La chienlit des Bleus

Depuis des mois, les prestations de l’équipe de France n’ont aucun intérêt footballistique. Retournons donc sur les prises de bec et autres retournements de veste de nos Bleus.

Le plus imprévu : « S’il y a eu fiasco, il y a des raisons. Et pour moi il ne faut pas se voiler la face : elles viennent de l’entraîneur. » William Gallas

On attendait, à l’issue de la coupe du Monde, des scuds anti-Domenech de la part d’Evra, Henry ou Abidal, c’est finalement William Gallas qui aura été le premier à envoyer du très lourd. Dans un entretien au magazine Les Inrockuptibles du 8 juillet, l’ancien capitaine des Bleus charge sévèrement Raymond. Ses entraînements n’étaient « pas au niveau« , il ne communiquait pas avec ses joueurs, et ne pensait qu’à son ego. Bref, tout ce qu’on savait déjà depuis plusieurs années, mais merci de confirmer (comme on dit au Canard enchaîné).

Le plus clair : « Va te faire enculer, sale fils de pute. » Nicolas Anelka

Cette phrase aurait été prononcée à la mi-temps du match France-Mexique par Nicolas Anelka, l’un des chefs de file du courant déstructuraliste-blingbling. Comment ne pas être saisi par sa franchise ? Elle réussit là où l’équipe de France a péché : aller droit au but. À noter une variante : selon d’autres sources, il aurait dit : « Toi et ton système, allez vous faire enculer. » On reste dans la même veine littéraire.

Le plus fourbe : « Qu’il crève ! » Patrick Vieira

D’après Jean-Michel Larqué sur les ondes de RMC, c’est ce qu’aurait lâché Patrick Vieira en off, à la suite du match France-Mexique, interrogé par des journalistes. De qui parlait-il ? De l’inénarrable Raymond, bien sûr, décidément au centre de toutes attentions, c’est-à-dire de toutes les insultes, plaque tournante de ce brillant brainstorming. Ah, je me souviens quand Domenech parlait de Vieira comme un pote à lui en l’appelant « Pat' ». Pat’ ? Pathétique Domenech…

Le plus provocateur : « Arrache-toi de là. » Franck Ribéry

D’après le Journal du dimanche du 20 juin, c’est ce qu’aurait lancé le célèbre milieu offensif à son sélectionneur, Raymond Domenech, alors que celui-ci cherchait à lui serrer la main à la sortie du vestiaire, en septembre 2009. Il est vrai que Ribéry avait débuté deux matches sur le banc… Sur le terrain, contre l’Uruguay et le Mexique par exemple, on a pu voir à quel point Ribéry s’arrachait, lui, pour ses couleurs.

Le plus maîtrisé : « Je préfère ne pas parler, sinon je vais me lâcher… »  Hugo Lloris

On reconnaît bien là le taiseux Lloris, qui n’en dit point, mais n’en pense pas moins. Vivement l’interview-vérité du grand, dans quelques mois, quand on pourra à nouveau parler « d’équipe » de France. A priori, y a du lourd… Michel Platini a fait dans le même esprit. Selon Direct sport, il préfère ne pas parler des Bleus, « sinon je vais les massacrer ! » Il a également promis qu’il viderait son sac dans quelques semaines. Alors, Platoche, napalm ou phosphore ?

Le plus silencieux : Un bras d’honneur. William Gallas

Pour montrer sa désapprobation, a-t-on toujours besoin de mots ? William Gallas, chef de file des néo-héraclitéens, a su nous montrer que non. Que lui avait fait David Astorga, journaliste à TF1, pour mériter telle sanction ? Il lui avait demandé son avis, en tant que relais du public français, sur la performance des Bleus. Allait-il lui répondre, comme l’aurait fait un Anelka, « Je vous encule, bande de fils de pute » ? Trop ému pour ça, Gallas a préféré faire dans le théâtral.

Le plus politique : « Il y a un traître parmi nous. » ; « Tu ne penses qu’à ta gueule. » Patrice Evra

En bon mauvais capitaine, Evra meurt avec son navire, en faisant tout pour accélérer le naufrage. Il y avait une brèche avec l’affaire Anelka, elle a été vite élargie par ce taulier. Il ne leur reste plus qu’à lyncher Yoann Gourcuff, le traître premier de la classe, qui, à coup sûr, ne s’élèvera jamais assez haut pour figurer dans ce classement. Concernant le « Tu ne penses qu’à ta gueule« , c’est ce qu’Evra a dit à Ribery, selon Le Parisien, alors que celui-ci s’était de lui-même présenté à l’émission Téléfoot pour plaider sa cause et démentir des rumeurs de mauvaise ambiance au sein de l’équipe. A cette occasion, Ribéry a dit qu’il se souciait du malaise de Yoann Gourcuff. Affirmation qu’il a démentie l’après-midi même, en tançant le milieu bordelais qui voulait s’entraîner et ne pas suivre la grève : « Vas-y Yoann, descends, tu seras seul sur le terrain, tout le monde te verra et tu seras la star des médias ! » So ! Li ! Da ! Ri ! Té !

