« Le couple Macbeth, un mariage modèle », par Gilbert Keith Chesterton

Pour Gilbert Keith Chesterton, le couple Macbeth, dans la tragédie de Shakespeare, est peut-être le couple le mieux marié de l’histoire de la littérature.

 

[La version originale de cet article est disponible ici : http://www.cse.dmu.ac.uk/~mward/gkc/books/Spice_Of_Life.html. La traduction ci-dessous a été réalisée par mes soins.]

Lorsque l’on étudie une tragédie éternelle comme Macbeth, la première question qu’il faut nécessairement se poser est celle de se demander en quoi cette tragédie est éternelle. S’il doit y avoir un élément, dans le travail de l’homme, qui est permanent, il doit avoir comme caractéristique de réprimander une génération, puis la suivante, mais en les réprimandant toujours dans des directions opposées et pour des fautes opposées. Le monde idéal est toujours sain d’esprit. Le monde réel est toujours fou. Mais il est fou à propos d’une chose chaque fois différente ; toutes les choses ayant existé sont changeantes et inconstantes. La seule chose à laquelle on puisse s’accrocher est celle qui n’a jamais existé. Tous les grands classiques de l’art constituent une réprimande à l’extravagance, non pas portée dans une direction en particulier, mais dans toutes les directions. La sculpture d’une Vénus grecque est une réponse aux femmes grasses de Rubens mais également aux femmes minces d’Aubrey Beardsley. De la même manière, le christianisme, qui dans ses jeunes années combattit les manichéens parce qu’ils ne croyaient à rien d’autre qu’à l’esprit, doit à présent combattre les manichéens parce qu’ils ne croient en rien d’autre qu’en la matière. C’est peut-être là le moyen de reconnaître une vraie grande œuvre de création classique : elle peut être attaquée sur des champs différents, et elle attaque ses ennemis sur des champs différents. C’est un test simple et général. Si vous entendez une chose être accusée d’être trop petite ou trop grande, trop rouge et trop verte, trop mauvaise d’une certaine manière et aussi mauvaise dans la direction opposée, alors vous pouvez être sûr que cette chose est très bonne.

Cet avant-propos est essentiel si nous voulons tirer profit du sens premier de Macbeth. Car cette pièce est si immense qu’elle couvre beaucoup plus de choses qu’elle n’en paraît ; elle survivra certainement à notre époque et elle a survécu à la sienne ; elle laissera probablement le vingtième siècle derrière elle aussi complètement et calmement qu’elle a laissé le dix-septième siècle derrière elle. D’où le fait que si nous voulons connaître la signification de ce classique, nous devons nécessairement nous demander quelle en est la signification pour notre propre époque. Elle pourrait avoir une tout autre signification pour une autre période. Si, comme c’est envisageable, il y avait un jour un retour à la barbarie, et si nous pouvons nous appuyer sur l’histoire passée, nous pouvons dire que la barbarie détruirait tout avant de détruire la grande littérature. La tristesse haute et raffinée de Virgile a été célébrée à travers les plus sombres moments du Moyen-Âge. Bien après qu’une génération plus fortunée que la précédente aura détruit le Parlement, ils garderont Shakespeare. Les hommes apprécieront la plus grande tragédie de Shakespeare même plongés au cœur de la plus grande tragédie européenne.

Il est fort probable que Shakespeare puisse être apprécié par des hommes beaucoup plus simples que les hommes pour lesquels il écrivît. Voltaire le qualifia de grand sauvage ; nous arriverons peut-être à une époque, bien plus sombre que le Moyen-Âge, durant laquelle Shakespeare sera réellement apprécié par des sauvages. Alors, l’histoire de Macbeth sera lue par un homme qui sera dans la position même de Macbeth. Alors le baron de Glamis pourrait profiter des superstitions désastreuses du baron de Cawdor. Alors le baron de Cawdor pourrait vraiment résister à l’impulsion d’être roi d’Écosse.  Cela serait une très simple mais très profonde morale si Macbeth pouvait lire Macbeth. « N’écoute pas les esprits mauvais ; ne laisse pas ton ambition t’emporter trop loin ; ne tue pas les femmes et les enfants des autres comme si cela n’était qu’une partie de ta diplomatie ; car si tu fais ces choses, il est hautement probable que tu finiras par passer un très mauvais quart d’heure. » Voici la leçon que Macbeth aurait apprise de la lecture de Macbeth ; c’est la leçon que certains barbares du futur pourraient possiblement recevoir de Macbeth. Et c’est une leçon juste. La grande œuvre a quelque chose à dire, assez simplement, aux gens simples. Les barbares comprendraient que Macbeth est un avertissement sévère contre l’ambition vague et violente ; et ils pourraient retenir aussi cette leçon, qui n’est pas la pire peut-être parce que seuls les barbares pourraient la comprendre de manière adéquate : « Ne fais pas confiance à ces esprits malveillants qui te flattent. Ils ne sont pas des esprits bienveillants ; s’ils l’étaient, ils te mettraient plutôt des coups sur la tête. »

