Le livre Lapsus Politicus, signé Patrick Levy-Waitz, réunit plusieurs dizaines de lapsus commis par nos gouvernants. Un bouquin à l’image de ce qu’il décrit, à la fois drôle et anecdotique.
Tout le monde se souvient de la tornade médiatique soulevée par le lapsus de Rachida Dati, prononçant à la télévision le mot « fellation » plutôt que celui d’ « inflation ». Un bouquin, Lapsus Politicus, vient aujourd’hui surfer opportunément sur le succès médiatique de ces dérapages langagiers (aux Editions du moment, qui attendent toujours, donc, le bon moment pour publier un livre). Il en compile plus de deux cents commis par des hommes politiques, contextualisés et répartis en plusieurs catégories (« Ne pas reconnaître ses torts », « Craindre le pire », « Se prendre les pieds dans le tapis »…).
On sourit, bien évidemment, en parcourant les pages de ce livre. Voir nos si sérieux gouvernants se planter si magistralement… Alors même qu’ils rabâchent de plus en plus souvent et systématiquement leurs ignobles « éléments de langage ». Comme l’estime Patrick Levy-Waitz, auteur du bouquin, n’est-ce pas un juste retour des choses que de voir leurs dérapages si commentés par les médias ? Sans compter que la plupart du temps, un bon lapsus en dit plus qu’un long discours. Exemples (tirés du livre).
« Le programme du PS est extrêmement vague… Vaste ! »
Nicolas Sarkozy, en novembre 2010, déclare à la télé : « Ma détermination n’a rien changé. » Comment mieux synthétiser la stérile agitation sarkozienne ?
Martine Aubry, à la télévision : « Le programme (du PS) est extrêmement vague. » Enfin une vraie auto-critique.
François Hollande, le jour de l’investiture de Ségolène Royal en tant que candidate du PS aux élections présidentielles de 2007, met le doigt en plein sur le malaise du PS : « Si on veut battre la gauche (sic), il n’y a qu’avec la gauche… Pardon ! Si on veut battre la gauche, on peut toujours le faire en votant à droite, mais si on veut battre la gauche (sic), avec la droite (sic)… » Te fatigues pas, François, on a compris. Tout le monde le sentait bien que vous ne croyiez absolument pas aux chances de Ségolène Royal.
Georges W. Bush, en avril 2003, après la libération de Bagdad : « Vous êtes libres. Et c’est beau, la liberté. Et vous savez, cela prendra du temps de restaurer le chaos… » Il semble que Bush ne soit publiquement lucide que le temps d’un lapsus. Les politiques ne feraient-ils pas mieux d’écouter leur inconscient plutôt que leurs conseillers en communication ?
Les lapsus, pas forcément révélateurs, souvent drôles
Ce qui est terrible avec beaucoup de ces lapsus, c’est que l’on oublie tout des discours qui les contiennent, et l’on n’a pas tort, dans la mesure où ces discours sont bien souvent des modèles de langue de bois ; le lapsus, par contraste, semble, lui, brûlant de vérité. Enfin un mot venu droit du cœur !… Il ne faut toutefois pas généraliser : les lapsus ne sont pas nécessairement « révélateurs » de conflits intimes, et tiennent parfois des circonstances (ainsi on n’en voudra pas à Michel Grégoire qui, en pleine affaire DSK, a estimé qu’il fallait urgemment « défendre le libre-échangisme »).
Lapsus Politicus a le mérite de réunir en un seul volume ces lapsus qu’on aime toujours avoir dans un coin de sa tête, comme autant de bons mots. Reste pour autant que le livre de Patrick Levy-Waitz finit par donner un peu l’impression d’un catalogue. Si sa lecture est assurément plaisante, vaut-elle 14,50 euros ? Pas sûr, ou à réserver aux passionnés !… Pour les autres, il reste le plaisir de les dénicher sur le Web… ou peut-être celui de relire et méditer « Zadig et Voltaire », suivant le conseil de Frédéric Lefèbvre.