« Déçu du sarkozysme » il y a moins d’un an, Michel Sardou était ironiquement salué par la presse pour son « passage à gauche ». Un peu injuste : dès 1983, le chanteur si « réac » clamait la différence entre l’idéologie marxiste et la dictature soviétique…
Nicolas Sarkozy au plus bas dans les sondages, c’est désormais presque un pléonasme. Certains, toutefois, n’ont pas attendu le sondage Harris Interactive du Parisien pour marquer ostensiblement leur déception.
Michel Sardou est de ceux-là. Le 7 mai dernier, soit dix mois en arrière, Marianne 2 titrait à propos de l’un des plus populaires -et des plus réacs- chanteurs français qu’il passait à gauche, constatant l’inaptitude présidentielle actuelle. « Le Sardou nouveau est arrivé » insistait le journal. Que de chemin parcouru, pourrait-on dire. L’homme des Lacs du Connemara était tout de même celui qui donnait aussi dans le « Je suis pour » et « Si les Ricains n’étaient pas là »…
Et pourtant, quitte à se faire un peu l’avocat du diable, on pourrait dire qu’il s’agit là d’un faux procès. Car avant ce revirement politique affiché, Sardou s’était montré capable de se détacher de son image de « droitard » acompli. Pour preuve, sa chanson « Vladimir Ilitch » (1983)…
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Le texte, ce n’est rien de le dire, ne colle pas à son auteur ! On est loin du passéisme malsain du « Temps béni des colonies » et de la mièvrerie de la « maladie d’amour »… Cette chanson sur le leader russe ne répond à aucun des clichés concernant Michel Sardou (exception faite de la grandiloquence mélodique habituelle, on le concède…). L’auteur fait même preuve d’une étonnante finesse politique.
Un chanteur de droite pour défendre le marxisme ?
Car, en constatant le gouffre qui sépare les idéaux du jeune Vladimir et le résultat de la révolution de 1917, lui, le chanteur conservateur, rappelle que l’idée n’est pas le système. Que le marxisme n’est pas le stalinisme. Que ce que l’on appelle « communisme » n’a rien de commun avec le régime de Fidel Castro et ne se retrouve pas dans le Petit Livre Rouge. Il fallait un chanteur de droite pour oser affirmer que Lénine n’avait pas rêvé la Russie soviétique totalitaire des années guerre froide : un comble ! Car après 1989, combien, y compris « à gauche », ont enterré dans le même sac le système et l’idéal ?
Et combien, à l’heure actuelle, confondent encore allégrement l’un et l’autre ? Même les médias « sérieux » épargnent rarement à Olivier Besancenot le couplet selon lequel une pensée trotskyste mène nécessairement des milliers de personnes au goulag (la même simplification, au fond, pourrait conduire à rendre Adam Smith responsable des subprimes et de la crise économique actuelle…).
Et (martelons-le…) le distinguo est rappelé par un chanteur maintes fois accusé de machisme et de racisme, et à propos duquel Libé écrivit un jour : « Le fascisme n’est pas passé et Sardou va pouvoir continuer à sortir ses sinistres merdes à l’antenne ». Mais combien de chanteurs « de gauche » ont pointé du doigt la bureaucratie soviétique tout en clamant « Lénine, relève-toi ! Ils sont devenus fous… » ?
On n’ira pas jusqu’à crier « Sardou, Ferrat, même combat ! » Mais force est de constater que les plus réacs ne sont pas (toujours) ceux que l’on croit.
Crédit photo : xnxbox / Flickr
D’autres points de vue sur Retour d’actu… dont plusieurs coups de gueule politiques : l’électeur du FN a-t-il un cerveau ? ou encore l’hypocrisie gouvernementale au moment de la démission de MAM
Bonjour,
D’accord pour distinguer l’idée du système.
Sauf que Sardou aurait sans doute du chanter Marx plutôt que Lénine. En effet, c’est bel et bien ce Vladimir Illitch qui a éliminé toute l’opposition du parlement issu de la révolution au profit des bolcheviks minoritaires, fait tirer sur les marins de Kronstadt, qui créé le NKVD, organisé le premier goulag et la famine ukrainienne, entre autres joyeusetés.
Bref, Lénine était un dictateur sans état d’âmes, et il avait plus de points communs avec son successeur qu’avec Gandhi ou un doux utopiste.
Vous faites erreur sur le message qu’a voulu faire passer Sardou. Une chanson, ou un propos, doivent toujours être replacés dans leur contexte : nous sommes en 1983, le rideau de fer n’est pas encore tombé, et les archives soviétiques ne sont pas encore tombées dans le domaine public pour révéler l’importance de Lénine dans la mise en place du système concentrationaire et des crimes de masse communistes.
Le but de Sardou est donc bien ici, à une époque où le PCF était encore en admiration devant Staline, de convoquer la figure première du communisme soviétique pour montrer à quel point la barbarie communiste avait trahi ses promesses en trompant le peuple.
Cette chanson ne fait donc en aucun cas de Sardou un admirateur de Lénine : voilà ce que cette truffe de Raquel Garrido a été visiblement incapable de comprendre…