photos : manuel (photo M. Aubry) et Guillaume Paumier (photo N. Sarkozy) sur Flickr
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