La pénalisation des clients de prostituées ne permettra pas d’abolir la prostitution. Retour d’actu apporte sa contribution au débat en proposant des mesures plus radicales.
Le gouvernement estime que pénaliser les clients de prostituées aidera à abolir la prostitution. Les auteurs de Retour d’actu, qui partagent bien sûr ce rêve de vivre dans un monde sans violence d’aucune sorte depuis qu’ils ont lu l’intégrale de Babar, proposent au gouvernement des mesures qui seront plus efficaces encore :
– Sensibiliser les jeunes filles aux pratiques sexuelles qui plaisent aux garçons :
Comme le rappellent quelques prostituées interrogées ces jours-ci dans les médias, leurs clients font avec elles ce qu’ils auraient honte de proposer à leur femme. Retour d’actu propose donc que chaque collégienne passe un stage de sensibilisation aux pratiques sexuelles qui plaisent le plus aux hommes. Roselyne Bachelot avait, à l’époque où elle faisait semblant de s’intéresser au sort des prostituées, proposé de sensibiliser les collégiens aux méfaits de la prostitution. Ce que je propose n’est donc, d’une certaine manière, que la réponse du berger à la bergère, dans un strict souci d’égalité filles-garçons.
D’ailleurs, la mise en pratique de cette idée constituerait l’accomplissement du féminisme, à savoir une libre-disposition de leur corps de la part des femmes. Autrement dit, la disparition de toute féminité, de toute pudeur, enfin ! Une gratuité totale, après des siècles durant lesquels la vision du corps de la femme a été parasitée par les fantasmes des hommes, n’alimentant qu’une regrettable guerre des sexes qui a provoqué tant et tant de souffrances. Ne faudrait-il pas dépassionner tout cela ? Femmes, si vous décidez, dès aujourd’hui, d’être moins compliquées au lit, si vous vous faites force de proposition, sans rien attendre en retour, vous contribuerez grandement à mettre fin à la prostitution féminine.
– Interdire les films et sites pornographiques :
Mais pourquoi ces pauvres garçons ont toutes ces pratiques horribles en tête ? A cause des films pornographiques bien sûr. Il faut donc les interdire. Et les remplacer par une sensibilisation pour une sexualité gratuite, voulue, qui ne calcule pas, qui ne cache rien, une sexualité transparente, une sexualité insignifiante.
Ne voyez-vous pas, chers législateurs (en manque ?), que l’industrie porno est une autre forme d’exploitation des femmes, peut-être aussi honteuse que la prostitution ? Concrètement, comment est fabriqué un film X sur le Net ? Une jeune fille, probablement issue dans 90% des cas d’un milieu défavorisé, veut se faire de l’argent facile. Elle n’est pas considérée comme assez jolie pour faire des photos de mode ou, à la rigueur, des photos érotiques. Pour quelques centaines de dollars, elle décide donc de supporter les assauts d’un type (ou plus, voire beaucoup plus) qu’elle n’a jamais vus et ne reverra probablement jamais. La vidéo sera disponible gratuitement sur Internet pour le restant de ses jours. Franchement, si j’étais une femme et souhaitais me livrer à un acte possiblement dégradant pour de l’argent, entre la prostitution et le porno, je choisirais peut-être la première solution, plus discrète et peut-être plus rémunératrice.
Mais, bien sûr, Najat Vallaud-Belkacem restera sagement à l’écart de ce débat. Pourquoi ? Parce qu’il y a beaucoup d’argent en jeu. Vous n’allez pas interdire la fréquentation de sites X qui doivent représenter un cinquième, au minimum, des connexions à Internet. Autant supprimer le championnat de France de football tant qu’on y est ! Par contre, s’acheter une image en faisant des leçons de morales à quelques misérables prostituées et leurs clients soutenus par presque personne, ça ne coûte rien, c’est facile, personne n’est là pour les défendre, et ça ne fait pas perdre de l’argent à l’État. Au contraire, ça fera sensiblement augmenter la fréquentation des sites porno payants, rentrées de TVA à la clé.
– Interdire les call-girls :
N’est-on pas en train, en pénalisant les clients de prostituées, de créer une prostitution à deux vitesses ? Bien sûr que si. DSK et consorts auront droit, n’en doutons pas, à leurs milliers de putes de luxes dans les siècles à venir. Les sportifs de haut niveau n’auront que l’embarras du choix. Les artistes médiatiques, n’en parlons pas, les traders aussi. Bref, tous ceux qui ont du pognon.
Mais le pauvre clampin, qui n’a pas un sou, lui, n’aura même plus droit à sa prostituée prolétaire. Comment est-ce que les individus bornés qui sont à l’origine de cette loi ne voient pas qu’ils sont en train d’ôter le droit à la jouissance sexuelle pour des milliers d’individus ? C’est quand même drôle au sein d’une société qui n’arrête pas de nous promettre l’épanouissement sexuel avec force pubs, films, crème de beauté, tours de passe-passe chirurgicaux, sextoy…
– Mettre DSK et Zahia Dehar en prison :
Quels mauvais exemples pour la jeunesse, ces Zahia, ces DSK ! Puisque l’une implique forcément l’autre, il ne faut pas les opposer. Il me paraît donc évident que, pour supprimer la prostitution, il faut punir exemplairement ces malfaiteurs.
