Liban : élections sous tensions

Le 7 juin, les Libanais renouvellent leur parlement. La menace d’une victoire du Hezbollah plane sur le Proche-Orient… Décryptage.

Les Européens ne seront pas les seuls à voter le 7 juin. Comme le rappelle le Courrier international (édition du 28 mai-3 juin), les Libanais se rendront eux-aussi aux urnes ce jour-là. Ils n’éliront que 128 députés. Mais la communauté internationale, États-Unis en tête, suivra sans doute les résultats de cette élection avec beaucoup d’attention. Pour la bonne raison que les enjeux liés au scrutin libanais dépassent de beaucoup les frontières du pays du Cèdre, et que la défaite de la coalition au pouvoir pourrait marquer durablement le Proche-Orient.

L’Alliance dite « du 14 mars », incarne en effet la ligne modérée et le compromis entre les factions politiques et religieuses du Liban. Majoritairement composée de partis anti-syriens -le pays qui occupa militairement le Liban de 1976 à 2005- elle s’oppose également à l’alignement sur l’Iran. Emmenée par le sunnite Saad Hariri, l’un des fils du défunt Rafiq Hariri, l’Alliance a remporté les élections législatives de 2005 et dispose depuis de la majorité au parlement libanais. Ses positions lui ont permis d’obtenir les faveurs de la plupart des pays arabes -en particulier l’Arabie saoudite- ainsi que le soutien de la communauté internationale.

Le Hezbollah, un adversaire puissant

La coalition sortante se présente aujourd’hui en position de force : le gouvernement qu’elle a formé a résisté aux tensions et à l’assassinat de plusieurs de ses membres. De surcroît, elle a garanti un certain équilibre économique malgré les conséquences désastreuses du conflit israélo-libanais de 2006. Mais, comme en 2005, ses membres se retrouvent face aux candidats du Hezbollah. Or, contrairement à ses opposants, le « parti de Dieu » est au Liban ce que le Hamas est à la Palestine. Incarnation de la résistance à Israël depuis sa création en 1982, il se présente comme l’allié inconditionnel de la Syrie et de l’Iran… pays qui l’alimentent en argent et en armes.

Outre son rôle militaire, le Hezbollah entretient des liens étroits avec la population libanaise, grâce contrôle qu’il exerce sur de nombreuses institutions -écoles, hôpitaux, orphelinats…- et par le biais de la chaîne de télévision Al Manar, dont il est le principal actionnaire depuis 1997. Enfin, le « parti de Dieu » peut surfer sur l’aura de la « victoire » obtenue contre l’armée israélienne lors du conflit de 2006. Ce qui lui assure une notoriété certaine au Liban et dans une partie du monde arabe, en particulier dans les territoires palestiniens.

La stabilité du Proche-Orient en jeu

La tendance actuelle donne pourtant le Hezbollah battu. Cette défaite, à coup sûr, ne l’empêchera pas de rester un acteur incontournable au Liban. Mais elle permettra au Proche-Orient de conserver un semblant de stabilité. Car une victoire du « parti de Dieu » serait immanquablement perçue par Israël comme la création d’un avant-poste de l’Iran à ses frontières. On imagine mal le gouvernement de Benyamin Netanyahu rester stoïque face à une menace de plus, après celles que représentent la Syrie et la bande de Gaza.

Cette situation pourrait conduire à un nouveau conflit. Ce qui ruinerait les efforts de l’administration Obama, désireuse de parvenir à la création d’un État palestinien, et ébranlerait encore davantage un processus de paix déjà compromis par la montée en puissance du Hamas à Gaza.

Face à ce risque de déstabilisation, certains font plus que prier pour éviter une victoire électorale à l’arrachée du Hezbollah. L’Arabie saoudite, alliée des États-Unis, a déjà fourni plusieurs millions de dollars aux candidats de l’Alliance du 14 mars. Une manière de contrer la politique de l’Iran et de la Syrie, qui financent quant à eux le Hezbollah…

La loi du plus offrant

Conséquence de ces calculs géopolitiques des uns et des autres : au Liban, le soutien des notables locaux et la voix des électeurs se monnayent à coups de pétrodollars… Ce qui conduit une grande partie de la population, déjà déçue par ses politiques, à se désintéresser du scrutin, comme le note un article du New-York Times repris par le Courrier international. L’abstention massive qui s’annonce est une incertitude de plus dans cette élection sous tensions.

Autre source de crainte : l’alliance de Michel Aoun, leader du Courant patriotique libre -un mouvement chrétien maronite- passée avec le Hezbollah en 2006. Car si les chrétiens du Liban, historiquement attachés à l’indépendance du pays, devaient décider de soutenir massivement un allié du « parti de Dieu » le 7 juin, c’est pour le Proche-Orient tout entier qu’on pourrait redouter le pire.

Pour en savoir plus : Le Monde répond aux questions des internautes sur le Liban et la possible réaction israélienne selon Le Figaro

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