De n’importe quel bout qu’on la prenne, la volonté de supprimer le terme de « détresse » du texte sur l’IVG est absurde et affligeante. En France, chaque année, naissent environ 800 000 enfants. Et il y a plus de 200 000 avortements par an. Il est donc purement et simplement mensonger de dire que les femmes subissent la moindre pression sociale pour ne pas avorter. Je trouve en effet qu’on arrive à un beau score dans l’indifférence quasi-générale, preuve que l’énorme majorité des Français ne trouve rien à redire à la loi Veil.
Mais on sait comment fonctionne l’hystérie : c’est quand il n’y a plus aucune de raison de se plaindre que la plainte est la plus intense. Autrement dit, plus on est aux ordres de l’hystérique, plus elle quémande et s’indigne. Plus il n’y a aucun danger, plus elle voit du danger partout. Ainsi, la France se voit régulièrement métamorphosée, selon les besoins en scénarios de tous les Modernes modernants, en pays raciste, homophobe, xénophobe, antisémite, et, en l’occurrence, misogyne et anti-IVG. Alors qu’elle n’est, à proprement parler, rien de tout cela, et même l’inverse.
La personne la plus tragiquement creuse, en France : N. Vallaud-Belkacem
Les minables députés de gauche, et la personne la plus tragiquement creuse vivant en France actuellement, Najat Vallaud-Belkacem, soutiennent que retirer le terme « détresse » du texte sur l’IVG est de l’ordre du « toilettage ». Comme par hasard, sur les milliers de textes de loi qui existent, c’est celui sur l’avortement, l’un des plus lourds de sens, qui trinque ? On nous ferait presque passer cela pour un hasard.
Ce n’est pas un hasard. Tout comme le mariage gay, qui pour le moment n’a servi qu’a satisfaire les attentes de quelques milliers d’homosexuels encore assez patriarcaux pour avoir besoin d’appuyer leur engagement amoureux sur une institution, mobiliser le système démocratique français pour faire passer ce genre de « loi », ou de « toilettage », est une sorte de détournement, puisque cela signifie à nouveau mettre toute la machine de l’État au service d’une poignée d’individus.
Et, le plus grave : le terme de « détresse », peut-être mal choisi, dans ce texte, joue un rôle limitatif capital : c’est par ce mot qu’un bébé n’est pas associé à un objet, dans la Loi. A partir du moment où l’on retire ce mot, on estime que la liberté de choix d’une femme est plus grande que l’idée même que l’on se fait, sur le plan symbolique, collectif, d’un être humain. C’est mettre une liberté individuelle, par principe, au-dessus même de l’idée qu’il y a une race humaine qui mérite un respect sans borne. Bref, c’est de l’ordre du délire mégalomaniaque.
Et cela, c’est une erreur absolument tragique. Ainsi, j’ai lu sur la pancarte d’une manifestante qui soutenait l’avortement : « Un bébé, où je veux, quand je veux. » Cette proposition n’est en aucun cas acceptable (si toutefois l’on tient à l’humanité), parce qu’elle rabaisse un enfant au rang d’objet (mais aussi le mâle, vu comme un simple inséminateur, mais tout le monde sait qu’aujourd’hui la position du mâle est systématiquement mise hors-champ du débat social, au profit unique des attentes de la super-maman-désirable-incritiquable-et-de-ses-gamins-tout-propres-et-planifiés). Même voulue, programmée, la naissance d’un enfant est un évènement bouleversant, incalculable. Considérer qu’un bébé c’est où je veux, quand je veux, c’est tout simplement dénier le fait qu’un enfant bouleverse nécessairement une vie parce qu’il naît libre ; et c’est aussi exprimer une sorte de terreur quant à la responsabilité de vivre et d’avoir la capacité de porter un enfant. Et cette terreur, plutôt que de la gérer en son for intérieur, de l’encaisser, d’essayer de la soigner, l’hystérique actuelle va faire croire qu’elle lui vient de la pression sociale, alors qu’elle n’a jamais été si faible (220 000 avortements pour 800 000 naissances…).
C’est exactement suivant le même principe qu’un bébé fatigué va vouloir faire passer ses parents pour des bourreaux, en pleurant, lorsqu’ils vont le coucher le soir. Mais, le rôle des parents, à ce moment-là, c’est de ne pas prendre trop au sérieux les pleurs de leur enfant. Non par cruauté, mais pour l’aider à supporter le manque et les moments de doute et de désespoir. Le terrifiant, c’est qu’aujourd’hui le Pouvoir prend ces chichis infantilisant terriblement au sérieux. Supprimer « détresse », c’est légitimer les propos des féministes les plus gravement atteintes sur le plan psychiatrique.
