Un braqueur raté se fait flinguer, le bon peuple s’insurge qu’on ose s’en prendre à celui qui lui a tiré dessus… L’admiration que l’on vouait aux truands a vécu !
Il fut un temps où l’humanité savait se montrer plus romantique. Il fut un temps pas si lointain où elle tressait des lauriers aux hors-la-loi, un temps où elle bâtissait même la légende de ses criminels.
Faux ? Revoyez donc le nombre de films qu’on a fait sur Bonnie et Clyde. Plus la chanson de Gainsbourg. Plus un nombre incalculable d’autres chansons. Plus un polar musical (si si, sans compter qu’une boutique lyonnaise de mode porte le nom du gang Barrow…). John Dillinger, célébrissime braqueur de banque incarné au cinéma par Johnny Depp himself, est également passé à la postérité. Et Kate Barker, alias Ma Baker, braqueuse de banque elle-aussi… Bon, on se souvient peut-être un peu moins d’elle, mais le groupe Boney M lui a quand même dédié une chanson. « She knew how to die… » paraît-il.
Et qu’on ne vienne pas dire qu’on ne sait pas apprécier les histoires de bandits de notre côté de l’Atlantique. Le Français moyen connaît Bonnie et Clyde. Il connaît Dillinger. Et quand on lui souffle le nom d’un gangster célèbre, ça évoque toujours quelque chose. Al Capone, ça ne vous dit rien ? Vraiment ? Un été, le Figaro s’est lancé dans le portrait de plusieurs gangsters célèbres. La preuve que le truand plaît et qu’il fait vendre. Pas besoin, d’ailleurs, d’aller le chercher en Amérique. Notre vieille France sait encenser des flingueurs bien de chez nous. Prenez Jules Bonnot par exemple. Ou Jacques Mesrine qui a eu droit à un film (pardon : deux films) avec Vincent Cassel. Postérité assurée !
Il n’en faut pas plus pour démontrer la fascination pour le gangster, pour l’outlaw, pour le type qui choisit de vivre par le vol et par le flingue. Et cette fascination a sans doute des côtés positifs. Elle révèle à défaut d’autre chose que l’opinion publique ne se laisse pas embrigader à l’excès par les appels à la normalité qu’on lui assène régulièrement. Applaudir le truand, même au cinéma, c’est d’une certaine manière remettre en cause le Dura Lex Sed Lex imposé et être (un peu) révolutionnaire face à nos dirigeants et nos institutions, ce qui n’est jamais totalement malsain.
Mais, il faut bien l’admettre, cet amour du truand chez le français moyen s’est délité. On peut même dire qu’il s’est franchement perdu. En témoigne la malheureuse et lamentable affaire du bijoutier de Nice. Résumons les faits que tout le monde connaît maintenant aussi bien que le procureur de Nice : un type et son complice s’attaquent à une bijouterie et molestent le pauvre bijoutier, lequel attrape son fusil dès lors que ses agresseurs font mine de regagner leurs pénates en scooter, et abat l’un des deux voleurs.
Et là, l’opinion publique habituellement conquise par le bandit s’émeut… pour le braqué. Elle qui s’est montrée capable de s’offusquer un peu quand Mesrine fut froidement et salement flinguée du côté de la Porte de Clignancourt hurle à présent au loup et injurie la police et la justice pour leur manque d’efficacité. Le Monde rapporte que la ville de Nice « fait bloque derrière son bijoutier ». Le JDD se demande s’il faut faire du bonhomme un héros. Le peuple, lui, ne se le demande plus. Il défend bec et ongle le tireur, il lui donne une médaille, il rallie massivement le groupe Facebook créé en son honneur, bref il réclame de la Sécurité avec un grand S.
Bonnie et Clyde, eux, avaient tué
Sad, isn’t it ? Car le pauvre type flingué n’était au fond pas tellement différent de tous ces outlaws dont on a fait des héros et des figures de cinéma. A bien des égards, il était même un méchant moins méchant que beaucoup d’autres. Placé en foyer, apprenti jardinier, condamné pour un vol de moto, tout juste récidiviste lors de ce casse qui a mal tourné… On a fait nettement pire en matière de bad guy.
A titre de comparaison, Bonnie et Clyde ont tué à plusieurs reprises, notamment des policiers. L’argent qu’ils ont volé n’a pas été distribué aux bonnes œuvres. A bien y regarder (et d’ailleurs même en se contentant de lire rapidement la page Wikipédia qui le concerne…), ce n’est guère plus glorieux du côté de Mesrine, qui a construit son histoire en donnant des interviews à la presse et en narguant la police, mais qui n’a pas précisément été un Robin des bois non plus.
