« Clément Méric », ou le mythe en toc de l’extrême-gauche |


La  politisation à outrance du tragique décès de Clément Méric est totalement injustifiée. Et elle nous empêche de voir en face que ce sont les rivalités mimétiques, identifiées par René Girard, qui régissent les rapports sociaux et déclenchent la violence. Les idéologies politiques ne sont que l’écume des vagues.

Le déroulement des faits ayant conduit au décès tragique du militant d’extrême-gauche Clément Méric me semble, point par point, correspondre à la théorie formulée par René Girard sur les rivalités mimétiques. C’est justement pour ne pas avoir à prendre en compte cette réalité que des responsables politiques de gauche et d’extrême-gauche politisent à l’excès ce fait divers. En faisant preuve d’un goût prononcé pour le déni de réalité.

Quelle est l’une des principales hypothèses posées par René Girard ? Qu’il est faux de dire que l’on se fait la guerre parce que l’on est différent. Selon l’auteur de La Violence et le sacré, plus nous nous ressemblons, plus nos intérêts convergent, plus nous avons tendance à nous haïr. Exemple avec la France et l’Allemagne en 14-18, les supporters de deux équipes de foot rivales, ou à l’échelle inter-individuelle avec deux hommes convoitant la même femme. Le maximum de violence apparaît toujours en présence de frères jumeaux. Les gens dont les objectifs divergent ont plutôt tendance à s’ignorer, s’éviter.

Revenons au cas de Clément Méric : visiblement, deux groupes de jeunes extrémistes se sont retrouvés en face-à-face à l’occasion d’une vente privée de vêtements de marque. Marque qui, ont précisé plusieurs articles de journaux, plaisait aux deux camps. Résumons : ce soir-là, deux bandes qui sont censées être l’antipode l’une de l’autre se découvrent un intérêt commun. Dans les minutes qui suivent, un affrontement éclate d’une violence telle que l’un des jeunes est tué. Est-ce vraiment un hasard ? Ou n’est-ce pas là précisément un exemple limpide des théories de René Girard ?

L’ultra gaucho aurait pu être le facho, et inversement

Bien sûr, il n’y a pas eu bagarre pour la simple et unique raison que les membres des deux camps désiraient le même jean. Mais cet élément a peut-être joué un rôle déclencheur. Peut-être, pendant une dixième de seconde seulement, se sont-ils aperçus de tout ce qui les reliaient malgré leurs pseudo-différences. Peut-être se sont-il aperçus qu’ils vivaient dans les mêmes quartiers ou fréquentaient souvent les mêmes lieux ? Qu’ils étaient habités par une même « passion » politique ? Qu’ils étaient convaincus d’avoir localisé où se trouvait le Mal : dans les mecs du camp d’en face ? Autrement dit, ils ont peut-être réalisé que leurs structures psychologiques, sociologiques, étaient similaires. Que s’ils étaient nés deux rues plus loin, ils auraient peut-être été membres de l’autre camp. Le gaucho aurait pu être facho, et inversement.

N’est-ce pas cette vision, même parcellaire et fugitive, qui a déchaîné la violence ? La vision insoutenable par excellence : l’individu en lui-même n’est rien, mais le désir mimétique est tout. Un comble dans une époque où tout repose sur le bien-fondé de l’individualisme. Ainsi, lorsque le désir menace d’exposer qu’il est mimétique ; lorsqu’il devient trop visible que ceux qui s’acharnent à être différents sont similaires : la violence se déclenche. Violence qui n’est alors que l’expression de l’angoisse ressentie par l’individu vaniteux face à sa réalité mimétique. Peut-être que ces jeunes extrémistes ont compris qu’ils n’étaient que des jouets agités par des « passions politiques » au final bien superficielles ? Voilà la vision insupportable. Lorsqu’un fait semble confirmer que nous sommes mimétiques malgré nos mille prétentions à l’autonomie, une seule solution se présente à nos yeux pour conserver une apparence d’intégrité : nous affronter pour nous rassurer, nous et tous les observateurs sociaux, sur notre pseudo-différence à laquelle on tient plus que tout.

La grande propagande de gauche s’est mise en action

Comprendre cela, me semble-t-il, serait le meilleur moyen de faire en sorte que Clément Méric ne soit pas mort pour rien. Que fait le discours social, c’est-à-dire actuellement, à 90 %, le discours de gauche et d’extrême-gauche ? Il fait bien sûr  l’inverse. Il politise au maximum. Il s’éloigne du réel en faisant de Clément Méric un martyre. Car le social a lui aussi besoin d’une scénarisation permanente ; il a besoin de faire croire qu’il existe. Or, comment pourrait-il exister s’il était prouvé que l’individualisme, érigé en norme absolue actuellement, était un mythe ? Quel intérêt a le droit de vote ou le droit d’opinion si les hommes sont mimétiques ? Tout s’écroule ! Plutôt que de considérer que les individus sont livré à leur vanité et à leur jalousie, nous préférons donc nous situer sur le plan des idéologies, et séparer ces idéologies en deux camp : le Bien et le Mal. Ici, bien sûr, tout a été organisé pour faire de Méric le symbole du Bien. Au mépris de tous les faits.