L’avortement va-t-il finir par devenir une valeur libérale officielle ?
Il faut bien réaliser que nous vivons une régression profonde dans la mesure où le pouvoir a décidé d’être aux ordres des ces funestes pitreries. Parce que je pense qu’une immense majorité des femmes se bat l’œil de savoir si, dans la loi, il y a le mot « détresse » ou pas : elles se soucient de leur vie, de la réalité, et ne demandent pas instamment à ce que la loi colle à leur moindre désir : elles sont saines. Elles ne soupçonnent pas le monde entier d’avoir, à leur égard, des mauvaises pensées culpabilisantes. Mais elles savent qu’il y a quelque chose qui est au-dessus d’elles, qu’on appelle la loi, et sur lequel leur avis personnel est insignifiant. Car c’est à la loi de définir un référentiel commun, au mépris des désidératas de chacun.
Que défend Vallaud-Belkacem, aujourd’hui, en voulant supprimer le mot « détresse » ? Non pas le droit à l’avortement (il existe déjà…), mais l’idée de faire de l’avortement, à terme, une valeur publique de liberté. Associer automatiquement l’IVG à l’idée de liberté individuelle, de manière à ce que plus jamais aucune femme ne culpabilise d’avoir avorté. Écraser la dimension symbolique sous les coups de boutoir des millions de « moi-je ». C’est pourtant là l’inverse de la liberté, qui est : d’une part de laisser vivre aux gens ce qu’ils ont envie de vivre, et le cas échéant les laisser culpabiliser si cela correspond à leurs valeurs (sachant qu’en général, ce sont les gens sains qui culpabilisent) ; et d’autres part, s’appuyer, sur le plan symbolique, sur le principe que la vie humaine est sacrée (en effet, la liberté humaine ne peut exister que si le principe de vie humaine est une sorte de temple inviolable, sinon nous redevenons de facto des animaux). Si l’idée de vie humaine est sacrée, il est donc normal que, dans la Loi, le sujet de l’IVG mérite une sorte de traitement particulier (matérialisé par l’emploi du terme « détresse »). L’idée, c’est que l’on puisse avorter quand on le souhaite, mais sans oublier qu’on ne manipule pas un fœtus humain comme on achète ou vend un appartement. C’est cette idée que ces parlementaires, ou plutôt ces dangereux naïfs, refusent.
Un complexe de culpabilité se règle chez un psychiatre, pas à l’Assemblée nationale
Dans certains cas, des femmes ressentiront une culpabilité, selon leur histoire, leur sensibilité, après avoir avorté. Les féministes acharnées, qui sont probablement celles qui ressentent ou ressentiraient la plus forte culpabilité sur ce plan, ne sont pas en guerre contre les anti-IVG (puisque l’IVG est déjà autorisé et simple d’accès), mais en guerre contre elles-mêmes. Elles ne veulent pas avoir à gérer cette possible culpabilité : elle leur fait peur. Elles vivent mal le fait d’être femme, et potentiellement mère, et désirent qu’on leur donne carte blanche sur l’ensemble de leurs faits et gestes, mêmes les plus graves, pour n’avoir plus à culpabiliser de rien.
Elles emploient donc un autre « argument », face à de dangereux machistes comme nous, qui tient davantage du chantage affectif que du débat d’idées : laisser ce mot « détresse » signifierait que « la société » cherche à faire culpabiliser les « femmes ». Si une femme culpabilise outre mesure, aujourd’hui, d’un IVG, c’est qu’elle souffre d’un complexe de culpabilité. La preuve de l’existence de ce complexe de culpabilité, c’est précisément qu’elle va verser dans la paranoïa en croyant que le monde entier cherche à la faire culpabiliser : ceci se règle chez un psychiatre, pas à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, si une femme veut avorter sans culpabilité, elle le peut si elle le veut : tout le monde s’en foutra, et d’ailleurs presque personne ne le saura. Ce n’est pas la suppression du mot « détresse » qui va changer la donne.
