Le PS est en pleine déconfiture après les élections européennes. Retour sur les raisons d’un échec… persistant depuis 2002.
Martine Aubry qui prend acte de la « sanction », Arnaud Montebourg qui craint pour la « survie » du parti, Manuel Valls qui va jusqu’à proposer à l’appareil de changer de nom… Au lendemain d’élections qui ont tourné à la correction électorale, les ténors du Parti socialiste n’en finissent pas de s’auto-flageller. A raison sans doute, car le PS enregistre sa plus sévère défaite aux européennes depuis… 1994.
Cet échec sur la scène nationale et communautaire peut certainement être attribué en grande partie à une campagne et une « com » inadaptées. Pas très malin de se lancer dans une élection supranationale sur l’air déjà trop connu « Sarko, on aura ta peau », en y ajoutant la note Barroso pour faire bonne mesure… Dans son interview à Libération, Manuel Valls le reconnaît d’ailleurs explicitement : « On n’a rien proposé ».
Cependant, au vu de l’effondrement des partis de gauche modérée dans l’ensemble des 27 pays de l’Union européenne, on est en droit de penser que l’échec socialiste tient à des raisons plus profondes qu’un débat manqué. On peut même supposer qu’une campagne efficace et un bon résultat aux européennes n’auraient été qu’un écran de fumée face aux difficultés persistantes que le Parti socialiste connaît depuis 2002.
Absence de stratégie
En premier lieu, ce piteux 17,5% révèle -une fois de plus- l’état d’une machine partisane sans carburant car privée de leader. Martine Aubry, élue première secrétaire sur le fil en novembre dernier, n’incarne pas davantage le Parti socialiste que François Hollande avant elle, dans la mesure où elle continue à privilégier la stratégie de l’alliance et du « rassemblement » sur celle, pourtant nécessaire, d’une orientation politique claire. Sans capitaine incontestable, le PS navigue à vue pour ne pas froisser les susceptibilités de ses lieutenants. La « réconciliation » entre Martine Aubry et Ségolène Royal, quelques jours avant l’échéance des européennes, n’a d’ailleurs pas trompé les électeurs, qui se sont rabattus sur le Front de gauche, les trotskystes ou les verts.
Or le PS n’a jamais tant eu besoin d’une ligne directrice. Entre la recherche d’une alliance avec le centre, et quelques oeillades vers la gauche de la gauche, le choix n’a pas été fait. Ni depuis 2002, ni depuis 2007. Les socialistes veulent-ils d’un PS à la sauce « labour » ? Ce qui inclut de se muer en gestionnaires d’une économie de marché acceptée sans condition… Préfèrent-ils céder à la tentation d’un « gauchissement » et reconquérir l’électorat perdu au profit d’Olivier Besancenot, de Daniel Cohn-Bendit et de Jean-Luc Mélenchon ? Cette solution existe également. Mais il faudra choisir. L’expérience tentée par Romano Prodi en Italie -gouverner avec une coalition allant du centre à l’extrême gauche- a montré ses limites.
Par ailleurs, le parti né du congrès d’Epinay continue de souffrir de « l’ouverture » pratiquée par la majorité. La multiplication des « passages à l’ennemi », notamment avec les cas Kouchner et Besson, a pesé très négativement sur la crédibilité des leaders du PS. On pourra débattre de ce choix, les conséquences restent les mêmes : à un parti de « traitres », capables d’abandonner leurs convictions pour un fauteuil ministériel, les électeurs ne pardonnent guère. Ce qui explique également le score.
Un programme politique achevé ?
Mais les raisons ne dépassent-elles pas les frontières françaises ? Selon un éditorial de Laurent Joffrin paru dans Libération peu après les élections, le PS et l’ensemble des partis de gauche modérée en Europe ont peut-être perdu… parce qu’ils ont gagné. Les conquêtes sociales constituaient l’essentiel de leur programme historique. Celui-ci est aujourd’hui appliqué dans sa quasi-intégralité, dans la mesure où chacun bénéficie d’une prise en charge par l’Etat en cas de maladie ou d’accident, et plus généralement des bienfaits de la protection sociale et du droit du travail. Si ceux-ci demeurent évidemment imparfaits à bien des égards, il n’en reste pas moins qu’ils étaient inexistants ou presque il y a un siècle. Aux socialistes d’aujourd’hui, qui ne peuvent plus se targuer de « changer la vie », il ne reste donc aucun combat d’ampleur à mener et au nom duquel mobiliser les foules…
Aucun vraiment ? Quid alors de la lutte pour une mondialisation plus juste ? Pour une gouvernance économique mondiale plus saine ? Pour une finance maîtrisée et régulée ? Pour une croissance plus respectueuse de l’environnement ? Autant de sujets que les socialistes, ceux du PS, du PSOE (parti socialiste espagnol), du Labour ou du SPD (parti social-démocrate allemand), pourraient et devraient saisir à bras-le-corps. Ces luttes-là sont à peine entamées et seront cruciales pour l’avenir de l’Europe et du monde. Ce n’est pourtant pas le chemin qui est pris. Le risque, à terme, est de laisser aux partis conservateurs le monopole du débat sur l’avenir. Et, plus concrètement pour le Parti socialiste, de manquer une nouvelle échéance : celle de 2012.
Crédit photo Mrs Minifing / Flickr
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