Avant que nous ne nous demandions quelle leçon une grande œuvre d’art a à nous apporter, réalisons bien qu’elle propose une leçon différente pour différents âges, parce qu’elle est éternelle. Et réalisons qu’une telle leçon ne sera pas, à notre époque, absolue, mais adaptée aux vices et aux malchances particuliers de notre temps. Notre temps n’est pas menacé, pour le moment, par des actions concrètes qui sont celles de Macbeth. La bonne vieille habitude d’assassiner les rois (qui permît le sauvetage de tant de communautés dans le passé) est tombée en désuétude. L’idée principale à tirer d’une telle pièce doit être pour nous (et pour nos péchés) plus subtile. L’idée est plus subtile mais est presque inexprimable, tant elle est vaste. Avant de lire la pièce, considérons pour un moment quelle est la principale idée de Macbeth pour les hommes modernes.

Une grande idée sur laquelle toutes les tragédies sont construites est celle de la continuité de la vie humaine. Une chose qu’un homme ne peut pas faire est exactement ce que tous les artistes modernes et les libertins essaient toujours de faire. Un homme ne peut pas couper sa vie en plusieurs morceaux. La revendication moderne d’amour libre est la première et plus évidente preuve qui me vient à l’esprit ; je l’utilise donc pour illustrer mon propos. Vous ne pouvez pas avoir une idylle avec Maria et une aventure avec Jane ; il n’y a rien de tel qu’une « aventure ». Il n’y a rien de tel qu’une « idylle ». Il est vain de parler d’abolir la tragédie du mariage quand vous ne pouvez pas abolir la tragédie des sexes. Chaque flirt est un mariage ; c’est un mariage dans ce sens inquiétant qu’il est irrévocable. J’ai pris ce cas des relations entre les sexes parmi une centaine d’autres ; mais dans aucun cas de la vie humaine cette chose n’est vraie. La base de toutes les tragédies, c’est ce fait que l’homme vit une vie cohérente et inscrite dans une continuité. C’est seulement un ver de terre que vous pouvez couper en deux et en laisser deux parties encore vivantes. Vous pouvez couper un ver en deux aventures, et elles seront deux aventures vivantes. Vous pouvez découper un ver en plusieurs idylles, et elles seront des idylles vivaces et piquantes. Vous pouvez faire tout cela précisément parce que vous avez affaire à un ver de terre. Vous ne pouvez pas couper un homme et le laisser se débrouiller, précisément parce que c’est un homme. En effet, l’homme, même dans ses manifestations les plus basses et sombres, conserve toujours comme caractéristique une unité physique et psychologique. Son identité persiste assez longtemps pour rendre visible l’issue d’un grand nombre de ses actes ; il ne peut pas être coupé de son passé avec un hachoir ; il récolte ce qu’il sème.

Cette idée est à la base de toutes les tragédies, cette continuité vivante et périlleuse qui n’existe pas pour les créatures inférieures. C’est la base de toutes les tragédies, et c’est certainement la base de Macbeth. La grande idée que l’on peut tirer de Macbeth, exprimée dans les premières scènes avec une énergie tragique qui n’a peut-être pas été égalée dans Shakespeare et en dehors, est la vision de l’énorme erreur que commet un homme quand il suppose qu’un seul acte décisif va lui éclairer le chemin une bonne fois pour toutes. L’ambition de Macbeth, bien qu’égoïste et d’une certaine manière teintée de mélancolie, n’est pas en tant que telle criminelle ou morbide. Il obtient le titre de Glamis dans un affrontement honorable ; il mérite et obtient le titre de Cawdor ; il progresse dans le monde sans en ressentir une extase ignoble. Soudainement, une nouvelle ambition lui est présentée et il réalise que rien ne se dresse sur le chemin qui le mène à la couronne d’Écosse, excepté le corps endormi de Duncan. S’il commet ce seul acte cruel, il sera infiniment heureux et bienveillant.