Alors pourquoi tant de haine pour un petit braqueur mort ? Faut-il vraiment croire que ses détracteurs ne font que prendre le parti d’un bijoutier qu’ils ne connaissent par ailleurs ni d’Eve ni d’Adam, et dont on peut douter qu’il verra un jour l’intérieur d’une cellule de prison ?
La vérité est ailleurs. Le peuple qui dit crier pour la Justice crie en réalité parce que son horizon de vie s’est restreint comme peau de chagrin. Il ne semble plus aspirer à grand chose, ce peuple-là, si ce n’est au droit d’exercer tranquillement son métro-boulot-dodo quotidien en toute sécurité. Il veut vivre dans la normalité absolue, débarrassé de toute déviance. Il a perdu de vue le fait que même la plus aboutie et la plus sécurisée des civilisations a nécessairement son lots de contestataires et de petits braqueurs ratés qui rêvent d’argent facile. Et dès lors qu’on lui pique quelques bijoux, ce peuple-là crie à la vengeance et en appelle à la « justice personnelle » (si tant est que l’expression ait un sens). Pour un peu, il s’armerait pour faire lui-même le grand nettoyage. La figure du truand a vécu. On est désormais du côté… du flic ? Même pas. Plutôt de celui de la milice privée.
Il fut un temps où ce peuple aurait peut-être un peu plaint un gamin de 19 ans mort des suites de sa connerie. Peut-être même en aurait-il fait un film. Après tout, ça aurait pu avoir de la gueule, une histoire de gosse devenu délinquant et braqueur, mort avant son vingtième anniversaire. On fait des films sur des sujets plus cons. Mais non. Le peuple d’aujourd’hui crache sur le cadavre du gamin et applaudit celui qui le flingue. Triste époque. Comme l’a si bien chanté Renaud, les Charognards sont là.
Le peuple manque de romantisme, je le concède. Quant au soutien populaire et unanime dont bénéficie le bijoutier, cela n’est pas sans rappeler une meute de charognards qui s’en prennent à une victime facile, et déjà morte qui plus est.
Cet article aurait été pertinent en Mai 68. Aujourd’hui, cet article est tout simplement obsolète car l’insécurité est devenue la norme. Aujourd’hui, le romantisme est un luxe dont nous n’avons plus les moyens. Il est devenu banal de voir son fils racketté à la sortie de l’école, de voir sa fille harcelée et insultée si elle refuse de donner son numéro. Aujourd’hui, quand un cambrioleur se blesse chez vous en dévalisant votre maison, il peut vous intenter un procès et exiger des dommages et intérêts. Aujourd’hui, un prof se prend des claques, cela ne surprend même plus, tandis que le flic vouvoie la racaille qui l’insulte. Aujourd’hui, un maton doit tenter de raisonner le détenu qui essaye de le poignarder, sans quoi il obtiendra un blâme pour travail mal fait. Les exemples sont innombrables… Aujourd’hui, le peuple en vient à la milice privée, non par gaîté de cœur, mais parce que la police ne fait plus son travail tout en sanctionnant sévèrement ceux qui se font justice eux-même.
Réveillez vous, car le monde a changé. Seul quelques individus, comme vous, qui n’ont pas été touché personnellement par la violence et la bestialité de notre société moderne, peuvent encore se permettre ce genre de discours facile. Il ne vous est jamais venu à l’idée, je suppose, que le fantasme politique du tout sécuritaire avec un grand S rime avec une insécurité exponentielle dans nos rues ?
Ah oui, j’oublie régulièrement que je suis un petit protégé de la société qui-n’a-pas-été-touché-personnellement-par-la-violence-et-la-bestialité-de-notre-société-moderne ! Heureusement que vous êtes là pour me le rappeler. Je vais suivre votre conseil, me réveiller, et me ranger dans le camp de ceux qui seraient favorables aux milices privées. Je vous avoue que j’ai eu un peu de mal à franchir le pas jusqu’à présent. D’une part, mes foutus idéaux républicains bien-pensants ne me lâchent pas facilement. Et d’autre part, il m’arrive de penser que si on suit les solutions du pékin moyen qui réclame la vengeance privée, le fils qui se faisait racketter à la sortie de l’école pourrait se prendre une balle entre les deux yeux le prochain coup en même temps que le reste de la classe.
