La République est sauve ! François Ozon s’est excusé de ses propos injurieux sur les femmes. Notre société peut ainsi entretenir l’idée rassurante que les femmes n’ont jamais été des filles.
Franchement, pourriez-vous imaginer notre Marianne républicaine, lors de ses longues soirées d’hiver, rêvant de faire la pute ? C’est pourtant ce que François Ozon a sous-entendu, il y a quelques jours, en prononçant ces quelques mots qui feront date dans l’histoire de l’infamie : « C’est un fantasme de beaucoup de femmes de se livrer à la prostitution. » L’insulte porte plus loin encore dans ce qui suit : « Je crois qu’être un objet de sexualité est quelque chose de très évident, vous savez, d’être désiré, utilisé. Il y a une sorte de passivité que les femmes recherchent. » Autant affirmer, tant qu’on y est, que les femmes sont frigides et barjots !
Heureusement, Ozon n’a pas osé tenir le coup. Face aux critiques dont il a été l’objet, il s’est rapidement dédit sur Twitter : « Propos maladroits et mal compris. Évidemment je ne voulais pas parler des femmes en général, juste des personnages de mon film. » Louable mea culpa, mais pour un féministe chevronné comme moi, ce ne sont là que trop plates excuses. Sous-entendrait-il que les personnages de son film ne sont pas des femmes ? Car dire qu’une seule femme a envie d’être une pute, c’est peut-être sous-entendre que toutes les femmes ont certainement eu, au moins une fois dans leur vie, l’envie d’en être une.
Une femme ne saurait dire autre chose que la vérité
Ce que j’ai préféré aux horreurs ozoniennes, c’est l’émouvante réaction de la ministre du Droit des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Elle a dit qu’une femme réalisatrice n’aurait certainement pas tenu de tels propos. J’appuie de tout mon poids cette remarque qui rappelle deux vérités fondamentales : l’esprit d’une femme est dénué de toute trace de perversion ; et une femme dit toujours la vérité sur les femmes et sur sa propre vérité de femme. Qui en doutait ?
Oui, mes frères républicains, la femme n’a pas connaissance du mensonge, ni de la duplicité. N’écoutez pas les fausses femmes libérées, comme Brigitte Lahaie, qui avait exprimé une pensée proche de celle de François Ozon, il y a quelques mois, à l’occasion d’un débat sur la prostitution. Rassurez-vous, la Femme ne nous quittera pas, ne nous trahira pas. Nous pourrons, comme nous le faisons si bien depuis des siècles, nous asseoir dessus.
Car la Femme n’existe plus, aujourd’hui, que sous la forme d’icône publicitaire retouchée, d’actrice porno liftée ; ou bien, en tant que maman silencieuse, bûcheuse et débandante. C’est ainsi que la société la veut, la Femme : pute imaginaire ou maman pragmatique. Certainement pas pute pragmatique, encore moins maman imaginaire. Comme dans Cinquantes nuances de Grey. Qu’elles soient nourricières, nos femmes, féministes engagées mais sous-payées, mères débordées et mauvaises baiseuses, migraineuses. Honte aux François Ozon qui ralentissent la France en détournant nos femmes de la conception de bébés tout frais !
Aujourd’hui, la Femme n’a plus de fantasmes. La Femme est morte.
Aujourd’hui, la Femme est socialement libre, enfin ; ce qui signifie aussi que socialement parlant elle n’a plus de fantasmes. Autrement dit, la Femme est morte. Mais c’est une bonne nouvelle, frères ! Car c’est ainsi que nous, moraux-progressistes, aimons les femmes. C’est ainsi que la République croîtra. C’est ainsi que la croissance reviendra. La Femme doit être normale dans une France rendue Normale par un président Normal.
Il y a, en chaque femme, une fille qui sait jouir. Par exemple, en jouant à la pute si ça lui chante. La République, comme toute communauté qui se respecte, se doit d’étouffer cette fille, en chaque femme, dès le plus jeune âge, de l’humilier, de lui faire honte. Qu’Ozon ne se croie pas trop autorisé à aller donner vie à ces filles, à révéler leur existence au grand public. Il est vrai que c’est le job de tous les artistes depuis la nuit des temps : libérer la substance féminine. Mais aucune société ne l’a jamais toléré, la notre pas plus que les précédentes et les suivantes.
Les amis de la mort sont toujours les ennemis des femmes libres, des femmes-filles, celles qui n’hésitent pas à gémir par delà bien et mal quand elles en ont envie. Ozon a compris, il n’a plus qu’à se tenir à carreau. Aller, François, c’est bon pour cette fois…
———————————–
Note du 26/05/2013 : Après François Ozon, Roman Polanski attaque l’Idole
C’est au tour de Roman Polanski d’être au cœur des critiques pour des propos sur… les femmes. Le réalisateur a estimé que les femmes s’étaient « masculinisées » du fait de la pilule. Par ailleurs, il estime que l’égalité des sexes a « chassé le romantisme de nos vies ».
Moi qui ne vois là que deux constats, même pas des opinions, je suis un peu étonné que ces propos aient à nouveau déclenché la polémique. Le front de l’amour n’est-il pas désenchanté ? N’importe quel observateur peut s’en assurer, tout le monde ne parle et ne souffre que de ça. Par ailleurs, la libération des femmes est inenvisageable sans le progrès technique : en échange d’être débarrassées des contraintes de la maternité, les femmes perdent aussi en féminité. Cela passe par la pilule, puis par l’utérus artificiel, etc.
Elle se masculinisent donc, et terrorisent encore un peu plus les hommes. Ce qui fait qu’ils ont, en ce moment, nettement le dessous dans la guerre des sexes. Le journaliste de l’article du « Figaro », en lien ci-dessus, un garçon certainement très bien élevé, ne peut d’ailleurs s’empêcher de se demander comment Emmanuelle Seigner, la femme de Polanski, a réagi aux propos de ce dernier. Attention, Roman Polanski, petit garçon : tu vas te faire gronder par ta maman-compagne… La parole s’est totalement libérée sur la sexualité, aujourd’hui ; à condition que l’on ne formule pas une opinion d’homme sur celle-ci.
On retrouve un peu la même idée que dans l’affaire Ozon : il ne faut pas toucher au femmes d’aujourd’hui, nécessairement parfaites, pures, féminines, désirables, etc. L’idéal du moment.