Ici réside, je crois, la première et plus formidable des preuves de l’actualité de Macbeth. Vous ne pouvez pas faire une chose folle pour atteindre la santé mentale. La folle résolution de Macbeth n’est pas un remède même contre sa propre irrésolution. Il était indécis avant sa décision. Il est, autant que possible, encore plus indécis après avoir décidé. Le crime ne le débarrasse pas de son problème. Son effet est si déconcertant que l’on pourrait dire que le crime ne débarrasse pas de la tentation. Faites une décision morbide et vous deviendrez seulement plus morbide encore ; faites une chose hors-la-loi et vous serez seulement plongé dans une atmosphère encore plus oppressante que celle de la soumission à la loi. En effet, c’est une erreur de parler d’un homme comme étant en train d’exploser, de se défouler. L’homme sans loi n’explose jamais ; il implose. Il défonce une porte et se retrouve dans une autre pièce, il défonce un mur et se retrouve dans une pièce encore plus petite que la précédente. Plus il fracasse, plus son habitat se réduit. Pour savoir où cela finit, il suffit de lire la fin de Macbeth.

Pour nous, modernes, par conséquent, la première signification philosophique de la pièce est celle-ci ; notre vie est une unité et nos actes anarchiques nous limitent ; à chaque fois que nous brisons une loi, nous créons une limitation. Pour une raison qui se cache dans les profondeurs de la psychologie humaine, si nous construisons notre palais sur un tort ignoré, il se transformera lentement en notre prison. Macbeth, à la fin de la pièce, n’est pas simplement une bête sauvage ; il est une bête sauvage encagée. La seconde idée dans l’histoire de Macbeth est, bien sûr, celle de l’influence de la suggestion diabolique sur l’âme, particulièrement une suggestion effectuée sur un mode mystique ou transcendant. Dans ce cadre, le caractère mystique des incitateurs n’est pas plus intéressant que le caractère mystique de l’homme auquel ils s’adressent tout spécialement. Les incitations mystiques sont naturellement agréables à l’oreille d’un mystique. La personnalité de Macbeth à cet égard a fait l’objet d’un grand nombre de discussions brillantes et futiles. Certains critiques l’ont présenté comme un robuste soldat laconique parce qu’il a remporté des batailles pour son pays. D’autres l’ont représenté comme un décadent superficiel et fiévreux  parce qu’il tient de longs discours pragmatiques, en ayant recours à des images très élaborées. Au nom du sens commun, rappelons-nous que Shakespeare vivait avant l’époque où des poètes ratés croient qu’il est poétique d’être décadent et où les soldats battus croient qu’il est militaire de se taire. Pourquoi Shakespeare devrait éviter de faire d’un grand général un homme qui manie la poésie, quand la moitié des grands généraux de son temps écrivaient effectivement de la grande poésie ?

Voici la légende, par conséquent, que certains critiques ont basée sur la riche rhétorique de Macbeth : elle dit que Macbeth était un lâche, égoïste et fébrile, parce qu’il s’écoutait parler. Cette légende peut être disqualifiée en tant que manifestation des maladies de notre temps. Shakespeare voyait en Macbeth un bon orateur et il écrivit pour lui de bons discours ; il le voyait comme un bon soldat parce qu’il ne l’a pas seulement montré gagner courageusement des batailles, mais, ce qui est plus important encore, en perdre courageusement ; il l’a fait, dépassé de toute part par ses ennemis, mourir en héros. Mais Macbeth est bien, entre autres, un orateur et un poète ; et c’est à Macbeth, dans cette capacité, que l’incitation au mal surnaturel est faite. S’il existe des influences mauvaises venues d’ailleurs, elles n’ont jamais été indiquées avec autant de suggestion qu’ici. Elles semblent indiquer, comme il en va toujours avec le mal, qu’il existe un schéma cohérent et conséquent. C’est l’essence même d’un cauchemar de tourner le cosmos entier contre nous. Deux des prophéties ont été accomplies ; pourquoi la troisième ne le serait-elle pas ?

