Le dernier film de Steven Soderbergh, sorti ce mercredi au cinéma, laisse un goût de narration un peu fade.
Pas de doute. Quand il s’agit de montrer la réalité brute, sans complaisance, Steven Soderbergh sait faire. On l’avait déjà vu avec son Che, une rétrospective en deux parties (L’Argentin et Guérilla) de la vie du révolutionnaire. Et on le voit de nouveau avec Contagion, son dernier film, sorti dans les salles le mercredi 9 novembre.
Soderbergh ne s’encombre pas de détails pour montrer ce qu’il se passerait réellement si un virus venait à se répandre aux quatre coins du monde et tuait le tiers des contaminés. Ou plutôt, il le filme justement dans les moindres détails. A commencer par cette longue introduction, durant laquelle il fait une fixation sur tout ce qui entre en contact avec les premiers contaminés. Son virus, quelque chose entre le H1N1 et la grippe aviaire, entraîne évidemment une réaction des autorités et de la communauté scientifique. Mais aussi une brutale réaction sociale. Celle-ci, dans un premier temps, reste circonscrite. La foule est attentive aux messages rassurants du gouvernement et du sombre et efficace Laurence Fishburne, convaincant dans son rôle de toubib qui refuse de perdre pied.
Mais rapidement, face à la contagion et à mesure que les morts s’accumulent, la peur se diffuse aussi, plus vite que la maladie elle-même. On s’isole. On se barricade. Puis l’on se rue sur les stocks de médicaments supposés enrayer la progression du virus, quitte à piller les pharmacies. Finalement, on s’en remet aux colis de sauvetage de l’armée. Et l’on abat son voisin pour lui voler ses conserves, pour se nourrir et nourrir sa famille. Au milieu du cataclysme, bien rares sont ceux qui surnagent et tentent encore de faire passer le bien commun avant leur propre sort, à l’instar de Kate Winslet, la courageuse doctoresse qui lutte sur le terrain au milieu des malades. Même Matt Damon, que l’on a connu plus brave en Jason Bourne, cède à la panique générale.
Un scénario crédible… mais aux allures de docu-fiction
Le tout est injecté au spectateur comme une désagréable piqûre de rappel. Il n’y a pas si longtemps, le monde frémissait devant la menace de la grippe A. Et pendant quelques temps, les centres de vaccination ne désemplirent pas. Ce que les contributeurs de Retour d’actu avaient d’ailleurs eu l’occasion de constater en visitant l’un de ces centres à Paris. Qui pourrait aujourd’hui affirmer quelle tournure auraient pris les choses si la grippe s’était avérée plus contagieuse ? Plus tueuse ? Quelques commentaires, à la sortie du film de Soderbergh, ont du reste jugé son scénario parfaitement crédible.
Incontestablement, le réalisateur sait donc mener son affaire, et tâte avec réussite le pouls d’une société confrontée à une pandémie mondiale. Mais précisément, cette intrigue au ton narratif finit par prendre des allures de docu-fiction. Apparition du virus : crédible. Propagation : crédible. Réactions des uns et des autres : crédibles. Trouvaille du vaccin et distribution : encore et toujours crédible. Terriblement réaliste. Brut d’un bout à l’autre. Au point que Soderbergh ne laisse finalement pas la moindre place à un peu de romance.
On ne lui demandait certes pas le scénario invraisemblable de 2012. Mais, pour le dire de but en blanc, à quoi bon s’attacher les services de Matt Damon, Kate Winslet, Laurence Fishburne ou Marion Cotillard -qu’on aperçoit péniblement quelques minutes- pour les cantonner à des rôles de quasi-figurants ? L’hyperréalisme du film, au bout d’une heure et demi, finit par en devenir un peu fade. Il paraît que l’imagination, ce n’est pas le mensonge (dixit Pennac). Mais on aurait quand même souhaité davantage d’imagination dans ce film. Quitte à mentir un peu.
Sans compter que Soderbergh n’évite pas quelques clichés. Par exemple, celle par qui tout commence, Gwyneth Paltrow, est une femme légère et infidèle. Et les journalistes -en la personne de Jude Law, blogueur cinglé- sont comme souvent, les bad guys, ceux qui dénigrent le vaccin si vaillamment mis au point. Ceux qui mentent et qui manipulent, quand les autorités sont les garantes exclusives du bien public. Bref, le traitement de Contagion n’est qu’à moitié efficace. Jusque dans sa chute, qui ne fait au fond que confirmer ce que l’on savait déjà. Dommage.
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