Martin Hirsch livre dans Le Monde une vision très pessimiste de la situation sociale en France… et préconise des solutions peu coûteuses, intéressantes, mais certainement insuffisantes.
Qui se souvient de Trenet, et de sa douce France ? Le pays qu’on aimait « dans la joie ou la douleur » ? En tout cas pas Martin Hirsch. Dans Le Monde du 13 décembre, l’ex président d’Emmaüs -et ex Haut commissaire aux solidarités actives du Gouvernement Fillon- livre un constat pessimiste de la situation sociale de notre pays. Qui, du coup, n’a plus vraiment les traits d’une douce France.
« Un quart des assurés sociaux qui renoncent à des soins pour des raisons financières » note Hirsch. « 20% de chaque génération qui sort du système scolaire sans diplôme. Une personne sur sept qui vit sous le seuil de pauvreté. Un chômage qui persiste autour de 10% de la population active. » Surtout, il ajoute que ni l’État, ni les collectivités territoriales, ni la Sécurité sociale n’ont encore les marges de manœuvre nécessaires pour changer la donne. Il en est donc réduit à proposer des solutions « gratuites » pour éviter une dégradation générale du système social. Lucides et pas inintéressantes. Mais elles marquent un constat d’échec. La fin de cycle d’un modèle qui survit péniblement et qu’on maintient en respiration artificielle.
Ainsi, la première de ses dix préconisations revient sur les remboursements de l’assurance maladie. Hirsch constate que les affections de longue durée sont celles qui coûtent le plus cher et propose donc à la fois de plafonner les sommes à la charge du malade tout en leur demandant une contribution en cas de revenu élevé. Légitime. mais c’est aussi une manière de dire qu’on n’a plus les moyens, bref qu’il faut que le patient paye davantage. Ce qui est déjà de plus en plus le cas depuis des années, via le déremboursement de certains médicaments et l’augmentation générale des honoraires des praticiens.
Des riches et des pauvres… qui le resteront
Autre triste constat : celui d’une France qui maintient dans leur situation à la fois ses riches et ses pauvres. L’ex « Monsieur RSA » du gouvernement propose d’utiliser les droits de succession pour financer une allocation d’autonomie aux jeunes, pour 4 à 5 milliards d’euros. Une mesure certes louable… mais est-elle suffisante pour établir enfin cette égalité républicaine dont on nous rebat régulièrement les oreilles ? Une telle allocation d’autonomie sera certainement utile pour nombre d’étudiants qui galèrent pour réviser leurs cours en même temps qu’ils enchaînent les petits jobs de subsistance. Mais leur donnera-t-elle la possibilité de jouer véritablement dans la cour des grands ? D’intégrer les mêmes écoles que les étudiants aux moyens larges ? C’est une autre histoire. Le comblement du fossé entre riches et pauvres exige évidemment d’autres mesures qu’une aide faiblarde qui s’ajouterait aux APL.
Autre exemple : le financement des associations à caractère social, actuellement en grande difficulté. Martin Hirsch propose que les plus riches soient incités (voire forcés) à leur consacrer une partie de leurs revenus. Encore une fois, n’importe quel démocrate un peu partageur ne s’opposerait pas à cette mesure. Mais elle signifie aussi très clairement que le monde associatif a pris le relais des pouvoirs publics sur un grand nombre de sujets liés au social. En elle-même, l’affaire n’est pas forcément dérangeante : nombre d’associations à caractère social sont engagées dans des démarches de professionnalisation et de formation avancées. Mais le fait que le secteur public se repose sur elles pour des pans entiers de l’action sociale est problématique, surtout dans la mesure où leur financement n’est pas assuré. Et il n’est pas certain qu’une aide prélevée sur les revenus les plus élevés suffise à assainir les comptes des associations.
Enfin, Hirsch propose un système d’assurance des propriétaires pour se prémunir contre les impayés de loyer… tout en mettant en place un système qui couvre moins bien ceux qui pratiquent des tarifs déraisonnables. Une incitation sans doute judicieuse… mais ne faudrait-il pas parler aussi de construction ou de rénovation dans le parc public, à loyer plus modéré ? Ou s’investir plus qu’actuellement dans la politique du Logement et de la Ville en général ?
De tout cela, on retiendra finalement que l’action sociale est plus que jamais indispensable, mais qu’elle ne peut plus se faire qu’à moyens constants, dans le meilleur des cas, pour un pays qui n’a plus les moyens de sa politique. Triste France…
Crédit photo : Jean-Louis Zimmermann / Flickr
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