Récit de petites péripéties vécues par un parisien en recherche d’un appartement.
J’ai finalement trouvé l’appart’ que je désirais, au bout de deux mois et quinze visites. Un délai plutôt court, mais il n’empêche. Assez pour en savoir un peu plus sur les différentes manières par lesquelles on tente de vous faire acheter un appartement qui ne correspond en rien à vos attentes.
Agent immobilier recherche désespérément argent immobilier
Comment ne pas commencer en définissant ce que l’on appelle communément un « agent immobilier ». Soyons clairs d’entrée : il y a ceux qui font bien leur travail (10 %) et ceux qui le font très mal (le reste). Parmi cette dernière catégorie, ce que l’on trouve de plus fréquent est le type du menteur par omission. Celui qui, mais où avait-il la tête, oublie malencontreusement de demander au propriétaire les clés de la cave, tout simplement parce que la simple vision de l’état de la cave découragerait n’importe qui de flanquer ne serait-ce qu’un euro symbolique dans l’affaire. S’ils n’oublient pas de vous faire voir la cave, ils oublient, du coup (ils oublient nécessairement quelque chose), de vous dire que le toit sera refait l’an prochain (avec cette fameuse assertion qu’il ne faut jamais prendre pour argent comptant : « Il n’y a aucun travaux à prévoir », traduire : vous pouvez rajouter 5 000 euros à votre budget).
Mais ce n’est pas tout de vous faire acheter une coquille de noix ; il faut aussi que vous la payiez au prix fort. Ainsi, un agent immobilier à qui vous avez dit que vous pouviez dépenser jusqu’à XXX euros ne vous appellera que pour des apparts près ou au-dessus de cette capacité maximum d’endettement. Ainsi, une bonne affaire, c’est-à-dire un bon appart’ en-dessous des prix du marché, risque de vous passer sous le nez. Il s’agit d’optimiser le ressources. Qui a droit à XXX euros doit racler XXX euros. Sauf que derrière, il y a des gens qui aimeraient ne pas se mettre le couteau sous la gorge avec un emprunt de folie. Mais c’est de leur faute : ils n’ont qu’à mieux faire leurs comptes.
Pour vous enfumer, il y a aussi la technique bien connue dite du « rafraîchissement ». On vous présente un joli appart’, bien placé, pour vous dire ensuite qu’il nécessite un léger « rafraîchissement ». Le problème, c’est quand, sur place, vous voyez ce qu’ils entendent par « rafraîchissement ». Vous voilà refroidi : problèmes d’humidité, cloisons à abattre, électricité à refaire, fenêtres foutues… Allez, un p’tit 15 000 euros à verser au dossier… Et le déplacement inutile, c’est cadeau de la maison…
Les pousse-au crime, les pousse-au-signe
En termes de visites dont on aurait pu se passer, parlons des agents vous appelant à tous bout de champ pour des appart’s plus repoussants les uns que les autres. Enfin, ils utilisent presque tous l’une des techniques basiques du vendeur : parler de leur cas personnel. « Moi aussi, je cherche dans ce quartier… » (quel hasard !). Il y aurait ici toute une série de phrases à lister... « C’est vraiment un appartement agréable pour un couple » (avec une salle de bains de 2 m², c’est bien évident). « Lorsqu’il fait soleil, l’appartement est plus clair » (sérieux ?). « L’isolation phonique est bonne » (alors même qu’on entend le gamin d’à côté chialer). « C’est à dix minutes des transports » (non : c’est à dix minutes d’un bus de merde qui met, à six heures du matin, 20 minutes à vous amener au RER le plus proche, lui-même bourré de voyageurs désagréables H24). « N’achetez pas dans tel quartier : les prix sont devenus indécents » (mais ils ne se demandent jamais si prendre une commission de parfois 7 % sur une vente, alors qu’on n’a quasiment rien fait pour la simplifier, est indécent). Etc.
