L’exposition « Le Printemps de la Renaissance » se tient au Louvre jusqu’en janvier 2014. C’est une collection de trésors.
Peu d’expositions font si forte impression que « Le Printemps de la Renaissance », qui se tient au Louvre jusqu’en janvier 2014. Le visiteur y est littéralement cerné de chefs-d’œuvre. On est aussi émerveillé que si l’on se trouvait dans un musée italien. Ce n’est pas un hasard, puisque le musée national du Bargello (Florence) a participé à la réalisation de l’exposition. Il est donc possible au visiteur du Louvre de contempler des chefs-d’œuvre qu’il croyait destinés à ne jamais être sortis de leurs musées originaux (comme, par exemple, les panneaux de Ghiberti et Brunelleschi).
Il faut progresser à pas compté dans les salles du Louvre, prendre tout son temps. Retour d’actu vous propose cinq œuvres devant lesquelles il ne serait pas déplacé de se recueillir.
Les deux panneaux représentant le sacrifice d’Isaac, Filippo Brunelleschi et Lorenzo Ghiberti, 1401
A l’occasion d’un concours pour orner la porte du baptistère de Florence, en 1401, plusieurs artistes italiens ont proposé une œuvre sur le thème imposé du sacrifice d’Isaac, dont Fillipo Brunelleschi et Lorenzo Ghiberti (ce dernier l’a emporté).
Il est intéressant de noter les différences entre ces deux panneaux. Ainsi, celui de Ghiberti (ci-dessus, à droite) frappe par l’audace de la composition, par son dynamisme. Les trois dimensions de l’espace sont mieux employées, semble-t-il, que dans celui de Brunelleschi. Ce dernier est moins vivant, construit sur des lignes horizontales et verticales. Le style employé par Ghiberti est plutôt baroque, construit sur les diagonales, dégageant ainsi une vitalité extraordinaire. A peine notre regard se pose-t-il sur lui, nous voilà comme pris dans un mouvement, emportés dans une légère ivresse par le jeu des formes et l’utilisation de l’espace.
On notera que le personnage d’Abraham est davantage mis en valeur dans l’œuvre de Ghiberti. Il semble réellement sortir du panneau. Les personnages de Brunelleschi paraissent lourds en comparaison. Sa composition est plus centrée, plus classique, mais par là-même perd en fraîcheur. Elle date de toute éternité. Celle de Ghiberti n’a pas d’âge. On interprète souvent la victoire de Ghiberti comme le signe que la Renaissance est bien enclenchée. C’est la première année du fameux « quattrocento ».
Madone Pazzi, Donatello, 1425
Il suffit de rester cinq minutes devant ce chef-d’œuvre pour qu’il vous marque à vie. Quelle sublime vision de la relation entre une mère et son fils. C’est une confrontation, et de quelle intensité ! Quel mélange magnifique de tendresse et de défi. Front contre front. Avec tout ce que cela implique d’amour mais aussi de rivalité, d’attentes immenses d’un côté comme de l’autre, de possible déceptions à venir, de séparations déchirantes. Ce tableau n’est ni triste, ni optimiste, il est immense. Il est la vie même dans toutes ses dimensions.
Regardez la douceur infinie des mains de la Vierge. La gauche soutient l’enfant. La droite, délicatement posée sur lui, le maintient, le caresse, avec quelle douceur, avec quel respect, avec quel amour… Que dit Marie à Jésus ? Nous pouvons l’imaginer. Elle lui dit certainement tout ce que disent, inconsciemment, les mères à leurs enfants : Tu es aujourd’hui tout pour moi, et je suis tout pour toi, mais la vie nous séparera un jour… Il semble émaner de la figure de la Vierge une lucidité déchirante sur tout ce que l’amour maternel a de magnifique mais aussi de risqué, d’incertain. Elle se donne entièrement mais sent très bien, au fond d’elle-même, qu’il y aura le moment des pleurs, de la tristesse, de la solitude, puisque le Christ devra faire sa vie (et quelle vie !…). Et en même temps, nous ne ressentons aucune envie de s’apitoyer sur cette Vierge. Courageuse, elle ira au bout, concentrée sur sa mission et guidée par l’Esprit, peu lui importe le point de vue des passants. Elle n’a aucun doutes et acceptera son destin et celui de son fils, quels qu’ils soient.
Il faut absolument aller voir ce chef-d’œuvre, qui est habituellement à Berlin. Cela vous laissera une impression qui vous fera frissonner pour le restant de votre vie, à chaque fois que vous y songerez. Et j’imagine que l’émotion que l’on ressent, lorsqu’on est soi-même une mère ou que l’on souhaite le devenir, doit être plus intense encore.
Olympias reine des Macédoniens, Da Settignano, 1460
Je suis immédiatement tombé sous le charme de ce bas relief. Pourquoi ? Tout simplement pour la finesse extrême de sa réalisation. Et l’impression de beauté parfaite que renvoie l’image de ce profil de femme. C’est le portrait d’une reine, pour laquelle on se sent instantanément prêt à tous les sacrifices. L’influence de la statuaire grecque est visible dans toutes les sculptures présentées dans l’exposition du Louvre. Celle-ci ne fait pas exception. On retrouve l’esprit grec dans la sérénité qui se dégage de ce visage, la richesse de la coiffe.
Vierge à l’enfant, XIIIème siècle
Cette statuette figure, si je me souviens bien, dans la première salle de l’exposition du Louvre. Elle date du Moyen-Âge, mais n’a pas grand-chose à envier aux statues de la Renaissance. L’attitude de cette Vierge est pleine de naturel. Marie semble accessible, gaie. Et élégante, voyez la cambrure de son corps. Ses vêtements laissent la sensation d’être posés sur son corps, et l’artiste parvient à nous faire oublier la pesanteur du matériau. La vision de cette statuette procure la même sensation que l’écoute d’une mélodie charmante, presque dansante. Marie est bien balancée, tranquillement sereine, joueuse, joyeuse. Incroyable, mais à côté de cette statuette, les autres œuvres de l’exposition nous paraissent un rien hautaines, comme si elles manquaient de savoir-vivre, d’ironie…
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