Non, nous ne sommes pas tous Charlie Hebdo, et c’est là tout le problème |


Plutôt que de nous désoler, non sans une certaine complaisance, de l’attentat perpétré à la rédaction de Charlie Hebdo, en répétant des slogans sur mesure (« JeSuisCharlie », etc.), acceptons de nous remettre en question à la lumière du courage dont ces hommes ont fait preuve. Et utilisons notre liberté d’expression comme eux l’ont fait.

Je ne suis pas Charlie Hebdo, car je n’aurais probablement jamais le courage d’attaquer, face caméra, l’islam radical ou tout autre cancer social comme Charlie Hebdo le fait depuis si longtemps. Je ne suis pas Charlie Hebdo, car je me sens incapable, demain, après-demain, de publier une chronique ou de dessiner quelque chose dans Charlie Hebdo.

C’est une forme de lâcheté. Et je crois que la plupart des gens pensant personnifier Charlie Hebdo en ces jours sombres sont comme moi. Pensons, plutôt qu’à la posture que nous pourrions adopter face à ces horreurs, plutôt qu’à nos états d’âme qui en tant que tels n’ont qu’un intérêt très mineur, et même anecdotique au regard de la situation, pensons donc au courage de ces gens, ces gens qui ÉTAIENT, eux, Charlie Hebdo, et qui sont morts pour cela avant que nous nous révoltions platement derrière nos claviers, après coup, et en masse.

Qui lisait, ou même pensait régulièrement à Charlie Hebdo ? Qui, au jour le jour, ose, en famille, auprès de ses amis, auprès de ses collègues, employer VRAIMENT sa liberté d’expression ? C’est-à-dire prendre le risque d’énerver, provoquer, choquer, rompre avec des proches, sur des sujets politiques, économiques, sociaux, religieux ? Qui fait, chaque jour, un point d’honneur à combattre l’ignoble « politiquement correct », cet autre cancer qui tue dans l’œuf quasiment tous les débats en France ? Qui, depuis plusieurs années, ne rate pas une occasion de s’inquiéter ou de se moquer de l’islam radical, comme Charlie Hebdo n’a pas manqué de le faire ? Y a-t-il des gens prêts à mourir pour la liberté d’expression ?

Allez, mes bons amis, ne nous voilons pas la face : vous, comme moi, sommes majoritairement des PLANQUÉS. La preuve, c’est que nous sommes encore là pour le dire. Tenir ce discours est l’une des seules manières, me semble-t-il, de rendre hommage à ceux qui sont morts.

Si nous étions tous des Charlie Hebdo, ces hommes ne seraient peut-être pas morts. Et arrêtons de mettre notre « JE » partout (Je suis Charlie Hebdo, je suis ceci, je suis cela…), arrêtons de nous prendre pour des John F. Kennedy en carton-pâte (JFK, qui a finit comme on sait), arrêtons de passer nos vies à nous demander où diantre pouvons-nous placer notre « JE » pour qu’il prenne au mieux la lumière, posons-nous des questions, sans pleurnicher, sans prendre de pose et prenons cette leçon de courage et d’humilité, d’abnégation, en pleine face.

Charb : « Je préfère mourir debout plutôt que vivre à genoux. » Qui, parmi nous, ira, comme Charb et les autres, plus loin que se payer de mots ?

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