Il y a aussi les pousse-au crime, les pousse-au-signe. Qui se permettent d’être parfois insolents. Comment passer sous silence le coup de fil de cette agente de l’enseigne Era Immobilier, que, me basant sur ma propre expérience, je déconseille vivement à tous nos lecteurs ? Très erratique, le service proposé par cette célèbre chaîne. J’avais eu la folie de retirer une proposition d’achat pour, précisément, ce fameux appartement dans un immeuble dont les caves étaient en très sale état (qui plus est au cinquième sans ascenseur). Je lui annonce la bonne nouvelle par téléphone, et la laisse épuiser sa rancœur de ne pas toucher un peu plus rapidement que prévu sa com’ : « Si vous n’achetez pas ça, vous n’achèterez jamais d’appartement ! » Quelques semaines après, j’ai trouvé un appartement aussi grand, beaucoup mieux placé, moins cher et plus sain. Mais on ne doit pas attendre de tous les agents immobiliers de faire preuve d’un minimum d’élégance. Qu’il n’y en n’ait qu’un de normalement aimable sur dix, c’est semble-t-il déjà beaucoup. Il faut les comprendre : l’envie d’argent a tendance à mettre de mauvaise humeur.
« Les taux sont en train d’exploser ! »
Et puis, il faut bien le dire : les agents vous disent souvent n’importe quoi. Par exemple, combien de fois ai-je entendu : « Les taux sont en train d’exploser ! » Il semble plutôt qu’actuellement, ils stagnent à la baisse. Dommage. « Dépêchez-vous, il y a énormément de demande ! » Il semble plutôt que le marché immobilier subisse un vrai coup de frein cette année. Dommage. On pourrait ainsi continuer longtemps. Aller, un petit dernier : « Cet appartement partira rapidement au prix. » Tiens, encore aujourd’hui, il est en vente, 20 000 euros moins cher. Dommage.
Ils disent n’importe quoi, en détente. Ainsi, l’un d’entre eux s’est excusé auprès de moi de n’avoir pas lu les rapports d’assemblée générale de copro de l’immeuble dans lequel il était censé me vendre un appartement. « Oh, vous imaginez s’il fallait lire tous les rapports des appartements que nous gérons ? » Mon Dieu, c’est vrai, quelle horreur : ça demanderait du travail. Un peu plus poussé que savoir se servir de son téléphone, imprimer des plans sur Mappy, et être capable de tourner une clé dans une serrure en disant, en même temps : « C’est vraiment un très beau produit, vous allez voir », et autre « J’en vois pas passer beaucoup, des appartements comme ça ».
Ce qui est fantastique avec nos amis les agents immobiliers, c’est qu’ils ont le cran de vous presser d’acheter, comme si vous faisiez l’acquisition d’une machine à laver, d’un téléphone portable ou d’un ordinateur, alors que l’enjeu est tout de même un peu plus conséquent : s’endetter sur 20 ans. J’avoue mal imaginer m’épanouir dans l’exercice d’un tel métier. Il faut toutefois être juste. En passant par « De particulier à particulier », le risque existe également. La démarche est moins cadrée, le vendeur peut faire jouer les enchères, il peut tout à fait cacher quelque chose à l’acheteur. Enfin, le moment de la signature peut être très rock’n’roll. On aime ou on n’aime pas.
La perle rare : l’agent immobilier faisant bien son travail
Et puis, il y a le moment où vous tombez sur un bon agent. Un petit miracle. Vous croyez rêver. Vous n’avez encore rien demandé que vous avez déjà en main les diagnostics de l’appart’, les rapports d’assemblée générale de la copro, le montant des charges et des taxes… Vous faites une offre dès la première visite, habitué que vous êtes au rythme de dingo du marché parisien, et vous vous entendez répondre : « Écoutez, je pense qu’il est préférable de prendre un peu de recul. Ce n’est pas n’importe quel investissement. Retournons à l’agence pour discuter… » Et là, le type vous explique calmement toutes les étapes précédant un achat, vous rappelant même que vous avez droit, à tel et tel moment, à un délai de rétractation. Incroyable. Il ne cherche donc pas à vous faire signer un compromis dans les plus brefs délais. Il n’a pas pour premier objectif de toucher sa com’. On croirait entendre l’homme dont rêvent toutes les filles, c’est-à-dire celui qui refuserait de leur faire l’amour le premier soir.
Pour finir, trois petits conseils avant d’acheter un appart’, qui n’ont rien de bien originaux mais ont fait leurs preuves :
– Faire une enquête de voisinage. C’est indispensable. Prendre les pages blanches et appeler tous les gens de l’immeuble (sauf, évidemment, les proprios…).
– Faire visiter le bien en passe d’être acquis par une personne experte dans le bâtiment, architecte, ingénieur… pouvant vous confirmer que l’immeuble devrait rester en bon état dans les vingt années à venir.
– Enfin, faire preuve d’un scepticisme systématique à l’égard de toutes les paroles prononcées par un agent immobilier.