Le plus collégien : « Gourcuff, c’est la nouvelle star. » Thierry Henry

Henry surnommait-il Gourcuff ainsi, avec le sourire ? Ou était-ce une des ces blagues humiliantes, qui nous rappellent les pires heures du collège ? En tout cas, L’Équipe et France Info rapportent ce trait d’humour de l’ancien capitaine des Bleus. Henry, après la coupe du monde, ira jouer aux États-Unis. Un refuge très prisé par les anciennes stars.

Le plus classe : « Domenech n’est pas un entraîneur. » Zinédine Zidane

Zidane, le geste juste, le mot juste. Pas de chichis, comme dans son jeu. Quoique. Jérôme Rothen avait raconté dans son livre que Zizou lui avait asséné un « Fils de pute«  tout anelkien, lors d’un match de ligue des champions. A la suite de cet aveu, il s’était fait fumer, car il ne faut pas écorner le mythe : Zidane est gentil, mari et père parfaits, fidèle, généreux, point barre, tout le monde le sait, tout le monde doit le savoir – y a les millions d’euros derrière. Avec cette phrase (« Domenech n’est pas un entraîneur »), que Danone se rassure, l’image de Zidane ne risque rien, car tout le monde déteste Domenech autant que lui, c’est devenu moral. Notons que Zidane a le chic d’insulter des gens dont la cote de popularité n’est pas au beau fixe : Materazzi, Rothen, Domenech… Aller Zizou, fais-toi Rama Yade, Mandela, Obama et tu redeviendras grand.

Le plus délirant : « Ce qu’ils ont fait est une aberration, une imbécilité, une stupidité sans nom. » Raymond Domenech

Voilà donc un « entraîneur » qui défonce ses propres joueurs, en pleine conférence de presse, parce qu’ils ont fait grève d’entraînement le jour précédent. Comment qualifier le reste de relations qu’il doit entretenir avec eux, après pareil camouflet ? D’un autre côté, comment ne pas être, pour une fois, d’accord avec lui ? C’est une phrase délirante, mais peut-être l’une des plus sensées, honnêtes, de son auteur depuis 2006.

Le plus sévère : « Que Patrice Evra ne revienne plus jamais en équipe de France. » Lilian Thuram

Le grand sachem Thuram ne veut plus d’Evra en Bleu ! C’est ce qu’il a annoncé au Conseil fédéral du 2 juillet. « Quand vous êtes capitaine de l’équipe de France, il y a une responsabilité, un respect du maillot et des gens à avoir« , a-t-il argumenté. Sévère mais juste ? Un brin sévère.

Le bal des focus : le maître incontesté, Noël le Graët

L’actuel vice-président de la FFF a effectué un brillant geste technique : la langue de bois doublée d’un retournement de veste. Depuis l’Euro 2008, il soutient mordicus Raymond Domenech. Dans Ouest France, il annonçait le 20 juin dernier, apporter un « soutien inconditionnel à Raymond Domenech« . « J’ai toujours eu la même logique, précisait-il alors, « l’entraîneur, on le soutient quand on est responsable« . Responsable ? Tiens c’est marrant, le quotidien Le Monde du 30 juin rapporte des propos qu’il a tenu sur Canal +, après la défaite des Bleus :  » Mon boulot, c’est de m’occuper des sponsors et des droits télé. Pas du sportif « , a-t-il plaidé, excluant donc sa démission. Autrement dit : on soutient Raymond, car on sait que de toutes manières on n’est pas le principal responsable. Puis quand Raymond perd, on se cache derrière ses non-responsabilités. Brillant. Un dernier détail : Noël le Graët se verrait bien à la tête de la FFF. Immense. Il a d’ailleurs été élu. Royal.