Vous avez raison, c’est précisément pour endiguer le cercle vicieux de la vengeance que l’on a inventé la justice.
L’institution judiciaire est un tiers collectif qui exécute la vengeance à la place de la victime. Or la justice représente à la fois personne et tout le monde, c’est pourquoi personne ne se venge de la justice, ou si peu.
C’est un système qui fonctionne plutôt bien à partir du moment où la justice fait son travail. Le problème, c’est que vous occultez la perversion du système judiciaire qui aujourd’hui, se prend pour une assistante sociale. C’est ainsi que les victimes sont de moins en moins protégées, voir sanctionnées car les coupables sont désormais les ‘victimes de la société’. Perversion de la justice et perversion des valeurs, la boucle est bouclée.
Je vous invite à peser l’endoctrinement maçonnique et marxiste qui existe chez la plupart des juges, sans compter le gauchisme de base qui sévit dans les universités de droit.
En tout cas, tout indique dans votre réponse, que vous n’avez pas été touché par le retour de la bestialité dans notre société. C’est pourquoi vous pouvez vous permettre de prendre autant de recul vis à vis de la violence qui se banalise. C’est également pourquoi vous condamnez le recours aux milices privées car dans votre tête, le petit fantasme qui consiste à dénoncer les milices forcément fascisantes est prioritaire sur la dénonciation d’une violence quotidienne qui ne vous concerne pas pour le moment.
Je passe sur « l’endoctrinement maçonnique et marxiste qui existe chez la plupart des juges » (j’ignorais qu’ils étaient issus de l’ex-URSS et fervents assidus de Marx…) ainsi que « le gauchisme de base qui sévit dans les universités de droit » (vous vérifierez cela à Assas ou à Lyon 3…).
Comme vous dites très justement, la Justice fait son job. Condamne-t-elle plus ou moins qu’avant, je n’en sais rien, et cela demanderait vérification (vous parlez de « perversion de la justice » et de « justice qui se prend pour une assistante sociale » sans avancer beaucoup d’arguments…)
Ce qui me paraît gravissime, c’est la dernière partie de votre argumentation. Pour résumer : je n’ai jamais été agressé, donc je ne comprends pas ce qui se passe dans la tête d’une victime, donc je ne peux pas émettre d’opinion sur la question. Cela reviendrait à penser que seule la victime ou une personne ayant été victime d’une situation similaire pourrait porter un jugement. C’est le contraire de toute notion de justice ! La Justice, c’est le recul ! C’est justement PARCE QUE je ne suis pas une victime et PARCE QUE je ne m’identifie pas à elle que je peux juger un tiers. Si vous avez vécu une situation d’agression, c’est navrant et chacun le déplorera, moi le premier. Mais le fait d’avoir vécu cette situation vous rend précisément inapte à porter le moindre jugement objectif sur une situation similaire. Si un jour je suis victime d’une agression, j’en arriverai peut-être à réclamer vengeance et à vouloir rendre les coups. Evidemment ! Mais c’est précisément parce que j’aurai été une victime que je serai le DERNIER à pouvoir porter un jugement et c’est la raison pour laquelle il ne faudra pas m’écouter !
Vous avez déjà été en colo ? Une des premières choses que l’on apprend aux enfants, c’est qu’en cas de problème entre eux, il faut aller voir un adulte, c’est-à-dire quelqu’un de NEUTRE. On leur apprend aussi que la vengeance personnelle (qui ne règle rien…) et qu’elle tout aussi condamnable que l’acte dont on se venge. Des trucs assez simples en fait, mais que les milliers d’ahuris qui « likent » la page Facebook du bijoutier ont visiblement oublié.
Libre à vous par ailleurs de croire aux vertus des milices. Rétablissons-les et, qu’elles soient fascisantes ou pas, on aura quelques joyeuses surprises… Ah, maintenant que j’y pense, il ne s’est pas passé un truc aux Etats-Unis à peu près en même temps que la triste affaire de Nice ? Ah oui, _ça me revient ! Un mec armé a abattu une douzaine de personnes. Je ne sais pas quelle était sa couleur politique. Mais à coup sûr, on peut constater que tout va effectivement bien mieux dans un pays où on a le droit de « s’armer pour se défendre »…
Depuis les années 60′ l’anticléricalisme et l’adhésion à l’idéologie marxiste est de mise pour espérer faire sa place parmi les intellectuels de France, rare sont ceux qui échappe à la règle, encore aujourd’hui. Dois-je vous rappeler celles et ceux qui, entre autre, ont baigné dans l’idéologie aux 150 millions de morts ? Mais c’était pour la bonne cause bien sûr !
