Ce n’est qu’une "bonne grippe"…

Les médias véhiculent la psychose d’une pandémie de grippe mexicaine. A tort ? Peut-être pas…

Connectez-vous sur Yahoo. En « Une » des actualités, ce titre inquiétant: « Grippe mexicaine : l’OMS déclenche son alerte 5 ». Sur le site du Figaro: un « dossier spécial » sur la question, assorti d’une infographie. Un petit tour sur Libération.fr: la pandémie, encore, et l’annonce d’un conseil des ministres extraordinaire sur la question.

Depuis quelques jours, le Monde abonde également en ce sens: « Evolution de la grippe porcine dans le monde », « Chat avec le virologue Jean-Paul Gonzalez », « Des mesures permettent de bloquer le virus », « Cinq cas probables en France »… sans compter le flot d’informations que radios et télévisions déversent chaque jour sur la grippe porcine.

Des réactions disproportionnées ? Il serait légitime de le penser. La presse souffre régulièrement de « catastrophisme aiguë »… Une maladie dont le premier symptôme est de transformer des cas isolés en généralités et des faits en évènements. Le fameux virus H1N1, responsable de la maladie, a tué, c’est indéniable… Jusqu’à présent, 75 personnes au Mexique, et une autre -un bébé de 23 mois- aux Etats-Unis. Soit moins de 100 personnes depuis mars.

Querelle de chiffres

Il n’est pas question, bien sûr, de relativiser l’importance d’un décès…. mais certains mauvais esprits pourraient interpeler la presse pour son implication à géométrie variable dans le domaine sanitaire. Pour rappel, des années 1980 à nos jours, le virus du Sida a causé la mort de plus de 25 millions de personnes. Soit une moyenne d’environ 70000 morts par mois. Quant au paludisme, selon un article de l’Institut Pasteur, il tue un enfant toutes les 30 secondes en Afrique. On peut malheureusement multiplier les exemples, et ces épidémies-là ne font généralement les gros titres que lorsque l’Organisation mondiale de la santé publie de nouveaux chiffres alarmistes… Une banale grippe, fût-elle internationalisée, vaut-elle cet acharnement médiatique ?

La réponse pourrait malheureusement être « oui ». Car si cette grippe dite « porcine » ou « mexicaine » n’a effectivement pas tué beaucoup, la grippe en général est de très loin le pire fléau que l’homme ait eu à affronter en terme de pandémie. La grippe espagnole est le plus dramatique des exemples: elle tua plus que la Première Guerre mondiale, dont elle fut contemporaine. De 1918 à 1919, selon l’Institut Pasteur, plus de 30 millions de personnes périrent des suites de cette pandémie particulièrement meurtrière, dont le virus se propagea de Chine aux Etats-Unis et en Europe en quelques mois à peine. Ce chiffre est aujourd’hui revu à la hausse… à tel point que le nombre de décès liés à la grippe espagnole pourrait être plus important que celui de la peste noire qui décima l’Europe de 1347 à 1351.

Virus tueur… et contagieux

Cette grippe, si elle fut la plus tueuse de l’Histoire, est loin d’être la seule pandémie de ce genre. Entre 1957 et 1958, plus d’un million de personnes furent victimes de la grippe dite « asiatique », dont environ 70 000 aux Etats-Unis. Dix ans plus tard, la grippe de Hong-Kong causa la mort d’au moins 750 000 personnes, dont 18 000 en France. Dans les deux cas, les vaccins antigrippaux se révélèrent insuffisants ou imparfaits.

D’autres pandémies avaient précédé, dont la « grippe russe », qui tua un million de personnes à la fin du 19ème siècle. Du reste, les conséquences de la maladie sont assez graves pour que la science s’en soit préoccupée depuis l’époque d’Hippocrate. Celui-ci en décrivit les symptômes et les effets dès 400 avant Jésus-Christ…

De tels antécédents historiques amènent évidemment à considérer toute pandémie de grippe avec beaucoup de sérieux, malgré les campagnes de vaccination qui existent à présent dans la plupart des pays industrialisés. En outre, on l’oublie souvent, la grippe « classique » qu’on attrape l’hiver et qu’on assimile souvent à un simple « coup de froid » peut se révéler mortelle: de manière directe, ou combinée à d’autres maladies, elle provoque chaque année la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes dans le monde, frappant en particulier les enfants et les personnes âgées. Cependant -et c’est peut-être l’un des principaux vecteurs de la « psychose » actuelle- un virus grippal tel que le H1N1 est également dangereux pour les adultes en bonne santé.

Voilà pourquoi il n’est pas vain de se préoccuper de ce nouveau virus. Voilà pourquoi l’Organisation mondiale de la santé a relevé d’un cran son niveau d’alerte sur un risque de pandémie. Voilà pourquoi les Etats-Unis ont pu envisager un temps de fermer leurs frontières avec leur voisin mexicain, d’où est partie la pandémie… En informant, les médias jouent leur rôle. Il serait mal avisé de leur jeter la pierre. On peut leur reprocher de ne pas parler assez d’autres pandémies, mais certainement pas de parler trop de celle qui préoccupe actuellement tous les gouvernements du monde. Une « bonne grippe » peut être fatale… à beaucoup, beaucoup de personnes.

Pour se tenir informé sur le sujet : les news du site Doctissimo

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3 réponses à Ce n’est qu’une "bonne grippe"…

  1. souklaye dit :

    Le droit à l’information en cas de force majeure se soucie peu du choix de l’information.
    Le voyeurisme anxiogène est une pathologie née après l’avènement de la société de la communication au nom du bon, du bien, du beau, pour une minorité.
    La meilleure des psychoses sait s’identifier à chacun tout en parlant à tout le monde.
    Elle joue sur les cordes sensibles ou pavloviennes de tout un chacun en fournissant des cadavres exquis.
    La suite ici :
    http://souklaye.wordpress.com/2009/04/27/bloc-note-psychose-mediatique/

  2. Stephanie dit :

    Bon boulot Clément, j’espère que tu nous feras partager ton expérience à la prochaine session !
    Je t’embrasse

  3. Gourcuff dit :

    Ce qui est marrant, c’est que je pense que cette nouvelle grippe fera moins de mort que la grippe classique (5000 morts en France chaque année). (D’accord, si morts il y a, comme tu le précises, ce seront des jeunes en bonne santé, et pas des vieux ou des bébés comme c’est le cas avec la grippe classique j’imagine.)

    Aujourd’hui il y a clairement une stigmatisation du genre : ça y est, la grippe terrible qu’on attend depuis des années est là ! Alors qu’en fait, on ne risque jamais autant sa vie qu’en traversant la rue, en respirant les gaz des pots d’échappement, en prenant sa voiture, en se nourissant n’importe comment. Mais le troupeau humain a besoin de grands dangers nouveaux, tout comme de grands espoirs nouveaux. C’est la pensée par écriteaux, la plus fréquente chez les bipèdes. On en a eu un exemple cet après-midi, lors des manifestations.

    Pour ce qui est de la presse qui voudrait surtout faire des gros titres pour vendre du papier, il faudra bien en finir un jour : la presse n’a pas la vérité, et ceux qui l’accusent d’être partiale sont tout simplement des naïfs ou des bileux de mauvaise foi.

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