Paris, la culture dans tous ses états, chapitre 1

Chaque semaine, Lili des Bellons balance coups de cœur et coups de poings sur les évènements culturels qui se tiennent à Paris. Le but : vous donner envie d’aller y voir par vous-même ou de passer votre chemin.

La pièce de théâtre Orage d’August Strinberg, donnée au théâtre de la Tempête du 15 novembre au 15 décembre, est une véritable épreuve pour le spectateur. Mais pas pour de bonnes raisons… Retour d’actu a vu ses espoirs de passer un bon moment de théâtre douchés par les multiples faiblesses de la mise en scène.

Cette pièce parle du temps qui passe mais le texte, lui, ne passe pas. L’action se déroule autour de l’appartement de Monsieur Gerda. Son ex-femme revient et sollicite son aide pour récupérer leur fille respective, partie avec son beau-père. L’intrigue peine à se mettre en place et on ne sait finalement pas de quoi il s’agit et à quoi renvoient certaines répliques ; par exemple quand Louise, la servante de Monsieur, lui glisse un mot à l’oreille et qu’il s’exclame d’un ton laconique : «Quelle horreur !», nous ne saurons jamais à quel évènement  cela fait référence. Par contre, quand Starck, le pâtissier, prononce sa dernière réplique «L’orage a passé», le spectateur comprend immédiatement, soulagé, qu’il en a finit avec cette mise à l’épreuve que constitue le visionnage de cette pièce.

Le dispositif scénique est construit de manière tripartite : un extérieur,  symbolisé par un banc ; de larges baies vitrées laissant voir l’intérieur poussiéreux de monsieur et, au-dessus de cet appartement , les stores des voisins laissant passer une lumière rouge qui communiquera la seule impression de menace durant cette pièce. Cette scénographie fige d’emblée les acteurs qui semblent prisonniers de cet espace comme d’un aquarium. Le champ de vision du spectateur est aussi contraint par le manque de recul et de perspectives.

Tout est figé dans cette pièce. Les acteurs circulent lentement, et s’ils constatent à plusieurs reprises que l’orage est menaçant, rien ne permet au spectateur de l’entendre gronder. Ils n’aura droit qu’à des flashs lumineux à chaque changement d’acte. Les personnages, cloîtrés dans leur quotidien, parlent du temps qui passe, du passé, des souvenirs, et pendant ce temps le spectateur attend lui aussi que le temps passe et se retient de gronder.

– Le film Avant l’hiver, réalisé par Philippe Claudel, en salle le 27 novembre : si vous voulez vous remonter le moral en cette période de grisaille, passez votre tour. Avant l’hiver est la caricature du mauvais film français. Le personnage principal, Paul, (incarné par Daniel Auteuil), est un neurochirurgien marié à Lucie (Kristin Scott Thomas). Il fait sa crise de la soixantaine et réalise qu’il n’a pas vraiment vécu sa vie, grâce à sa rencontre avec Lou, une jeune femme mystérieuse. Le film traite donc de thèmes vus et revus : la crise de la soixantaine, la rencontre d’un homme mûr et d’une jeune femme, la communication dans un couple après 30 ans de mariage. Pourquoi pas ? Simplement l’intrigue est à dormir debout : les secrets de famille ressurgissent, Lou n’est pas une jeune femme mystérieuse mais une prostituée sadique psychopathe, la sœur de Lucie retourne en hôpital psychiatrique…

Merci à Philippe Claudel : la vie n’est pas assez dure comme ça pour s’en prendre en plus plein la gueule quand on va au cinéma. Retour d’actu vous dévoile un peu le film, mais soyez rassurés : c’est vraiment pour  votre bien.

Continuons avec la formidable pièce Le Porteur d’histoire, d’Alexis Michalik, joué au studio des Champs Elysées. Cette pièce s’est imposée depuis deux ans comme un incontournable de la scène parisienne. Cinq acteurs, pantalons noirs et marcels blancs,  cinq tabourets, un tableau à craie en guise de décor qui guidera le spectateur dans cette chasse au trésor, quelques costumes et le tour est joué : Michalik nous transporte durant 1h40 dans une aventure à la Dumas où il est question de filiation, d’héritage, de livres forcément, de trésor caché, d’un mystère historique, d’histoire de France et d’ailleurs, de rêve… Michalik dans son texte et sa mise en scène tisse les histoires et l’Histoire comme une araignée sa toile et transporte le spectateur : une pièce enlevée, très stimulante et portée par des acteurs remarquables. A ne pas rater.

Autre coup de cœur : l’exposition « La mécanique des dessous » aux musée des arts décoratifs. Malheureusement, l’exposition terminait le 24 novembre, mais si vous avez l’occasion de consulter le catalogue prenez le temps de le faire. Cette exposition présentait de manière très didactique l’histoire des dessous féminins et masculins du Moyen-Âge à nos jours. La scénographie, très bien conçue, mettait en valeur les costumes. Une approche didactique, notamment grâce à des mannequins robots portant les dessous, permettait de comprendre les mécanismes des dessous. Le spectateur pouvait ainsi réaliser leur complexité mais aussi tout ce que l’histoire des dessous disait sur la société au niveau des codes sociaux, des contraintes et des évolutions sociétales.

– Et nous terminons en apothéose, le champagne pour Retour d’actu : la répétition publique à l’opéra  Bastille autour du ballet La Belle au bois dormant de Noureev, qui a eu lieu samedi 23 novembre. Une heure d’excellence et de travail pointilleux. Le maître de ballet, Laurent Hilaire, a présenté rapidement l’œuvre qui sera dansée en décembre à l’opéra de Paris, puis a laissé place à la danseuse-étoile Agnès Letestu qui, depuis ses adieux en octobre dernier, a endossé le costume de répétitrice. Elle a donc guidé Laura Hecquet (sujet) et Audric Bezard (premier danseur) en trois temps. Tout d’abord, sur la variation lente du prince typique du travail de Noureev, alliant difficultés techniques et interprétation mélancolique : Audric Bezard a été à la hauteur du défi et nous a transportés en quelques gestes dans les états d’âme du prince. Place ensuite à l’adage à la rose d’une complexité technique effarante pour la princesse Aurore mais aussi très riche sur le plan de la pantomime. Noureev ne la laisse pas souffler !

Agnès Letestu prend le temps d’expliquer au public la signification des gestes de la pantomime qui sont parfois difficiles à traduire. Laura Hecquet a eu l’occasion, lors de cet adage, de prouver ses qualités de technicienne et Audric Bezard n’était pas en reste car même s’il était là essentiellement pour des portés, il interprétait jusqu’au bout des cils le prince et lui donnait une vraie consistance.

Enfin, le pas de deux final a été l’occasion pour Agnès Letestu de donner des trucs aux deux danseurs pour réussir les « portés-poissons » qui leur posaient problème. Le couple a été vivement applaudi à l’issue de cette répétition et nous a donné envie d’aller voir le spectacle. Les réservations sont pour l’instant complètes mais n’hésitez pas à passer au guichet : il y a toujours des retours de places. Ou alors, tentez les places de dernières minutes en faisant la queue une ou deux heures avant le spectacle.

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