L’Équipe de France décroche son billet pour la Coupe du Monde de football après un but invalide face à l’Irlande en match de barrage (1-1). Retour sur un scandale.
Le 12 juillet 1998, à la veille d’un certain France-Brésil, la Une de L’Equipe affichait un glorieux « Jour de France ». On en est loin, tellement loin aujourd’hui. Lors de leur match de barrage retour contre l’Irlande, synonyme d’entrée pour la Coupe du Monde par la petite porte, les Bleus ont validé leur ticket pour l’Afrique du Sud de la pire des manières. En trichant. Sous tous les angles, pour tous les yeux -sauf ceux de l’arbitre et de ses assistants- la main de Thierry Henry qui amène le but égalisateur de William Gallas est nette, évidente. « Les Bleus, oh la main ! » titrait Libération le lendemain. On ne saurait dire mieux.
Si encore ce but tristement salvateur n’engageait que ses auteurs. Si encore l’action litigieuse concernait le seul destin de l’Equipe de France. Mais ce n’est pas le cas. Le but volé, arraché au terme d’un match balbutié de bout en bout par les Français, lèse une Irlande vaillante. Les Keane, Doyle, Duff, Given et autres Boys in green pouvaient dignement prétendre à cette phase finale de Coupe du Monde. A Saint-Denis, les hommes de Trapattoni ont dominé le match, des jambes, de la tête… et des épaules, fighting spirit oblige. Venus pour arracher leur qualification en terre étrangère, ils ont joué jusqu’à l’extrême limite de leurs forces, ont épuisé toutes les ressources que le physique football irlandais peut offrir à ses garçons tenaces. Ouverture du score, bonne utilisation des espaces, pressing haut, centres dangereux, défense bec et ongle devant leur surface…
Etoiles vertes, torpeur bleue
Que fallait-il de plus à ces Irlandais, qui végètent pour la plupart dans des clubs anglais de seconde zone, pour franchir l’ultime obstacle ? Un rien de réalisme, peut-être. Une once de lucidité qui aurait permis de doubler la mise et de plonger définitivement les Bleus dans la torpeur. Dans leurs cauchemars, Robbie Keane et Damien Duff ressasseront sans doute ces duels perdus face à un immense Hugo Lloris, seul Français à la hauteur de l’enjeu.
Mais leurs songes seront également peuplés de bourreaux vêtus de noir. Tournant impitoyablement le dos aux supplications du Onze vert après une égalisation qui, précisément, ne devrait arriver que dans les mauvais rêves. La loi du sport a été violée. L’arbitre a rendu justice à la médiocrité. Car en dehors de Lloris, impérial sur sa ligne de but et dans ses sorties aériennes, et de Gallas, qui a maintenu le raffiot bleu à flot, les Français sont apparus tétanisés, craintifs toujours à la recherche d’un second souffle. A tel point qu’on se demande comment cette équipe sans solidité, sans esprit, sans âme, littéralement fantômatique, a pu s’en tirer à si bon compte. Jeu statique, erreurs techniques, mauvais centres, absence totale d’imagination offensive… Le système Domenech, à supposer qu’il y en ait jamais eu un, a vécu.
« Je ne suis pas l’arbitre »
Pire : durant la phase des qualifications, les Français n’ont jamais donné l’impression de monter en puissance. Ce qui se présente aujourd’hui en Afrique du Sud n’a rien d’un collectif. Et se compose d’individualités à la morale sportive douteuse. Thierry Henry a bon dos de dissimuler sa faute de main derrière un « Je ne suis pas l’arbitre ». Son manque de fair-play coûte la victoire à une équipe autrement plus méritante que la sienne. Comble de l’humiliation : les Boys in green, eux, ne se sont pas dérobés à la fin du match. Ils n’ont pas quitté le terrain rageurs en invoquant la responsabilité de l’arbitre. Même furieux, ces little big men du football ont serré la main de leurs adversaires.
Marquée au fer rouge du trèfle de la honte, l’Equipe de France n’a plus vraiment le choix pour reconquérir son honneur perdu sur la pelouse du stade de France. Elle doit réaliser un parcours digne des grandes nations du football en Afrique du Sud. Rappeler à tous qu’elle ne doit pas sa place uniquement à un coup bas et à la faveur d’un arbitre complaisant. Et se souvenir, à chaque dribble, chaque effort, chaque but, qu’elle ne joue plus seulement pour elle-même. Mais aussi pour une Irlande vaillante dont elle a usurpé la place.
Pour en savoir plus : l’analyse d’Emmanuel Petit sur L’Equipe.fr
Pour en savoir encore plus : l’analyse décalée de So foot
Et enfin… L’avis d’Erwan Le Duc sur la main baladeuse, à lire sur lemonde.fr
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