Des milliers de livres sont sortis sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Retour d’actu vous parle des quelques-uns qu’il a lus.
– L’incontournable : L’Assassinat de John F. Kennedy : histoire d’un mystère d’Etat, Thierry Lentz.
En plus d’être l’un des historiens les plus reconnus sur la France napoléonienne, Thierry Lentz se paie le luxe d’être l’auteur de l’un des meilleurs livres écrits en français sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy. Une synthèse claire et exhaustive de cette affaire qui, depuis cinquante ans, part un peu dans tous les sens. Seule critique que pourraient lui faire certains lecteurs : l’auteur penche pour la théorie du complot et ne s’en cache pas. Mais, contrairement à tant de livres délirants allant dans ce sens, celui-ci est l’œuvre d’un historien qui, à mon sens, sait séparer le bon grain de l’ivraie. Difficile de n’être pas sceptique quant à la culpabilité du seul Oswald dans l’assassinat après la lecture de ce bouquin passionnant, qui s’ouvre par ces considérations du général De Gaulle qui en disent long : « On ne saura jamais la vérité. Car elle est trop terrible, trop explosive. C’est un secret d’État. Ils feront tout pour la cacher. C’est un devoir d’État. Sinon, il n’y aurait plus d’États-Unis. »
Bref, vous voulez en savoir plus sur cette affaire ? Lisez Lentz. Pour le reste, on verra.
– Le plus journalistique : Qui n’a pas tué John Kennedy ?, Vincent Quivy.
Ce livre est un peu le pendant de celui de Thierry Lentz. Il penche clairement du côté des « warrenistes », c’est-à-dire de ceux qui, faute de preuves tangibles d’une conspiration, se rangent à l’avis de la commission Warren : Oswald a tout fait tout seul, et Jack Ruby, l’assassin d’Oswald, est un illuminé.
Ce livre est agréable à lire, rédigé dans un ton journalistique. On peut lui faire la critique inverse à celle du livre de Lentz : il n’insiste pas assez, à mon sens, sur la position ambiguë de la commission Warren et sur ses erreurs (et ne creuse pas assez quelques sujets qui sont pourtant au cœur des débats, comme l’épisode de l’autopsie du corps de JFK qui a été faite n’importe comment ; dans une très moindre mesure, il n’évoque pas un petit fait qui m’a toujours intrigué, et qui est établi par des photos et des vidéos : la présence sur les lieux de l’assassinat de deux types dont l’un utilise un talkie-walkie puis le cache dans son pantalon en quittant les lieux, ce qui lui donne une démarche cocasse).
Quivy a raison d’insister sur les centaines d’enquêtes réalisées minutieusement par les membres de la commission Warren, sur tous les interrogatoires réalisés. Mais il ne dit jamais, et je trouve cela dommage, que la commission Warren n’avait manifestement qu’un seul objectif : confirmer la thèse du tireur unique, si besoin est en ne posant aucune question qui pourrait amener l’interviewé à donner un élément n’allant pas dans le sens de cette thèse, ou encore en évitant de pousser trop loin certaines investigations (voir Lentz). Sans parler des pressions.
Mais, à l’inverse, le livre de Vincent Quivy m’a fait mieux prendre conscience du fait que Jim Garrison, et plus généralement les défenseurs de la théorie du complot, n’avaient vraiment rien à nous proposer en termes de preuve irréfutable. C’est, à mon sens, le mérite de ce livre qui remet un peu les pendules à l’heure sur ce plan-là. Les défenseurs du complot de sont pas nécessairement des chevaliers blancs, et les warrenistes ne sont pas tous des vendus. Cela paraît évident, mais mine de rien, on verse vite dans la paranoïa, dans un sens ou dans l’autre, en s’informant sur cette affaire qui rend fou ! Mais tout de même : si l’on en vient, comme moi, à avoir un a priori positif sur la crédibilité de ceux qui attaquent les conclusions du rapport Warren, c’est bien parce que ce rapport n’est objectivement pas tellement crédible ! Pourquoi ne pas l’avoir rappelé ?
Enfin, nous noterons que la déconstruction de la théorie impliquant des assassins français dans l’assassinat de Kennedy est assez poussée, certainement parce que Vincent Quivy a déjà écrit sur l’OAS. Cette partie pourra intéresser certains lecteurs intrigués par cette énième fantasmagorie JFK-ienne.
– Le pavé (de six cents pages) dans la mare : Anatomie d’un assassinat, Philip Shenon.
Je viens à peine de commencer ce bouquin. Mon avis sera donc, pour l’instant, à prendre avec des pincettes. L’introduction du livre met en tout cas l’eau à la bouche : un ancien avocat qui a collaboré au rapport Warren contacte l’auteur, journaliste au New York Times, pour l’engager à interviewer les personnes encore vivantes qui ont participé aux enquêtes de la commission Warren. Pourquoi l’invite-t-il à cela ? Parce qu’il y a eu, durant ces investigations officielles, quelques – euphémismes ! – entorses faite au processus judiciaire normal : preuves dissimulées ou détruites, pressions sur les membres de la commission Warren… D’après les commentaires que j’ai pu lire sur ce livre, il semble établir la réalité des les liens qui unissaient le FBI, la CIA et Oswald avant l’assassinat. Un point bien évidemment névralgique de l’enquête… J’ai l’impression que le livre de Shenon est l’un de ceux qui apportent de nouveaux éléments, cinquante ans après l’assassinat, et proposent ainsi autre chose qu’une simple synthèse des différentes théories.
– La thèse dure à avaler : JFK, le dernier témoin, William Reymond avec Billie Sol Estes.
J’ai lu ce bouquin il y a plusieurs mois, donc je ne me souviens pas de tous les détails. L’impression qu’il m’a faite est celle d’un livre qui vous donne vraiment l’impression, par des procédés d’écriture presque romanesques, d’enfin toucher du doigt la vérité sur l’assassinat. Malheureusement, la théorie développée, qui tient la route sur plusieurs points (en gros, si je me souviens bien, JFK a été exécuté par les riches pétroliers texans), propose des passages quand même durs à avaler (en particulier toute l’affaire du maquillage du cadavre de JFK, du recours à un chirurgien esthétique, etc.). Mais peut-être est-ce la vérité, après tout ? En tout cas, Billie Sol Estes, texan qui a donné les infos au journaliste français William Reymond, est aujourd’hui mort, et l’on n’a toujours pas entendu parler de ses fameuses cassettes sur lesquelles toute la vérité est dite. Il serait pourtant temps de les faire sortir, pour les cinquante ans !
Assez d’accord avec vos remarques : warrenistes et tenant du complot sont prompts à s’auto exclure, dommage ! D’accord aussi sur la qualité du travail de T. Lentz, je rajoute qu’il prouve qu’on peut pencher pour le complot et demeurer rigoureux dans l’argumentation. Pour finir j’ai apprécié le bouquin de Norman Mailer, pas très récent il est vrai, qu’il a consacré à LH Oswald
Bonjour,
Je vous remercie pour votre commentaire.
C’est la deuxième fois que l’on me conseille ce livre de Norman Mailer. Il va décidément falloir que je jette un œil !