Cela nous donne des scènes hallucinantes de bêtise religieuse. Exemple : des camarades de Clément Méric, dans la cour de l’école Sciences Po Paris, chantant L’Internationale en guise d’hommage funèbre. Des jeunes gens se réunissant là où le pauvre garçon est mort, et brandissant le bras en signe de ralliement, alors qu’un jeune enfoulardé écrit sur le sol un message « anti-facho ». Ou encore un sénateur fondant en larmes en direct à la télé : on croit rêver. Quel cinéma, quelle pathétique comédie. A croire que c’est Cléopâtre qui vient de rendre l’âme, Voltaire, César, Jésus-Christ…

Passons sous silence le fait que ce sont les gauchos qui ont ouvert les hostilités…

Ailleurs, on a aperçu le lourd Pierre Berger se permettant de faire le lien entre les skinheads et les manifestants anti-mariage gay. Un responsable politique sans poids a même appelé à « tailler en pièces » les mouvements d’extrême droite (mais pas ceux d’extrême gauche ? Tiens, tiens…). On a entendu le chiffon Mélenchon estimer que l’acte de tuer Clément Méric était politique. Faire preuve d’un tel aveuglement, c’est ne rien vouloir comprendre. Comme si Clément Méric était mort d’être Clément Méric, militant. Bien sûr que non. Il est mort d’avoir été associé, dans la vision de son agresseur, au Mal. Et il est mort pour avoir eu la faiblesse de penser qu’un type d’extrême-droite de 20 ans représentait le Mal. Il est mort, comme presque tout un chacun, de ses erreurs de jugement et d’une part de malchance.

On remarquera bien sûr que le discours officiel oublie volontiers de rappeler que ce sont visiblement les militants d’extrême-gauche qui ont provoqué, en premier lieu, un couple de jeunes d’extrême-droite lors de cette vente privée. Et que ce sont apparemment les jeunes d’extrême-droite qui, dans un premier temps, se sont vus menacés de bastonnade. Si ces gauchos qui veulent rendre l’humanité meilleure sont opposés à la « violence fasciste », pourquoi ont-ils provoqué des skinheads ? Ils n’avaient qu’à se taire, négliger. Tout le monde sait que provoquer un skinhead expose à certaines épreuves physiques. S’ils ont donc provoqué des skinheads, c’est donc qu’ils ne sont pas opposés à la violence. Clément Méric savait donc à quoi il s’exposait : il n’a donc  rien d’un martyre, et sa mort ne regarde que ses proches. Un martyre est précisément quelqu’un qui ne croit pas à la fécondité de la violence. Que deux groupes de jeunes gens au psychismes vacillants se tapent dessus jusqu’à ce que mort s’ensuive, c’est vieux comme le monde. Méric n’est qu’un nom de plus dans la liste.

Autre hypothèse : Méric était peut-être pacifiste, mais fréquentait des gens qui, eux, ne l’étaient pas. Auquel cas il est bien un martyre, mais de l’extrémisme en général, pas seulement celui d’extrême-droite.

La mort de Méric, un exemple de la « montée aux extrêmes »

Mais il est hors de propos que le discours social garde un regard froid sur ce fait divers. Clément Méric n’a pas le droit de mourir en paix. Sa mort ne doit concourir qu’à une seule chose : pousser chaque camp dans ses retranchements, dans ses obsessions, pour intensifier la gue-guerre idéologique. C’est lui qui a commencé ! Non, c’est l’autre ! Affrontement qui, le temps aidant, se traduira par des actes de plus en plus violents des deux côtés. Principe que René Girard a qualifié, reprenant Clausewitz, de « montée aux extrêmes ». Comment refuser l’évidence : que nous sommes mimétiques ? En nous battant de plus en plus violemment. Qu’il y ait un mort en bout de ligne n’est absolument pas surprenant si l’on suit Girard, c’est même logique. Et il y en aura d’autres à mesure que la montée aux extrêmes s’intensifiera.

La seule manière de sortir de cette montée serait que chaque individu reconnaisse que ces affrontements idéologiques sont ridicules, absurdes, dénués d’enjeux sérieux. Que la passion actuelle pour les idéaux de gauches, c’est-à-dire des restes pourrissant de communisme naïf et dangereux, soit prise de haut. Vu la passion des commentateurs, vu la religiosité désolante avec laquelle les gens parlent de politique en France, cette conversion n’est pas pour demain… Bien sûr, les militants d’extrême-droite sont ouvertement violents. C’est moins le cas des idéalistes de gauche. Mais l’histoire a prouvé que la vision naïve de l’homme que divulgue le clergé communiste (cette croyance profonde à ce que l’homme, au fond, n’est pas corrompu, est capable de vivre dans l’égalité parfaite), sur le long terme, est encore plus meurtrière que la tyrannie d’extrême-droite. La naïveté est meurtrière, voilà l’enseignement qu’il faudrait tirer, me semble-t-il, des expériences communistes. On voit dans l’orgasme sentimental et morbide qui suit la mort de Méric à quel point les naïfs sont nombreux en France…

Lorsque Dominique Venner s’est suicidé, le clergé gaucho s’est offert le plaisir de quelques bons mots, sur le mode : « Un facho de moins ? Tant mieux ! » Aujourd’hui, ces mêmes gauchos se montrent la larme à l’œil, pour la mort tragique mais néanmoins idiote d’un simple militant. Comédie, comédie… Dans les deux cas, la réaction à la mort est la même : employer de bons vieux réflexes identitaires pour se protéger de la vision de notre mortalité, c’est-à-dire de notre infinie vanité à faire comme si l’on existait vraiment. Le problème, c’est que l’humanité n’abandonnera la violence qu’à la condition d’accepter de se voir comme elle est : malade de vanité.

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