Les messages publicitaires niais inondent de nouveau les vitrines : c’est reparti pour une période de rabais général ! Les raisons de rester chez soi pendant les soldes ne manquent pourtant pas…
En ces temps de soldes, c’est presque un onzième commandement : Tu Consommeras ! Un pantalon pour lui, une robe pour elle. Et du parfum, des chaussures de ville, des sandalettes pour la plage, même une écharpe pour cet hiver, pourquoi pas… Les boutiques sortent de la fête des pères, une autre occasion de quantifier son amour en euros. Elles n’ont eu qu’à réorganiser les étalages pour le reste du monde. Et afficher partout, pour la énième année consécutive, les six lettres magiques qui font battre le cœur des client(e)s.
La pub’ n’est pas en reste. La Redoute a même proposé d’anticiper l’événement. Sur Internet, elle présentait une nénette dans les starting-blocks, prête à bondir vers les rayons : « A vos marques, prêt… SHOPPEZ ! » Il n’y en aura pas pour tout le monde (qu’on nous dit…) alors n’hésitez pas à pocher l’oeil de votre voisin s’il récupère le dernier jean à votre taille ni à crêper le chignon de votre voisine si elle vous pique le soutien-gorge dont vous rêviez…
Les soldes, enfer des salariés
Ironie mise à part, il existerait bien des raisons de fuir les magasins en période de soldes. Et pas seulement parce que les meilleures tailles partent vite. Le seul fait que les enseignes nous prennent pour des demeurés représente, en soi, un excellent argument. Mais il est loin d’être le seul. A cet égard, Yahoo pour elles sort (une fois n’est pas coutume) un article intéressant sur le calvaire vécu par certains salariés durant les fameuses semaines. Passons sur la photo (passablement idiote) et, il faut bien le dire, l’aspect très prévisible de ce genre de reportage…
Celui-ci met tout de même en lumière ce qui se passe derrière le comptoir : la loi du chiffre-à-tout-va, les multiples dérogations au droit du travail pour travailler plus longtemps, la pression quotidienne sur des salarié(e)s parfois quasiment esclaves de leur direction pendant les soldes. Du reste, il n’y a pas à chercher bien loin pour constater que ce qui est décrit dans l’article se retrouve dans de nombreuses enseignes. Même sans soldes, Carrefour a récemment été condamné pour avoir lésé des employés sur leur niveau de salaire.
Il y a quelques années, un inspecteur du travail un peu dépité confia à l’auteur de cet article que si on devait fermer les entreprises qui ne respectent pas le code du travail, il faudrait fermer la moitié des entreprises de France. La question portait alors sur un manque potentiel de salariés dans une entreprise en cas de grippe A généralisée. La réponse était simple : moins de personnel, autant de travail, donc plus de travail pour ceux qui restent, et tant pis pour le respect de la loi. On imagine ce que cela peut donner lors de ces semaines de vente à bas prix, durant lesquelles les clients se bousculent entre les rayons.
« Ne plus répondre aux besoins, mais aux frustrations«
Autre très bonne raison de ne pas faire les soldes, outre la cohue : éviter la dépense qui ne rassasie jamais la soif de consommer. « Le consommateur rêve toujours, le client ne rêve plus » notait à ce propos Georges Chetochine, spécialiste de la grande consommation, dans une interview au Journal du Net parue en 2005. « Il avait auparavant des envies et des besoins. J’ai vécu l’arrivée des hypers en France, c’était fantastique. Nous pouvions nous équiper en télévisions, réfrigérateurs, magnétophones… Aujourd’hui, nous sommes tous équipés. Le consommateur a moins d’envies, et le client en a marre, il ne veut plus de tous ces produits. La scission entre l’envie du consommateur et la réalité du client provoque une frustration. Nous rentrons dans une « économie psychique » : il ne faut plus répondre aux besoins mais aux frustrations. »
En d’autres termes, les enseignes n’ont plus le choix : pour vendre l’inutile et le futile, elles doivent titiller le besoin de jouissance immédiate du consommateur. Un jean reste un jean, certes, mais il vous faut celui-là, absolument, tout de suite. Il est très probable que la « fièvre des soldes » accentue encore cet engouement pour l’achat et ce désir de l’avoir-à-tout-prix qui est comme un ventre jamais rassasié. Car, encore une fois, un jean reste un jean. La compensation émotionnelle n’est que temporaire.
Le syndrome de « la fille partie faire les soldes »
Dernier argument, et sans doute pas des moindres : l’impact écologique de la période des soldes. Incontestablement, le seul fait de se déplacer massivement vers un centre-ville le premier jour des rabais doit déjà coûter très cher en bilan carbone. Libération notait à cet égard dans un article de 2010 que la France était victime du syndrome « de la fille partie faire les soldes » : « Même si le pays améliore l’efficacité de son système de production, ses efforts sont annulés en cas de forte croissance de la production et de la consommation. »
En clair, consommer plus alourdit notre bilan carbone même si l’on s’efforce de consommer mieux depuis quelques années. La meilleure manière de faire des économies de toutes natures pendant les soldes, c’est décidément de rester chez soi devant un bon bouquin…
Crédit photo : Ma Gali / Flickr
A lire aussi sur ce site : le scandale des femmes nues de Manet, et une autre frustration : celle de Facebook.
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