Bien sûr, je vous rassure, Najat Vallaud-Belkacem restera à la niche et Ribéry sera bien présent à la coupe du Monde de football. Car ces gens-là ont du pouvoir, un poids médiatique, de l’influence. Par contre, le péquenaud en mal de cul, qu’il crève dans son coin, qu’il culpabilise. Bientôt on lui fera en plus payer une amende pour qu’il se décide enfin de devenir un grand homme, un homme digne, probe, bienfaisant, comme DSK, comme Jérôme Cahuzac, ou encore une femme honnête, admirable, propre sur elle, comme Zahia Dehar, la belle courtisane devenue créatrice de mode.
Franchement, que nous dit, en sous-main, la société ? Mieux vaut être une pute pour riches ou un opportuniste friqué que quelqu’un d’à peu près probe et simple qui, honte à lui, est un jour allé voir une prostituée. Lui, c’est vraiment le looser.
– Interdire aux filles de s’habiller de manière trop sexy :
Oui, désolé de le signaler, mais de plus en plus de jeunes filles s’habillent de manière très olé-olé, d’aucuns diraient : comme des putes. Pas seulement en soirée, mais dans la vie de tous les jours. Je sais, il ne faut pas le dire, c’est réac’, c’est tout ce qu’on veut, mais le problème c’est que c’est vrai. Ce faisant, elles ne suivent évidemment pas leur libre-arbitre, mais obéissent aux ordres de la société du Spectacle qui ne tolère les femmes que sous forme de potiches débiles, de chair à canon. Pour revenir à une situation plus apaisée, il faut urgemment réapprendre aux femmes à sauvegarder leur intimité et à ne pas obéir au commandement spectaculaire : « plus on se montre, plus cela prouve que l’on est épanoui. » Cela pourrait, à terme, diminuer l’envie des hommes d’aller au bois de Boulogne.
CONCLUSION : les défenseurs de cette loi ne supportent pas que la jouissance soit facilement accessible
Blagues à part : n’est-il pas significatif que cela soit à l’époque de la putification généralisée que l’on se mette en tête d’abolir la prostitution ? La prostitution est peut-être en train de devenir un bien public ; les classes dirigeantes veulent en prendre le contrôle. Je crois qu’on ne cherche pas du tout à abolir la prostitution, par ce genre de textes ineptes, mais à la rendre plus rentable. On fait monter les prix du corps d’une femme.
Ce qui choque, aujourd’hui, n’en déplaise aux défenseurs de cette loi immonde, ce n’est pas qu’une femme se prostitue. Puisque personne n’est choqué quand une pute de luxe prend 1500 euros la nuit dans un hôtel quatre étoiles. On aurait même tendance à se dire que c’est bien payé. Non, ce qui choque les défenseurs de cette loi, c’est qu’on puisse jouir d’une gâterie pour cinquante balles à l’arrière d’une camionnette. Qu’on puisse faire ce que l’on veut à une fille, dans un hôtel de passe, pour deux cents balles. C’est ça qui leur reste en travers de la gorge : ils trouvent que c’est mal payé, et que les conditions d’exercice du métier sont honteuses (mais cela ne signifie pas qu’ils sont contre la prostitution en tant que telle).
Voilà pourquoi ils nous concoctent une loi qui vise moins à s’attaquer aux réseaux de prostitution qu’aux clients. Ce qui les choque, c’est tout simplement que la jouissance sexuelle soit facilement accessible dans des conditions où elle ne fait pas rêver, où elle n’est pas très ‘sexy’, c’est-à-dire où elle n’est rien d’autre que du cul honnête et sans fards. Où elle n’entre plus dans le cadre de la relation sexuelle ‘pure et parfaite’, c’est-à-dire publicitaire, rentable, celle qui fait fantasmer, celle qui fait consommer. Nous étions en droit d’attendre une vision plus tolérante de la sexualité de la part d’une société comme la notre, qui se targue d’être la plus libérale qui soit sur le plan des mœurs sexuelles.
Aujourd’hui, il semble que le législateur s’active dans la mesure où la baise n’est pas vendue au prix fort. La fantasmatique sexuelle est en effet devenue la principale marchandise qui fait tourner la machine, et cela va aller crescendo. Le cul bon marché et accessible est une aberration économique, voilà tout, c’est de la concurrence déloyale. C’est pourquoi il est en passe d’être confisqué. Vous fantasmerez devant nos centaines d’affiches, mais si vous voulez toucher, il faudra payer le prix fort. Vous n’échapperez pas à la baise surtaxée. Chaque orgasme sera dûment facturé. C’est ça, le libre-marché ! Libres, vous le serez. Mais au pas du Marché…