« On ne communique pas sur Giulia » promettait Carla Bruni-Sarkozy. Les médias en ont donc pris eux-mêmes l’initiative…
Jean-Luc Mélenchon traita un jour la presse de « sale corporation voyeuriste et vendeuse de papier ». ll faut avouer que ces jours-ci, on serait méchamment tenté de donner raison au leader du Front de Gauche. Per qué ? La naissance de la fille prodigue bien sûr. La petite Giulia, qui arrive à point nommé pour faire de Nicolas Sarkozy un « papa comme les autres ».
Combien pourrait-on décemment parier sur le fait que le bébé sera, malgré tous les discours affichés, un argument électoral ? Qu’il servira un plan de communication discret, mais efficacement rodé, qui mettra en avant « la nouvelle vie du couple présidentiel » ? Dans L’Est Républicain du 21 octobre, la directrice de la rédaction de Point de Vue confirme cette thèse : « Laisser filtrer l’info, mais pas davantage, nous expliquer que c’est un événement d’ordre privé, créer de la frustration, fait fantasmer, c’est une forme de com’. »
L’Elysée est un lieu clos, ajoute-t-elle. « Mais il y a forcément un jour où l’on aura une photo de la fille Sarkozy. » Par exemple, au moment du début de la campagne présidentielle de l’UMP ?
Et pourtant, à dessein ou non, la presse a donné dans le panneau. Et bien plus que cela. Peut-on trouver, durant ces derniers jours, un seul journal digne de ce nom, un seul site internet d’information, qui n’ait PAS relayé l’information de la naissance de Giulia ? Qui n’ait PAS donné le nom qui a « filtré » malgré la promesse de Carla Bruni de « protéger » le bébé ? Non. Cette affaire de com’ qui-ne-dit-pas-son-nom et de médias suivistes est admirablement résumée sur le site du Nouvel Obs.
On aurait pu penser que la presse avait fait son mea culpa après l’épisode -plutôt longuet…- des cinq ans de campagne officieuse de Nicolas Sarkozy au gouvernement Chirac, durant lequel les médias furent constamment à sa botte. Et bingo, voici qu’ils replongent. Cela fait vendre, paraît-il…
Pour info, dans le même temps, Kadhafi a été tué, la Tunisie élit ses premiers représentants de manière à peu près libre depuis des années, la Grèce prend feu, et nos Départements réunis en assemblée crient à qui veut l’entendre qu’ils croulent sous le poids des dépenses sociales. Oui, mais il y a des priorités, ma bonne dame.
Au final, l’Élysée commande, la presse obéit, le peuple applaudit. Navrant.
Crédit photo : checoo / Flickr
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D’autres coups de gueule sur Retour d’actu.
C’était à prévoir. On peut rajouter à cela l’effet pervers engendré par la « dictature de l’urgence ». La naissance de ce maudit marmot a été annoncée trois ou quatre fois en deux semaines. Les radios, télés, twittos reprenant l’information elle même publiée sur un autre média, la source originale étant, au choix, un passant interrogé devant l’hôpital de la muette, une chronique mal interprétée de Canteloup ou un tweet vicelard d’un internaute facétieux. Ce dernier a même réussi à donner un nom au bébé, Vadim. http://goo.gl/EJBvH
Qu’on ne s’étonne pas dans ces conditions de la défiance du bas-peuple pour l’élite journalistique. Il y a peu, pour une faute déontologique de la sorte, un journaliste se serait fait blacklisté. Aujourd’hui, c’est le pain quotidien, le risque à prendre pour sortir l’info en premier, aussi fausse soit-elle.
Pour finir, comme l’a très justement fait remarqué un twittos : « @koztoujours J’aime comme certains se défaussent sur les autres pour justifier de consacrer un article à l’accouchement présidentiel ». C’est ce que fait le chroniqueur à succès Bruno Roger-Petit et c’est à s’y méprendre ce que vous faîtes ici ! À croire que, quoi qu’on en dise, les faits-divers nous titillent, aussi insignifiants soient-ils !
Bonjour,
Merci pour votre réaction et vos rappels. Je suis d’accord avec votre analyse. A ceci près toutefois que, très sincèrement, je n’ai pas écrit mon article pour parler de la naissance de Giulia Sarkozy, mais pour critiquer l’attitude de la presse sur cette affaire. Il y a quand même, je pense, deux poids et deux mesures : les médias qui annoncent et qui répètent le storytelling élyséen, et ceux qui (comme le chroniqueur du Nouvel Obs) détaillent tout ceci avec davantage de subtilité et de recul sur leur propre profession.
Ceci dit, vous avez tout de même raison sur ce point : d’une manière ou d’une autre, on finit par en parler de cette affaire, la preuve … 🙂