Les suggestions diaboliques semblent aussi appeler, comme le mal le fait toujours (étant lui-même servile et pensant que tous les hommes sont des esclaves ), à l’inévitable. Elles mettent la bonne fortune de Macbeth devant lui comme si cela était moins une bonne occasion qu’un destin. De la même manière, les impérialistes cherchent à pommader les consciences des Anglais en leur offrant un empire avec tout un discours fumeux sur la prédestination. Quand le diable, et les sorcières qui le servent, veulent faire en sorte qu’un homme faible arrache une couronne qui ne lui appartient pas, elles sont assez malines pour venir le voir et lui dire : « Voudrais-tu être roi ? » Elles disent cela, sans aller plus loin, « Prosternez-vous devant Macbeth qui sera bientôt roi ». Voici la faiblesse que Macbeth a réellement : il est facilement attiré par cette sorte de fatalisme spirituel qui soulage l’homme d’une grande part de sa responsabilité. Il est ainsi sinistrement et étrangement approprié de dire que les promesses des esprits mauvais débouchent sur de nouveaux fantasmes ; finissant, pour l’exprimer ainsi, comme se révélant être de simples blagues diaboliques. Macbeth accepte comme un pan de destinée automatique, premièrement son crime, puis sa couronne. Il convient que ce destin qu’il a accepté comme extérieur et irrationnel s’achève par des faits relevant de la plus extravagante des désillusions, sous la forme d’une forêt qui se déplace ou de l’étrange naissance de Macduff. Il s’est, une fois, abandonné à une destinée sombre et mauvaise, à une machinerie du destin qu’il ne peut ni respecter ni comprendre, et il convient que cette machinerie produise également une situation qui le concasse comme une chose inutile.

Shakespeare n’imagine pas que le sentimentalisme de Macbeth et sa rhétorique riche indique qu’il soit efféminé. Mais Shakespeare veut suggérer, je crois, que l’homme, viril dans sa structure essentielle, a un point sensible dans son tempérament artistique ; qu’il a peur de la force du destin et de celle d’esprits inconnus, ce qui constitue la seule définition correcte du mot superstition. Aucun homme ne peut être superstitieux s’il aime son Dieu, même si son Dieu s’appelle Mumbo Jumbo. Macbeth a quelque chose de cette peur et de ce fatalisme ; et le fatalisme est exactement le point où le rationalisme se transforme silencieusement en superstition. Macbeth, en deux mots, a tout le courage physique que l’on puisse imaginer, il a même davantage encore de courage moral. Mais il manque de ce que l’on pourrait appeler le courage spirituel ; il manque d’une certaine liberté et d’une vision de la dignité de l’âme humaine dans l’univers, une liberté et une dignité que l’un des auteurs des Écritures exprime comme étant la différence entre les serviteurs et les fils de Dieu.

Mais le caractère de l’homme Macbeth, sa virilité marquée mais incomplète, peut seulement être exprimé en connexion avec la personnalité de sa femme. Et la question de Lady Macbeth nous ramène immédiatement aux controverses qui ont entouré cette pièce. Madame Elle Terry et Sir Henry Irving ont interprété Macbeth en s’appuyant sur la théorie selon laquelle Macbeth était un faible et un traître, et que Lady Macbeth était une femme fragile et collante. Une vision assez similaire de Lady Macbeth a été, je crois, exprimée par une éminente actrice américaine. La question est communément celle de se demander, pour faire court, si Macbeth était vraiment viril, et deuxièmement, si Lady Macbeth n’était pas vraiment féminine. Les vieux critiques ont estimé que parce que Lady Macbeth dirigeait clairement son mari, elle devait avoir été une femme masculine. Tout cela est bien sûr faux. Les femmes masculines peuvent diriger un conseil municipal, mais elles ne dirigent jamais leur mari. Les femmes qui dirigent leur mari sont les femmes féminines et je suis entièrement en accord avec ceux qui pensent que Lady Macbeth a dû être une femme très féminine. Mais pendant que certains critiques insistent avec raison sur le caractère féminin de Lady Macbeth, ils s’efforcent de priver Macbeth de son caractère masculin qui est évidemment le corolaire de l’autre. Ils pensent que Lady Macbeth doit être un homme parce qu’elle dirige. Et, en vertu du même principe idiot, ils pensent que Macbeth est une femme, ou un lâche, ou un décadent, ou quelque chose de bizarre, parce qu’il est dirigé. Or, le type d’homme le plus masculin est toujours dirigé. Comme me l’a un jour dit un ami, très justement, les hommes qui n’ont aucun courage physique sont les seuls à n’avoir pas peur des femmes.

