Trois ans après avoir introduit le Revenu de solidarité active (RSA) dans le droit français, la majorité n’en finit pas de revenir sur ses principes… Jean-François Copé propose à présent de conditionner son versement à des heures de travail pour les collectivités. Une proposition on ne peut plus démagogique.
De deux choses l’une. Ou bien la majorité UMP ignore tout des lois et dispositifs qu’elle a elle-même mis en place, et c’est grave. Ou bien elle en connaît au contraire les tenants et aboutissants, et elle joue la carte du populisme en les remettant en cause. Et alors, c’est encore plus grave.
Difficile de dire dans quelle situation se trouve Jean-François Copé à l’occasion de sa récente sortie sur le RSA. Mais c’est nécessairement l’un ou l’autre… En proposant de conditionner le versement du RSA à des heures de travail d’utilité sociale, le secrétaire général de l’UMP montre, au choix, qu’il ne maîtrise pas son sujet ou qu’il veut s’appliquer à détricoter ce que son camp politique a mis en place et présenté comme une « mesure phare » du quinquennat.
En premier lieu parce que la solidarité nationale, par principe, ne se monnaye pas. Elle résulte d’une situation de fait qui ouvre droit à une compensation. De la même manière qu’un malade peut se faire soigner, une personne sans emploi peut bénéficier d’un revenu minimum pour subsister, le temps de retrouver un travail correspondant à ses compétences. On peut d’ailleurs noter au passage que les tâches d’intérêt général sont réservées… aux personnes condamnées par la Justice. Pas très flatteur pour les bénéficiaires qui seraient forcés d’effectuer des travaux parfois aux antipodes de ce qu’ils souhaitent.
Du reste, il est totalement faux d’affirmer que ceux-ci ont des droits sans devoirs. Un coup d’œil sur le site du gouvernement permet de vérifier qu’une personne qui touche le RSA doit entamer un parcours d’insertion. Ce qui signifie s’inscrire à Pôle Emploi, et donc être soumis à l’obligation de chercher du travail, ou éventuellement être orienté vers d’autres organismes professionnels ou sociaux pour se reformer. Les CAF, les Conseils généraux et les CCAS suivent d’ailleurs de près toute ouverture de droit au RSA et accompagnent les bénéficiaires.
Pour ceux-ci, la recherche d’un emploi est d’ailleurs très souvent une obligation de fait, dans la mesure où les sommes perçues sont faibles (467 euros pour une personne seule et 700 pour un couple) et, contrairement à ce qu’affirmait il y a un mois le ministre Laurent Wauquiez, elles prennent en compte le versement de minima sociaux. Le RSA permet plus de survivre que de vivre.
Activité d’intérêt général : qui paye ?
Par ailleurs, Jean-François Copé ne dit rien du financement de la mesure qu’il suggère. Faut-il que les collectivités mettent la main au portefeuille… sachant qu’elles financent déjà de nombreux contrats uniques d’insertion ? Si cela devait être le cas, et sauf à imaginer des créations de poste pesantes pour les finances locales, il est à craindre que les bénéficiaires du RSA en « travaux obligatoires » prennent tout simplement la place de ces employés en contrat aidé. Soit un résultat nul…
En désignant une fois de plus les bénéficiaires du RSA comme de potentiels responsables, le secrétaire général de l’UMP élude finalement plusieurs questions clés. D’une part, il fait l’impasse sur le fait que l’État demande aux Départements de gérer cette allocation, mais ne compense pas la totalité de leurs dépenses, comme le souligne un rapport du Sénat sur la question. Cela se répercute sur les finances des Conseils généraux et les prive de moyens pour mettre en place davantage d’actions locales en faveur de l’insertion professionnelle.
D’autre part, les propos de Jean-François Copé écartent la responsabilité de l’État dans la lutte contre le chômage… alors même que le gouvernement a d’ores et déjà décidé de supprimer 1800 postes à Pôle Emploi d’ici la fin de l’année 2011. Le problème, comme le rappelle la gauche, ce n’est donc pas les pauvres, mais la pauvreté dans son ensemble, et la manière dont elle est prise en charge. Sur ce sujet au moins, les ténors de l’opposition mériteraient d’être écoutés… quand bien même ils se retrouvent actuellement à défendre le RSA, un dispositif auquel ils se sont opposés lors de sa création.
Crédit photo : Guillaume Paumier / Flickr
___________________________________
D’autres coups de gueule sur Retour d’actu.