Le bal des focus : l’incontournable Raymond

Lors de son audition devant l’Assemblée Nationale, le 30 juin, il a dit que c’était la Une de L’Équipe qui avait tout déclenché. Rappelons que sur cette Une figuraient les propos fleuris de Nicolas Anelka (voir plus haut) à son encontre. Mais bien sûr Raymond, tout est de la faute des journalistes ! Voici une nouvelle application de la méthode « Le Graët » : moi-pas-responsable ! Mais peut-être devrions-nous l’appeler la méthode « Foot français » ?

Le bal des focus : le Conseil fédéral des sages de mes deux

A l’issue du match France-Afrique du Sud (1-2), Bernard Saules, membre du Conseil fédéral, représentant des arbitres, s’est exprimé sur TF1. Il a admis que si le vote pour le maintien de Domenech, à l’issue de l’Euro 2008, s’était tenu à bulletin secret, le sélectionneur aurait été remplacé. Pourtant, ils ont été nombreux, les membres de ce Conseil, depuis deux ans, à défiler devant les micros en soutenant que maintenir Domenech était le meilleur choix… C’était certainement le meilleur choix financier, puisque le licenciement de notre « entraîneur » adoré aurait coûté quelques deniers. L’important pour la FFF était certainement moins le résultat sportif (Le Graët, qui est chargé des affaires économique à la FFF, disait que la France, vice-championne du monde,  visait seulement les quarts de finale pour 2010) que les contrats signés avec les sponsors.

Escalettes et Le Graët pouvaient donc se congratuler, en décembre dernier, lors du renouvellement des contrats avec ceux-ci. « L’équipe de France a été plébiscitée par ses sponsors« , s’était réjoui Le Graët. Du côté d’Escalettes, il avouait être « rassuré« . « Je dois assurer la pérennité de nos actions et de nos ambitions. C’est le nerf de la guerre. » Beaucoup plus que les résultats sportifs et le contentement des supporteurs, on a bien compris.

Le bal des focus : Frédéric Thiriez, président de la LFP

En voilà un autre, un grand soutien de Raymond depuis 2008 : Thiriez. À l’époque, il n’avait pas honte d’affirmer publiquement soutenir Domenech. Pourquoi ? Vous allez rire : pour l’avenir du football français. « Le match à Constanza (2-2 contre la Roumanie, le samedi 11 octobre), en deuxième période et le match de mardi au Stade de France nous ont paru très prometteurs. L’équipe est jeune, en pleine reconstruction : il s’est passé quelque chose entre eux, les joueurs, et avec le sélectionneur. Il nous a semblé qu’il ne fallait pas briser cet élan par un changement brutal de sélectionneur. Il comporterait plus de risques que d’avantages, c’est pourquoi nous nous sommes rangés résolument aux côtés de la résolution (sic) du président de la FFF Jean-Pierre Escalettes. »

En parlant d’Escalettes, lui non plus n’était pas en reste de grands délires : « Il y a une adhésion des joueurs. Ils veulent aller au Mondial avec leur coach. Nous avons un chef de bande et je peux vous dire que cela se passe très bien entre le coach et les joueurs. » Humour, quand tu nous tiens… Un chef de bande… Repensez à cette assertion en regardant les images de Dodo lisant le communiqué des joueurs enfermés dans leur bus. Plus drôle que Coluche et Desproges…

Enfin, l’essentiel est qu’aujourd’hui, Thiriez s’en tire plutôt bien. Le 26 juin dernier, il a avoué avoir changé d’avis d’un coup : c’était bien une erreur d’avoir viré Domenech. Même s’il lui trouve des circonstances atténuantes. « Il a été totalement fragilisé et décrédibilisé par l’annonce de son remplacement avant la compétition. » Autrement dit, la FFF, et son président Escalettes, ont sévèrement déconné d’annoncer la nomination de Laurent Blanc trop tôt.

Pourtant, concernant ce même Escalettes, Thiriez reste magnanime dans ses critiques. « Il a fait ce qu’il a pu dans un climat impossible, avec un entraîneur qui ne lui disait pas les choses et des structures ingouvernables. Mais arrêtons le massacre et la démagogie. » Démagogie…

Pour résumer : selon Thiriez, c’est un peu la faute de tout le monde, mais tout le monde avait des circonstances atténuantes du fait de la médiocrité des autres, qui eux-mêmes se disaient que c’était la faute des autres, etc. Finalement, un seul s’en tire à peu près proprement : Frédéric Thiriez, bien évidemment.

Crédit photo : Celine Aussourd / Flickr

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1 réponse à La chienlit des Bleus

  1. berdepas dit :

    Hilarant. Un rappel percutant des propos d’une bande de virtuoses de la « langue de bois ». A rendre feu Georges Marchais fou de jalousie…..

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