Commentaires sur une tribune de Clara Da Silva, dans Libération, beau texte énonçant quelques vérités premières sur l’état désastreux du « lien social ».
Clara Da Silva se présente comme « Mère et enseignante (désespérée) de philosophie et de cinéma au lycée de l’Essouriau des Ulis ». Elle s’alarme dans Libération (07/11/11) du tour kafkaïen que prend notre société en général, se basant sur un service proposé par le collège où étudient ses enfants : un outil informatique permettant aux parents de surveiller le carnet de notes de leurs gamins par Internet, sans plus avoir besoin de leur demander s’ils ont eu, ou non, de bonnes notes.
Qu’est-ce que cela signifie ? Que même l’école de la République (faut-il encore garder le « r » majuscule ?…) avalise la non-communication grandissante. Que même en famille, on va faire comme dans les autres domaines de la société : ne plus communiquer et se surveiller par iDaubes interposées. Réjouissante perspective !
« L’utilisation aveugle du numérique renvoie à un monde à la sémiotique effrayante. Un monde dans lequel on «valide» des «items» en un simple «clic», un monde dans lequel on «renseigne» des «champs», on «s’identifie», avec des «codes», des «mots de passe». Un monde où (…) tout est en réalité surveillé et opaque : un monde de cauchemar. »
Si l’école fout le camp, tout fout le camp
Tout cela, bien sûr, dans l’indifférence générale. Nous courrons au désastre. Mais personne n’oublie de faire la fête pour l’oublier, donc accélérer le processus. Car si l’école fout le camp, c’est bien que tout fout le camp. Et presque tout le monde s’en fout.
« C’est ce basculement dans Orwell qui me fait pleurer, le sentiment que nous en sommes là sans que personne, ou presque, ne s’en aperçoive – au nom d’une prétendue «commodité», par une série de menus déplacements lexicaux, que les faciès décérébrés de la télé assènent sans jamais interroger. »
Mais, comme le signale par ailleurs Da Silva, il est devenu, dans un monde à genoux devant ses petits fantasmes technologiques, inadmissible de critiquer le « progrès ». « J’entends d’ici les cris d’orfraie. Comment peut-on s’offusquer de tous ces progrès ? Comment peut-on ne pas vouloir posséder de smartphone et ne pas être géolocalisable à tout instant ? Ne pas accepter d’avoir de gentils amis sur Facebook, de contrôler (pardon, de checker) d’heure en heure le parcours de son enfant sur l’échelle du «socle commun», comment peut-on lui interdire la télé et toutes les consolations des consoles ? Comment peut-on, si jeune, être à ce point ringard ? »
Participer au désastre, sans faire la gueule, et se taire
Voilà comment le piège se referme, bien évidemment. Soit vous participez au désastre avec le sourire, soit vous êtes la ringarde à ne pas prendre en compte. Pauvre époque, comme toutes les autres époques, aussi butée, aussi malfaisante. Aussi perdue. « Qu’est-ce donc que ce monde disjonctif qui, d’un côté, lâche ses enfants, plusieurs heures par jour, dans la gueule ouverte des écrans plats et, de l’autre, passe son temps à les fliquer, en un joyeux et coercitif «surf» du doigt ? »
Et ceux que l’on ne maîtrise plus, les jeunes, c’est-à-dire les adultes de demain, on en a peur. « Mais ce n’est pas des enfants dont il faut se méfier, c’est de l’usage des écrans, des images, et surtout des mots qui les accompagnent. L’école contribue désormais à l’éclatement de l’intelligence critique, elle qui était censée la former. » Il est bien évident que ce sont, aujourd’hui, les écrans qui décident de tout. Les écrans, c’est-à-dire nos projections mentales, nos fantasmes. La grande folie furieuse de l’humanité se porte très bien, grâce à eux, se donne une nouvelle vie. Eux qui nous désapprennent à nous concentrer.
Il faut honorer les messages comme ceux de Clara Da Silva, qui nous rappellent qu’au milieu de tout ce bordel, des singularités, c’est-à-dire des ilots d’intelligences perdus dans les multiples courants de la bêtise définitive, existent encore. Savent parler singulièrement. Sans détenir nécessairement la vérité, mais détenant l’envie de vivre sur cette planète pour autre chose que de participer à une dévastation. Dans ce monde de vivants-morts, cette saison en enfer qui n’en finit plus de vouloir nous étouffer un peu plus en nous parlant comme à des débiles, ou en nous vantant les bienfaits de la « sécurité pour tous ».
Clara Da Silva fait partie de ces personnes pouvant utiliser le mot « poésie » sans nous faire pleurer de rage. C’est beaucoup.
Crédit photo : baud10 / Flickr
D’autres coups de gueule sur Retour d’actu.
la non communication est partout pas seulement à l’école ou de parents élèves mais entre adultes, dans le monde du travail comme voisinages.
Et oui avec la société moderne ,le hightech a abolis la parole.
Communiquer ne se fais que par code ,tranche d’age,et sexe ….
Tout devient aberrant …
On préfère croire ,s’imagine que de connaitre .
Sans suivre l’Éducation Nationale qui croit avoir les bonnes méthodes d’apprentissages et de faire courir profs et élèves ,a créer des automates qui savent a peine lire ,si ce n’est des mots pré-appris ,pour mieux exploiter nos enfants quand ils seront en age de travailler.
Professeurs , parents donner envie à nos enfants d’apprendre non pas pour un travaille meilleur, mais pour leur liberté.
Professeurs n’enseignaient plus pour l’argent , donner votre savoir sans stress à nos enfants.
Car à l’école c’est vous leur plier ,les enfants tous comme ils sont ,ont soif de savoir et de se sentir utile.
Mais n’oubliez pas que vous ,vous avez appris,par l’enseignement et la vie, Eux ,sont encore jeunes et apprennent ce que nous avons appris, il y a bien longtemps.
Ne leur demandez pas la lune ,s’ils ne la connaissent pas!
Le hightech nous transforme en automate sans parole ,forger dans le même moule.