En un mot : quand la féministe s’acharne à ce point à défendre son droit à l’avortement, elle prouve qu’elle n’assume pas ce droit. Que ce droit la dérange, la met en position d’effectuer un choix aux conséquences trop lourdes pour elle. La seule porte de sortie devient donc : faire de l’IVG quelque chose d’officiellement insignifiant, pour me soulager la conscience, même si cela passe par l’idée de faire d’un bébé un objet. Celles-ci tiennent tant à leur « liberté individuelle » qu’elles sont forcées d’assimiler un fœtus à quelque chose qui n’a surtout pas d’âme, qui n’a rien d’humain. Quelque chose pour lequel il est normal et sain de n’avoir pas la moindre considération. Cette position, c’est une prise de pouvoir sans limite de la femme-Mère.
Quand la gauche emploie avec brio la « méthode Sarkozy » qu’elle conspuait hier
Autre point très amusant : ces même défenseures de cette suppression du mot « détresse » étaient, je n’en doute pas, des anti-sarkozystes militantes. Pourtant, elles attendent du pouvoir actuel la « méthode Sarkozy » : légiférer, au coup par coup, sur de l’émotionnel, du sans que cela n’ait la moindre incidence dans le monde réel. Car il est à parier que le nombre d’avortements, dans les années à venir, ne variera pas parce qu’on a retiré le mot « détresse ». On est là uniquement dans la représentation, le fantasme (choses qu’appellent de leurs vœux les personnes non engagées émotionnellement dans leur existence, c’est-à-dire dans la réalité). C’est exactement ce que faisait Sarkozy lorsqu’il parlait de « roms », de « kärcher » ou de « racailles ». Une affaire de mots, pour frapper les consciences, marquer des points, rien de plus.
Ainsi, les anti-sarkozystes les plus féroces n’étaient pas contre la « méthode Sarkozy », bien au contraire : ils enrageaient que cette méthode, qui fait du maître officiel l’esclave de nos moindres désirs, ne fusse pas à leur propre service (ce que veut l’hystérique ? Un maître sur qui régner, disait Lacan). Ce qu’elles voulaient, en fait, c’était Ségolène Royal, qui a coaché Vallaud-Belkacem à ses débuts (tiens, tiens…).
René Girard voyait dans l’IVG une réminiscence des sacrifices humains
En validant, par leurs propos, les dérèglements psychiques de tous bords qui amènent à voir partout des homophobes, partout des antisémites, ou partout des machistes, les personnes comme Royal, Sarkozy, Hollande ou Vallaud-Belkacem sont au service du nihilisme intégral, de la mort. J’aimerais ne pas paraître sentencieux en disant ce genre de choses, mais le problème c’est que la situation nous y contraint (du reste, des centaines d’auteurs à côté desquels votre serviteur fait office de petit porte-parole l’ont dit et répété).
René Girard a émis l’hypothèse, dans Quand ces choses commenceront, que l’avortement, dans nos contrées, était peut-être un fait comparable aux sacrifices humains d’antan. On peut trouver cette thèse exagérée : le problème, c’est que les défenseurs les plus acharnés de l’IVG font tout pour nous inciter à la trouver vraie. Cette volonté obsessionnelle de retirer la notion d’IVG de tout carcan moral, au mot près, au mépris de la réalité, ressemble vraiment à l’attitude d’une personne souhaitant cacher les traces d’un crime qu’elle aurait commis ou croirait avoir commis. Car la personne à la conscience tranquille se caractérise par le fait qu’elle ne se paie pas de mots, elle vit dans la réalité et se soucie surtout de cela. La politique, actuellement, ne gère plus du tout la réalité, mais gère du pulsionnel à satisfaire, qu’elle soit de droite ou de gauche. C’est là ce qui est grave, et cela apparaît très nettement dans le débat sur l’IVG. Le problème, c’est qu’à force de titiller les forces pulsionnelles très puissantes qui sont au fond de chacun d’entre nous, elle prend le risque, à chaque fois, de déclencher une véritable tempête. La question, c’est : quand est-ce que cela arrivera ? Quand est-ce que tout cela finira en batailles rangées ? Puisque à terme, deux clans se dessineront : ceux qui tiendront à l’homme, avec tous ses défauts (c’est-à-dire ceux qui tiendront, par exemple, à Arthur Rimbaud), et ceux qui voudront le supprimer parce qu’ils le trouveront trop imparfait (ils se tourneront donc vers la post-humanité avec l’aide de la science).
Tout cela est atterrant au suprême degré. Lorsque l’addition sera à payer, il ne faudra pas venir pleurer, ce que ne manqueront pas, bien sûr, de faire tous les souteneurs de ce nouvel Ordre catastrophique qui s’impose dans nos contrées. Ils viendront pleurer leur impuissance, et n’est-ce pas la seule chose dans laquelle ils excellent, somme toute ?