Retour sur l’après-midi du 24 mars à l’Opéra Garnier. Au programme, hommage au chorégraphe Roland Petit à travers trois de ses chorégraphies.
L’Opéra de Paris rend actuellement hommage à Roland Petit, chorégraphe français décédé l’an dernier, à travers la reprise de trois de ses ballets : Le Rendez-vous, Le Loup et Carmen.
Le 24 mars, après-midi, le rôle du jeune homme dans Le Rendez-vous a été dansé par Alexandre Gasse, en remplacement de Jérémie Bélingard. Un danseur que je ne connaissais pas, mais qui m’a fait une très bonne impression. Il était vif, net, et son « jeune homme » n’était pas sans rappeler celui de Nicolas Le Riche. Face à lui, une Alice Renavand à qui le rôle de femme fatale « à-la-Petit » va décidément très bien (comme dans Le Jeune homme et la mort). Son atout est de parvenir à rester attirante tout en étant d’une totale froideur. Très bon moment que ce ballet qui nous fait respirer l’odeur des faubourgs parisiens.
J’avais gardé un moins bon souvenir du Loup, dansé à l’Opéra il y a quelques années. Cette fois-ci, j’ai davantage apprécié l’ambiance tragi-comique de cette pièce. Benjamin Pech était également remplacé dans le rôle du Loup (je ne sais plus par qui, malheureusement). Je noterai simplement la présence de Lætitia Pujol, à qui mon cœur d’amateur de danse appartient depuis que je l’ai vue danser Roméo et Juliette en 2011 (et au récent Gala Noureev – vidéo ici). Sa danse est toujours marquée par une grande fraîcheur. Par ailleurs, elle me semble avoir parmi les plus harmonieuses pirouettes de la compagnie.
Carmen, petit bijou
Venons-en à Carmen, le « clou » de la journée. Nicolas Le Riche dansait Don José. Comme d’habitude, à l’issue de la représentation, on a envie de se signer pour remercier le ciel de l’avoir vu sur scène. Le miracle avec lui, c’est qu’il est Le Riche à 100 % dans chacun de ses personnages, et pourtant, en assistant à l’une de ses performances, on sent vivre son personnage à 100%. La scène où Don José lutte contre une pulsion de meurtre était impressionnante. La mort, la folie étaient sur scène à travers ses gestes. C’est bien sûr en grande partie grâce à la qualité de la chorégraphie de Petit. Mais Le Riche met là-dedans une passion folle ; il parvient à un compromis parfait entre respect de la chorégraphie, maîtrise technique et liberté d’interprétation. Il transcende la partition. Il a cette fougue, cette confiance en lui immense qui lui permet de s’abandonner à ses émotions sur scène. Pareillement lors de la scène finale, où le spectateur est transporté par la gravité du moment. Cela reste tout de même rare que des artistes nous fassent totalement oublier que nous sommes dans un théâtre.
L’interprétation de Carmen par Eleonora Abbagnato a plu à mes camarades spectateurs pour sa technique et sa passion. Ce n’est pas mon impression. Je l’ai trouvée assez tendue, un peu raide. On avait du mal à imaginer un Don José tomber amoureux d’une femme si sèche. Il manquait, à mon humble avis, la dimension enjôleuse de Carmen, qui ne doit être froide que par éclairs.
Plus généralement, ce ballet est un petit bijou. La musique de Bizet est toujours un plaisir à entendre, et la passion sous toutes ses formes imprègne la chorégraphie. Le pas de deux de la chambre compte parmi les plus beaux moments de danse que j’ai vus (que de tendresse et de violence mêlées !). Un petit souci inhérent à Carmen, toutefois : Don José n’est pas un faible comme dans l’opéra de Bizet, à plus forte raison quand c’est Le Riche (!!!) qui le danse. On imagine donc mal comment ce Don José, dominant comme un matador, se retrouve fragilisé et piégé par Carmen. Mais ce petit paradoxe ne dérange pas outre-mesure.