Foutez la paix à Ribéry !

L’ex mutin de Knysna est de retour parmi les Bleus pour le match contre le Luxembourg. La presse le considère avec méfiance, le Web le conspue… pour de biens mauvaises raisons.

Ri-bé-ry au pi-lo-ri ! Depuis l’annonce de son retour en Equipe de France, le mot passe presque comme un slogan de manif’.

Les médias s’interrogent sur le bien-fondé de ce come-back voulu par Laurent Blanc, en vue du match face au Luxembourg vendredi soir. Douteux, ils reviennent pointilleusement sur le récent mea culpa du joueur français. Surtout, le numéro 7 du Bayern de Munich est littéralement massacré dans les commentaires qui circulent sur le web. Pour les lecteurs des actualités de Yahoo,  spécialistes des crachats haineux et xénophobes, Ribéry est « le guignol », « le petit caïd », « le melon à qui les médias lèchent les bottes », « l’ayatollah de Boulogne-sur mer »… Beaucoup de choses pour un simple footballeur.

Les internautes plus civilisés s’emploient à rappeler ses ennuis avec la justice à la suite de la fameuse affaire Zahia, et son incapacité à faire une phrase correcte. Même sur des sites sérieux, les critiques fusent. « Quelle honte ! » peut-on lire sur L’Équipe… Et sur Le Parisien, « Blanc encourage la chienlit ! » lâche un commentateur entre autres jets acides.

Laurent Blanc plus lucide que Chantal Jouanno

La messe est dite. On appréciait l’humble petit gars du Nord, passé en trois ans de l’ombre des clubs de National aux projecteurs de la Coupe du Monde. Le chien fou exilé en terres allemandes et converti à l’Islam n’est plus au goût du public. Ribéry a copieusement pâti de la débâcle générale du Mondial sud-africain, y récoltant la triste image de la « racaille » qui maltraite le bon élève Gourcuff.

A la suite de la Coupe du Monde, certains politiques et pseudo-intellectuels, qui s’y connaissent en football comme un cuisinier en physique quantique, se sont appliqués à « flinguer » le mutin de Knysna et ses copains rebelles, donnant l’onction de l’intelligentsia à des arguments de caniveau. Honte à l’impie qui souilla le maillot bleu ! Chantal Jouanno, ministre des Sports, y alla de son petit refrain, jugeant son retour « inadmissible ». Le gratin d’hypocrites qui voudraient le football sans tache et « représentatif de la nation » lui emboîta le pas, Alain Finkielkraut en tête.

Eh bien malgré les menaces ministérielles, la colère de la foule et les conseils des « penseurs » de beaux quartiers, le mutin est de nouveau là, et bien là. Pour la bonne et simple raison que Laurent Blanc, qui connaît, lui, le football, sait probablement aussi ce qu’un Ribéry bien cadré est capable de faire sur un terrain. Le sélectionneur des Bleus n’a certainement pas oublié les actions d’éclat dont est capable le Bavarois. Pour rappel, face à l’Espagne en 2006…

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Ou encore, en 2009, lors du match aller contre la Lituanie…

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Comme le disait une ancienne publicité, c’est sur le terrain qu’on fait ses preuves. Exception faite de la Coupe du Monde qu’il a ratée comme presque tous les autres Bleus, Franck Ribéry a rarement démérité ballon au pied. On peut l’accabler pour son manque de maturité et ses frasques hors du terrain. Mais in fine, on juge un footeux sur la qualité de son jeu. Or sur ce plan-là, l’ailier des Bleus et du Bayern, 48 sélections et 7 buts à son actif en Equipe de France, a du talent à revendre.

Le reste n’est que démagogie. Aucun footballeur n’a vocation à être un exemple social. Johan Cruijff, dieu vivant du football néerlandais, fut aussi un joueur particulièrement caractériel qui négociait âprement son salaire et fumait ses cigarettes à la mi-temps. Et il est de notoriété publique qu’un autre « kaiser », Franz Beckenbauer, a eu une liaison avec une secrétaire du Bayern de Munich. D’autres affaires du même genre ont secoué récemment le championnat anglais. Faut-il pour cela interdire de stade les joueurs pris en faute ?

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Faire cela serait donner au footballeur une valeur de représentant de la morale. Ce qu’à l’évidence il n’est pas. Que Ribéry le grand fautif, le mutin, l’impie, fasse seulement ce qu’on attend de lui : dribbler, donner de bons ballons, et marquer des buts, si possible de belle manière. Il sait le faire, quoiqu’en dise les haineux qui l’accablent actuellement, et dont l’acharnement à le briser ressemble en tous points à la vindicte d’une populace qui brûle aujourd’hui l’idole qu’elle adorait hier.

A supposer que Ribéry fasse de nouveau gagner les Bleus, il est d’ailleurs possible, pour ne pas dire fort probable, que les supporters reviennent à de biens meilleurs sentiments à son égard, et versent de nouveau dans une adoration irraisonnée qui n’aurait pas davantage de sens que la colère actuelle. C’est bien connu : les histoires de rédemption plaisent aussi.

Crédit Photo : b.schrade / Flickr

A lire aussi sur ce site : les commentaires sur Internet, ou la « démocratie participative » à l’épreuve.

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