Un jour, c’est le premier ministre Manuel Valls qui affirme « qu’expliquer le djihadisme, c’est déjà vouloir un peu excuser ». Un peu plus tard, c’est Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Education, qui affirme dans « Le Parisien » qu’il faut « éviter d’élever au rang d’interlocuteurs des gens qui se situent en dehors du champ républicain » (elle faisait référence à un salafiste auquel elle n’avait pas, comme elle aurait du, fermé le caquet sur un plateau télé). Vallaud-Belkacem ajoute même : répondre à cet homme « aurait été reconnaître une valeur à sa parole ».
Résumons, en caricaturant à peine : lorsqu’un individu fait ou dit quelque chose qui ne correspond absolument pas, dans les grandes lignes, avec votre vision de la vie, il y a deux attitudes à adopter : ne pas chercher à le comprendre ; refuser de dialoguer avec lui.
Il semblerait, d’après des sources concordantes, que ces deux ministres appartiennent à la catégorie des gens « de gauche » – interdit de rigoler.
On peut se demander pourquoi nos responsables tiennent tant à ne pas engager de discussion sur ce sujet.
J’ai ma petite idée.
Ce que Valls et Vallaud-Belkacem nous ont dit, c’est : « Cachez cet islamisme radical que nous ne saurions voir ! »
Car le déni de réalité de la gauche (et de l’extrême-gauche), sur ce sujet en particulier, est une sorte de chef-d’œuvre du genre. Et il ne faudrait pas, aujourd’hui, en tentant de comprendre, de dialoguer et d’expliquer, que trop de Français réalisent que nos gouvernants ont magnifiquement et électoralement tenu leur rôle dans ce déni de réalité. Donc, le mieux, c’est de la fermer, d’instaurer l’État d’urgence pendant cinquante ans, d’arrêter des tas de gens, de faire des perquisitions, bref de rassurer, de jouer les cow-boy, de négliger les provocations, d’être condescendant – comme tous les gens qui savent profondément qu’ils ne sont pas au niveau des réalités. Ne surtout pas rentrer dans tout ce qui pourrait être de l’ordre de la réflexion, puisque l’irresponsabilité de personnes comme Valls ou Vallaud-Belkacem (et de leur maître, le grand François Hollande) se verrait comme le nez au milieu du visage.
Il y en a au moins un qui semble avoir tout pigé, c’est Jean Birnbaum, journaliste au Monde, qui vient de publier un livre intitulé Un Silence religieux : la gauche face au djihadisme. En rendant compte de sa lecture, Aude Lancelin, journaliste au Nouvel observateur, n’hésite pas à affirmer : « S’il fallait trouver un mérite et un seul à la terrible année 2015, ce serait celui de nous permettre enfin d’affronter le vide spirituel et la somme de dénis qui menèrent la modernité droit vers le piège djihadiste. » La vérité, comme ça, noir sur blanc, dans un grand média de gauche, ça fait toujours quelque chose.
Tout n’est donc pas perdu. Peut-être que, bientôt, Najat Vallaud-Belkacem enverra paître les salafistes comme elle a l’an dernier envoyé paître les « pseudo-z-intellectuels » qui s’opposaient à sa réforme du collège. Mais eux ont eu, on peut le dire aujourd’hui, une chance folle : madame la ministre a daigné, en les visant nommément, « reconnaître une valeur à leur parole ».
C’est un premier pas.