La vérité à propos de Macbeth et son épouse est assez étrange mais ne peut pas être affirmée trop fortement. Nulle part ailleurs dans toutes ses magnifiques œuvres Shakespeare n’a décrit le vrai mode de relations entre les sexes, si raisonnablement, de manière si satisfaisante. L’homme et la femme ne sont jamais plus normaux que quand ils sont dans cette histoire anormale et horrible. Roméo et Juliette ne décrit pas mieux l’amour que Macbeth décrit le mariage. La dispute qui a lieu entre Macbeth et sa femme à propos du meurtre de Duncan est presque mot pour mot une dispute qui a lieu lors de n’importe quel petit déjeuner, en banlieue, sur un autre sujet. Il suffit simplement de changer « Faible dans vos résolutions, donnez-moi ce poignard », en « Faible dans vos résolutions, donnez-moi ces timbres-postes ». Et c’est une erreur de supposer que la femme doive être qualifiée de masculine ou même de femme forte, au sens exclusif du terme. Les forces des deux partenaires sont de deux types différents. La femme possède davantage cette capacité à pouvoir agir immédiatement que l’on appelle le patronat. L’homme a davantage cette force en réserve qui s’appelle la paresse.

Mais la vérité aiguë de cette relation est bien plus profonde que cela encore. Lady Macbeth fait montre d’une bizarre et stupéfiante forme de magnanimité qui est caractéristique des femmes. C’est-à-dire qu’elle prendra quelque chose que son mari n’ose pas prendre mais dont elle sait qu’il le veut, et elle deviendra plus féroce pour l’obtenir que lui-même ne saurait l’être. Pour elle, comme pour toutes les âmes très féminines (c’est-à-dire, des âmes très fortes) l’égoïsme est la seule chose qui est sentie comme étant un péché ; elle commettra n’importe quel crime si elle ne le commet pas seulement pour elle. Son mari a soif de crime égoïstement, et donc vaguement, sombrement, et inconsciemment – de la même manière qu’un homme devient petit à petit conscient de la sensation physique de soif. Mais elle a soif du crime de manière altruiste et, par conséquent, elle considère la chose de la manière claire et exacte avec laquelle un homme percevrait un devoir public, qu’il doit à la société. Elle dit les choses en toutes lettres, elle accepte d’avoir recours aux solutions extrêmes. Elle a ce cynisme parfait et splendide des femmes qui est la chose la plus terrible que Dieu ait créée. Je le dis sans ironie et sans me réjouir de manière déplacée de ce qu’il y a de légèrement comique dans ce fait.

Si vous voulez savoir quelles sont les relations permanentes de l’homme marié avec la femme mariée, vous ne pouvez pas le lire ailleurs, de manière plus précise, que dans la petite idylle domestique de monsieur et madame Macbeth. D’un homme si viril et d’une femme si féminine, je ne peux croire en rien excepté qu’ils vont ultimement sauver leur âme. Macbeth était fort, dans tous les sens de la virilité, jusqu’au dernier moment ; il s’est tué au combat. Lady Macbeth était forte, d’une manière très féminine qui est peut-être encore plus courageuse ; elle s’est tuée, mais pas au combat. Comme je le dis, je ne peux pas penser que des âmes si fortes et si élémentaires n’aient pas retenu ces possibilités permanentes d’humilité et de gratitude qui, en dernière analyse, envoient l’âme au paradis. Mais où qu’ils soient, ils sont ensemble. Car eux seuls, au milieu de tant de personnages de la fiction humaine, sont vraiment mariés.

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