‘Promenade’ au tribunal correctionnel de Paris, et ambiance dans l’une des chambres, où défilent les prévenus pour des affaires de vol et d’escroquerie.
Une trentaine d’année, le teint basané, un jogging et une veste de sport assortis. Dans le box, le prévenu a les yeux calmes. On lui reproche pourtant neuf escroqueries à la carte bleue, commises en 2009. De plus, cet homme originaire de Marseille, qui travaille au noir dans le bâtiment, a des antécédents judiciaires. « J’ai pris dix-huit mois fermes » précise-t-il à la présidente de la douzième chambre du tribunal correctionnel de Paris. « Je suis tombé en avril ». Pour des faits similaires à ceux qui lui sont reprochés.
La présidente résume l’affaire. Neuf délits dont le « mode opératoire » est étrangement proche. « La victime effectue un retrait. A ce moment, l’escroc apparaît, et lui propose des billets en lui suggérant que ceux-ci viennent également de la machine, qu’elle fonctionne mal, et qu’il faut donc faire un nouvel essai. Abusée par l’argent qu’on lui a donné, la victime s’exécute. Et là, par un tour de passe-passe, l’escroc récupère la carte bleue. » Et n’a plus qu’a effectuer plusieurs retraits avant que la victime ne fasse opposition.
« Si encore il n’y avait pas de photo… Mais là! »
« Le préjudice total s’élève à plus de 26 000 euros » note la présidente. Qui ajoute aussitôt que plusieurs distributeurs sont pourvus de caméras de surveillance et que l’auteur des faits ressemble fortement au prévenu. « Ce n’est pas moi! » martèle plusieurs fois celui-ci. Il ne conteste pas le fait d’avoir un « mode opératoire » similaire, mais nie en bloc ce qu’on lui reproche. « Franchement, c’est très très très ressemblant! » assène la présidente, agacée. « Si encore il n’y avait pas de photos… Mais là! »
« On me reproche des choses que je n’ai pas faites » insiste le prévenu sans se démonter. « Les victimes ne m’ont pas reconnu! ». Ce que confirment deux d’entre elles, présentes à l’audience. « L’autre était plus grand, plus clair… » affirme l’une des deux, un octogénaire. « Ce n’était pas monsieur. » Soupir de la présidente, abasourdie que la police n’ait pas mentionné cela dans le dossier : « Ceux qui veulent la suppression du juge d’instruction constateront que maintenant, tout se fait pendant l’audience… » lâche-t-elle. Elle parvient tout de même à extirper une confession au prévenu : il a des frères, dont un jumeau, et certains, selon lui, ont déjà été condamnés pour des vols au distributeur. Une piste qui n’a visiblement pas été exploitée par la police…
« Ce dossier préfigure la suppression de la juridiction d’instruction »
Des incertitudes qui n’empêchent pas une attaque en règle de la part de la substitut du procureur : « Ce n’est pas moi, c’est une défense que l’on l’entend souvent… Ce monsieur est un habitué des escroqueries, son casier en fait état! » Elle requiert six mois fermes. L’avocat du prévenu s’insurge, va dans le sens de la présidente : « Ce dossier est scandaleux! Un exemple typique de ceux qui sont montés par les services de police… Cela préfigure la suppression de la juridiction d’instruction. » Il pointe du doigt l’absence de confrontation entre le prévenu et la seule victime qui affirme l’avoir reconnu comme l’auteur des faits. Note que la vidéo n’indique qu’une ressemblance vague entre l’escroc et son client. Et égratigne au passage le travail de la police : « Il ont dit à monsieur : on sait que ce n’est pas toi, mais dis-nous qui c’est ! Si c’était son frère ou son cousin, est-ce qu’il devrait le dire ? Il faut être sérieux ! »
Il réclame la relaxe. « C’est aussi la sanction d’un dossier mal fait ! » Vraiment mal fait. Au terme des affaires de l’après-midi, la présidente annonce au prévenu sa relaxe. « Au bénéfice du doute » précise-t-elle. « Mais ce n’est pas une bénédiction pour recommencer! On sait de quoi vous êtes capable. »
Pour des articles similaires (en mieux…) voir la rubrique « Coup de barre » du Canard Enchaîné… et sur ce blog, le boulot difficile du fait-diversier.
Photo Flickr fmpgoh
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