Affaire DSK : pour qui sonne le glas ?

La chute de DSK peut-elle entraîner celle du Parti socialiste en 2012 ? Ce n’est pas impossible… Point de vue sur les conséquences politiques de l’affaire.

 

L’élection présidentielle avait des allures de partie jouée d’avance. Il y a encore une vingtaine de jours, DSK, le grand adulé des pronostics, était le champion tout désigné pour mener le camp socialiste à la victoire en 2012, la dernière remontant à… 1988.

Malgré quelques faux pas -une relation extraconjugale au FMI en octobre 2008, l’affaire de la Porsche…- il disposait de la stature adéquate. Un parcours de brillant économiste (appréciable en temps de crise), une aura internationale (éloignée des bisbilles et des crocs-en-jambes socialistes), une aisance intellectuelle confondante (fort utile pour contrer l’homme de campagne qu’est Nicolas Sarkozy), et une capacité à séduire le centre et même une partie de la droite… Le perfect guy d’Outre-atlantique. L’outsider François Hollande grappillait bien quelques voix au directeur du FMI. Mais celui-ci restait de loin, et logiquement, le grand favori.

Le PS vers une nouvelle guerre des chefs

L’arrestation de DSK a rebattu les cartes. Elle a surtout privé la gauche d’atouts, davantage que certains sondages le laissent penser. Si ceux-ci supposent que Nicolas Sarkozy ne profite pas de la chute de son rival annoncé, c’est sans doute tout simplement parce que l’affaire n’a pas encore produit tous ses effets. La guerre des chefs est de nouveau ouverte au PS. Le favori hors jeu, Martine Aubry envisage désormais très sérieusement de se lancer à son tour et en est à se demander qui dirigera le PS si elle se présente à l’investiture.

D’autres ambitions se réveillent, à commencer par celle de Ségolène Royal, qui s’affiche au côté de la maire de Lille dans l’espoir de faire de l’ombre à son ancien compagnon, François Hollande, candidat le plus crédible à cette heure. Celui-ci, comme le livre L’Express, va devoir batailler férocement pour l’emporter aux primaires, car s’il est le présidentiable le plus logique à cette heure, il n’est pas indiscutable pour autant. Et c’est bien là le problème pour la gauche. Cette soudaine absence de leader incontournable pourrait conduire à une guerre fratricide mortifère si peu de temps avant l’échéance de la primaire.

Les socialistes peuvent craindre que le ou la désigné(e) soit victorieux comme en 2007. C’est-à-dire avec seulement une moitié de l’appareil du parti derrière lui / elle. Lors de la dernière présidentielle, Ségolène Royal avait payé « cash » ce soutien plus qu’en demi-teinte des éléphants du PS face à une machine UMP bien huilée et fonctionnant à 100% pour Nicolas Sarkozy. Si aucun leader ne prend rapidement la place de DSK, et si la politique des clans se ravive au PS, c’est bien un remake de 2007 qui pourrait se jouer.

Une autre partie de campagne

Par ailleurs, pour les socialistes, il n’est évidemment plus question de mener une campagne « internationaliste ». A une heure où l’on martèle que les États ne peuvent plus grand chose face à des crises dont les effets débordent largement les frontières, Dominique Strauss-Kahn pouvait apparaître comme l’homme des institutions internationales : celui qui a goûté à la régulation mondiale, et qui dispose des leviers d’action nécessaires pour combattre les effets néfastes de la mondialisation. Une image précieuse pour convaincre au-delà de son camp.

Sur le long terme, tout autre candidat socialiste apparaîtra désormais comme un « ancré » du parti ayant su prendre sa chance au bon moment. Il lui sera beaucoup plus difficile de se situer sur le terrain international pour prendre l’avantage sur la droite. La campagne prendra nécessairement une tournure plus locale, à l’image de la posture actuelle de François Hollande. Mais il n’est pas certain que ce côté « proche des Français » séduise bien longtemps longtemps, et ce d’autant moins qu’aucun de ces trois candidats potentiels ne bénéficie d’un charisme débordant.

Un duel droite / gauche classique

L’on retombe dès lors dans un classique affrontement entre la droite et la gauche, dans lequel Nicolas Sarkozy peut se montrer plus à l’aise que face à l’atypique Strauss-Kahn. Et même si les sondages ne lui sont pas favorables aujourd’hui, on le voit mal se « planter » au second tour lors d’un face à face télévisé contre Hollande, Aubry ou Royal.

Le chef de l’Etat doit son élection de 2007 à une communication efficace, tranchée et sans fard. Il n’est jamais aussi redoutable que lorsqu’il redevient candidat, et quoique son bilan soit plus que mitigé, il pourra faire valoir à juste titre que la crise internationale pèse lourdement à l’heure des comptes. Attaquer la gauche « classique » est dans ses cordes. Il ne privera probablement pas de la mettre mal à l’aise sur certaines contradictions, comme la réforme des retraites ou le nombre de fonctionnaires en France.

Ca et là, on a pu lire quelques articles arguant que la chute de DSK n’était pas forcément une bonne nouvelle pour Nicolas Sarkozy, au prétexte que le directeur du FMI donnait de lui-même une image encore plus « bling-bling » que celle du Président de la République. Mais c’est probablement plutôt le Canard enchaîné qui a raison. A la suite de l’affaire, le journal satirique titrait évidemment sur l’arrestation de DSK et publiait une caricature éloquente : Nicolas Sarkozy demandant à son camp de ne pas se réjouir des déboires judiciaires de son rival… avant que le champagne soit à la bonne température. 2012 n’est pas joué d’avance, mais les chances se sont fortement rééquilibrées. Et si le glas sonne aujourd’hui, c’est sans doute plutôt pour la gauche.

Crédit photo : idf – photo / Flickr

A lire aussi sur ce site : DSK a-t-il vraiment voulu prendre le plus beau job du monde ? Et un autre regard sur l’affaire Strauss-Kahn

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