Il faut reconnaître au PS un certain courage… Depuis que ses membres proposent de faire voter les étrangers aux élections municipales, ils en prennent plein la figure sur le Net et reçoivent les crachats des haineux frontistes.
France socialiste, France molle ? Pas si sûr… Si le parti à la rose n’ambitionne plus de « changer la vie », il lui reste cependant quelque chose de ses convictions passées. La défense du droit de vote des étrangers aux élections locales fait partie de cette marque des temps jadis. Ce jeudi, aux portes du Sénat et face aux militants du front national, évidemment hostiles à cette mesure, les socialistes -avec les Verts- ont rappelé quelle position était la leur.
Et qu’on les approuve ou non sur le sujet, on ne peut du moins pas leur retirer ceci : défendre cette mesure est courageux. Car dans une France où le vote FN oscille entre 15 et 20% (un électeur sur cinq quand même….), où le racisme semble se banaliser, où la mondialisation est décriée, où l’étranger apparaît de plus en plus comme l’envahisseur ou l’ennemi, il n’est sans doute électoralement pas très porteur de dire que le black, le beur ou le chinetoque qui ont l’impudence de ne pas être nés sur notre sol pourront quand même glisser un bulletin dans l’urne. Fut-ce seulement pour les élections municipales.
Fidèle à son habituelle rhétorique, l’aboyeuse en chef du FN a scandé que « Le PS essaie de se trouver un nouveau socle électoral ». Et d’ajouter : « Ils veulent remplacer les travailleurs qui ont fini par se détourner de lui ». Calcul électoral, vraiment ? Si tel était le cas, on peut gager que les cadors du PS ne savent plus compter. Car pour un étranger gagné, combien de « bons Français » définitivement perdus ? Pour s’en convaincre, inutile d’aller tellement plus loin que les articles de presse qui relatent l’affaire. Celui de Public Sénat évoqué plus haut par exemple, où les commentaires ne vont pas précisément dans le sens de la proposition de la gauche.
« C est la catastrophe la pire des chose a faire ou on va » note Vumo77 (dans un Français impeccable, comme on constate, mais peu importe…)
Dannord1 abonde : « pourquoi ne pas directement instaurer la charia plutot que de tourner autour du pot ? »
« Pour arriver au pouvoir , la gauche est capable de tout , même de vendre le pays. » conclut phil62.
Et c’est bien pire encore dans l’actualité Yahoo qui retranscrit une partie de l’article : « A croire que la campagne du PS est financée par AL Q.U.A.Ï.D.A. » ; « Non à la charia ! la France aux français ! GAUCHOS= COLLABOS=TRAITRES » … et autres réjouissances du même genre, sur bien d’autres sites. Un article de L’Express rappelait en janvier dernier que les idées du FN progressaient à l’UMP. Et dans chat sur Le Monde.fr, le sociologue Alain Mergier estimait que de plus en plus de Français issus de la classe populaire se sentaient proches des idées frontistes. Il n’est guère possible d’en douter quand on entendait jeudi la meute hurlante du FN s’en prendre à « la sorcière » Eva Joly (ce qui n’a pas empêcher la nouvelle majorité de gauche du Sénat d’adopter le texte).
L’étranger, forcément inapte à voter ?
Difficile dans ces conditions de crier au racolage de voix. Le PS et ses alliés en perdent sans doute bien plus qu’ils n’en gagnent dans l’affaire. Et même à supposer que la mesure soit adoptée demain, elle ne concernerait que les élections municipales, et n’aurait donc absolument aucune incidence sur la présidentielle ou les législatives. Qu’en conclure, sinon que les socialistes et les Verts se font simplement les porteurs de valeurs un peu plus universalistes que celles très opportunément défendues par la droite et l’extrême droite ? (Pour information, en 2005, Nicolas Sarkozy himself déclarait : « A titre personnel, je considère qu’il ne serait pas anormal qu’un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France, puisse voter aux élections municipales »… Le vent change vite !)
Alors certes, on pourra rétorquer aux socialistes que ce n’est pas la première fois qu’ils se font les défenseurs de cette cause. Et on pourra leur opposer de nombreux arguments. Car effectivement, la mesure revient à créer un droit de vote « à deux vitesses », et elle délie nationalité et citoyenneté… Tout ceci est parfaitement audible et peut très légitimement faire l’objet d’un débat.
Mais pour autant, la prise de position socialiste est un utile coup de tocsin. Elle a le grand mérite de rappeler aux excités anti-immigration en tout genre que l’étranger de France est aussi multiple que le Français lui-même, et qu’il a le droit d’avoir une opinion sur ce qu’il se passe dans notre pays. Et tant pis pour les niais qui ne voient dans l’immigration que des « racailles » encasquettées responsables de délits et de récidives. La proposition du PS a l’excellent goût de leur rappeler qu’il ne se cache pas derrière chaque Maghrébin un prêcheur fanatique de l’Islam, désireux de voiler nos femmes et d’égorger nos moutons. Certains, eh oui, sont en capacité intellectuelle de voter, certainement pas mieux que la plupart des Français, mais probablement pas plus mal non plus.
En ce sens, Pascal Riché, rédacteur en chef de Rue 89, narrait sa propre expérience d’émigré aux Etats-Unis. Et mettait l’accent sur son envie, après quelques temps, de participer à la vie de la collectivité locale à laquelle il appartenait. Légitime ? Illégitime ? Encore une fois, le débat est ouvert. Mais il ne mérite certainement pas le déferlement de haine auquel on assiste depuis que le PS et ses alliés ont lancé leur proposition. Et qui devient, semble-t-il, monnaie courante dès lors qu’il est question d’un débat touchant à l’immigration. La proposition de la gauche est d’autant plus courageuse. Comme chacun sait ou devrait savoir, il n’est pas facile du tout d’opposer des arguments rationnels à une hystérie collective.
Crédit photo : branlon 1964 / Flickr
A lire aussi sur le net : le résumé de l’affaire par Marianne
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