Sarkozy sur le drame de Toulouse : Liberté, égalité, morbidité |


Une phrase de Sarkozy, devant des collégiens, à propos du drame de Toulouse, en dit long sur l’état piteux de la vitalité dans notre pays.

Il faut l’entendre pour le croire. Nicolas Sarkozy, président de la République, prononçant cette phrase devant un parterre de collégiens, à la suite du drame de Toulouse : « L’assassin s’est acharné sur une petite fille. Il faut réfléchir à ça. » Ces mots, que certains qualifieraient d’anodins, méritent pourtant toute notre attention.

Premièrement, Sarkozy commet un lapsus intéressant : le tueur ne s’est pas « acharné » sur une petite fille, il l’a attrapée par les cheveux et lui a tiré une balle dans la tête à bout portant. C’est un assassinat tout ce qu’il y a de plus froid. L’acharnement, c’est tout autre chose. Mais Sarkozy, en tant que politicien, donne au peuple ce qu’il demande : un bon vrai gros salopard qui serait tout l’inverse du vrai bon démocrate. Le Monstre. La Bête.

Le même procédé est observable dans le fait qu’une partie des Norvégiens tiennent absolument à ce qu’Anders Behring Breivik ne soit pas décrété fou par les experts. Quelle étrange ruse de la raison ! Les représentants des victimes se retrouvent ainsi solidaires de leurs bourreaux, qui tiennent à être taxé d’inhumanité, mais surtout pas de folie (comme Breivik qui tirerait une félicité immense – on a les projets de vie qu’on peut – à être l’homme le plus haï depuis Hitler).

Ainsi, notre communauté n’existe presque plus que par ce « Non » hurlé à la face du super-Méchant-sain d’esprit que tout le monde réclame. Nietzsche a rappelé qu’une personne n’existant que par un « Non » n’est rien d’autre qu’un esclave. Les paroles de Sarkozy nous prouvent que les dirigeants de nos pays « civilisés » ont pris acte de cette misère.

Sarkozy devant des collégiens ? L’école des cadavres

Deuxième observation sur les mots du Président : Nicolas Sarkozy nous encourage (pour une fois ?) à « réfléchir ». Celui-là même qui rappelait que, franchement, il n’était pas si intéressant de se pencher sur la Princesse de Clèves, nous encourage soudainement à nous poser. A prendre notre temps. L’hyper-président siffle la mi-temps. Réfléchissons. A quoi ? A l’image d’un type s’acharnant sur une gamine. Quelle saine idée ! Quelle délicate attention ! Quelle belle manière de parler à des enfants ! A bas la réflexion sur les romans : réfléchissons sur l’horreur. De ce point de vue-là, Sarkozy devant des collégiens nous rejoue l’école des cadavres.

Quelle mise en perspective formidable de la morbidité ambiante. Saoulons-nous d’horreur, pour qu’ensuite on n’aille pas se plaindre de la situation économique ou d’autres trucs sans importance. Que nous n’ayons pas l’insupportable volonté d’être fiers de nous, confiants, optimistes, combatifs, rebelles, c’est-à-dire en bonne santé mentale. D’ailleurs, il semble que l’assassin de Toulouse ait tout compris de la fascination sociale pour l’horreur : il aurait filmé ses méfaits. Film-culte potentiel bientôt disponible sur Internet ! Jouant ainsi le jeu de cette société qui, pour maintenir une apparence de vitalité, se gorge d’images de guerres, de sang, de fait divers, pour ensuite jouer les vierges effarouchées lorsqu’un type reproduit grandeur nature ce qu’on voit tous les jours dans des films, des séries télé ou des jeux vidéos.

 

Additifs du 23/03/12 : De nouveaux propos de Nicolas Sarkozy vont dans le sens des thèses défendues plus haut. Le Président a en effet estimé que les crimes de Merah, « n’étaient pas ceux d’un fou. Un fou est irresponsable. Ces crimes sont ceux d’un fanatique et d’un monstre ». On retrouve cette étrange communauté d’intérêt entre un tueur qui ne voudrait surtout pas passer pour un fou, et une idéologie (la démocratie d’opinions) qui a besoin d’un monstre-raisonnable pour perdurer. Merah était-il fou ? C’est à des psychologues de le dire, personne d’autre.

Crédit photo : Gabriel Lewertowski / Picasa
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