Voici donc un petit rappel : Marx bien sûr, Marcel Mauss dit le père de l’anthropologie française, l’affreux tandem composé de Sartre et de Simone de Beauvoir, notre bon vieux Bourdieu, toute la clique structuraliste avec notamment Roland Barthes, Althusser, et Vernant… Mais n’oublions pas non plus Deleuze, Merleau-Ponty, Foucault, ou encore Malraux. Et puis il y a également les grands décus du communisme, tel André Gide et Jacques Lacan, qui furent alors excommunié de la vie intellectuelle française. Ceci n’est qu’un petit rappel, la liste est loin d’être exhaustive.
A Lyon3 ou Assas, on vote Ump, certes… Mais la droite française ne fait qu’appliquer les idées de la gauche avec un train de retard. Prenez le droit du sol par exemple, le RPR des années 90′ était pour un retour au droit du sang. Aujourd’hui Sarkozy nous raconte que le droit du sol est dans l’a.d.n. de la République. Ouvrez les yeux, la droite française n’existe pas.
Enfin, sur la justice, je vous répète que vous avez raison sur un point : il faut endiguer le cercle vicieux des représailles par un tiers judiciaire. Sur tout le reste, vous péchez par ignorance -ou refus ?- du réel.
Vous disqualifiez la parole de la victime, et même des victimes en générales, parce qu’elles pourraient vouloir se venger. L’idéologie post-marxiste des juges vont dans votre sens, c’est pourquoi aujourd’hui le criminel a tous les droits. Dernièrement, des détenus ont fait une pétition pour avoir de nouvelles consoles de jeu, alors que d’honnêtes travailleurs n’ont ni le temps de jouer, ni l’argent pour de tel loisir…
Mais selon vous le plus important est de lutter contre l’éventuel ressentiment de la victime, n’est-ce pas ? Bravo, vous venez d’inventer l’impunité pour les criminels… Taubira est fier de vous.
Ne voyez-vous pas que votre remède est pire que le mal ? Vous dites qu’il ne faut pas s’identifier à la victime, mais à vous lire j’ai l’impression que vous haïssez les victimes: on appelle ça une identification négative. Depuis quand le témoignage de la victime n’a aucune valeur ? Mais dans quel monde vivez-vous bon sang ? Êtes-vous, comme la plupart des gens de gauche, secrètement fascinés par les criminels ? Tant que l’on est pas victime soi-même, il se peut que l’on prenne un plaisir indécent au spectacle de la violence, comme en atteste ce qui se trame dans les salles de cinéma.
Votre exemple sur les colonies de vacances est édifiant. Dans les colonies de vacances, il est tout à fait courant qu’un enfant soit pris comme bouc émissaire par les autres, la cruauté des enfants entre eux étant sans pareil. Lorsque l’adulte doit intervenir, il recueille alors les témoignages de chacun, et constate qu’il y a plus ou moins unanimité contre l’enfant victime. Donc l’adulte, le plus souvent, prend parti pour le plus grand nombre, en l’occurrence précisément pour ceux qui prennent plaisir à humilier et battre leur bouc émissaire préféré. Ces enfants boucs émissaires, on peut les reconnaître facilement : ce sont ceux qui pleurent toutes les larmes de leurs corps avant même d’avoir mis un pied dans le car. Des larmes qui par leur intensité et leur quantité dépassent de loin la simple angoisse de séparation. Le fait que vous preniez l’exemple des colonies de vacances montre bien que vous avez toujours vécu à l’abri, bien planqué dans le groupe, ni bouc émissaire ni tortionnaire.
Concernant le fait divers que vous avez mentionné, je suis bien évidemment pour la légalisation des armes à feu. J’estime que les honnêtes gens ont le droit de se protéger, et que ce droit individuel passe avant la logique collective du désarmement général.
En France, le port d’arme n’est pas autorisé, ce qui n’empêche pas les racailles de tirer à la kalachnikov ou au mortier sur les policiers (voilà, moi aussi je peux faire le malin).
Bien entendu, ces réflexions sont à prendre avec des pincettes car elles proviennent d’une victime, c’est-à-dire d’un fou assoiffé de vengeance.