Paris, la culture dans tous ses états, chapitre 2

Chaque semaine, Lili des Bellons balance coups de cœur et coups de poings sur les évènements culturels qui se tiennent à Paris. Le but : vous donner envie d’aller y voir par vous-même ou de passer votre chemin.

Rodin et la lumière de l’Antique, du 19 novembre au 16 février au Musée Rodin. Cette exposition étudie le dialogue entre Rodin et l’antique. Grâce à un code couleur, la scénographie guide le regard du visiteur : les antiques sur des socles rouges (comme le rouge antique, justifie la conférencière) et les sculptures de Rodin sur un socle gris (là, on ne sait pas pourquoi).

«L’art antique signifie bonheur de vivre, quiétude, équilibre, raison», écrit Rodin en 1911. Cette phrase résume ce qu’apportera l’art antique à Rodin tant au niveau de sa création qu’au niveau de sa collection personnelle d’œuvres. Cette facette de collectionneur prend tout son sens dans l’exposition et c’est sans doute la section la plus intéressante. En effet, de 1893 à 1917, Rodin achète des antiques à Paris et les collectionne. Une partie de cette collection est exposée : nous découvrons avec bonheur des mosaïques, des vases, des sculptures ayant appartenu à Rodin.

Des sections thématiques mettent en regard ses œuvres et les antiques. Par exemple, l’une est consacrée aux sculptures de Vénus et notamment à la Vénus de Milo, que Rodin considérait comme «la merveille des merveilles». Une autre section est dédiée à l’admiration de Rodin pour Michel-Ange. On peut y admirer les sculptures de Rodin avec en arrière-plan une copie des esclaves de Michel-Ange ; les propos de Rodin à propos de l’auteur de la Piéta sont plus ambigus : «Je me suis épris soudain du grand maître florentin et mes œuvres se sont certainement ressenties de cette passion (…). Mais je n’approuve pas son mépris de la vie… Pour moi, j’essaie de rendre sans cesse plus calme ma vision de la nature. C’est vers la sérénité que nous devons tendre.» C’est vrai que la porte des Enfers nous procure un sentiment de sérénité olympienne. Et que la Piéta de Michel-Ange véhicule un mépris de la vie.

– L’exposition « America Latina 1960-2013 » se tient à la fondation Cartier Bresson du 19 novembre au 4 avril 2014. Retour d’actu est clair : passez votre chemin. Si vous avez besoin d’une dose de soleil, en ce mois gris de décembre, ce n’est certainement pas à l’exposition America Latina que vous le trouverez. Par contre, une bonne dose de déprime sera au rendez-vous. L’exposition présente des photographies d’environ 70 artistes autour de grands thèmes : la ville, le territoire, dénoncer la violence, etc. Mais cela reste très figé et on trouve pas le lien entre les thèmes. Les « œuvres » n’ont que très peu d’intérêt que ce soit sur le plan technique ou sur le contenu. Peu d’entre elles interpellent le visiteur et même quand il s’agit d’œuvres violentes on ne comprend pas le message. La période de 1960 est effectivement tumultueuse en Amérique latine mais quel est le propos de l’exposition ?

– La cinémathèque française à Bercy fondée par Henri Langlois en 1933 pour conserver les films comporte aussi un musée du cinéma où vous deviendrez des archéologues du septième art. En effet, le parcours de la visite propose de replonger aux origines du cinéma et d’en comprendre le fonctionnement sur un plan technique. Ainsi, le visiteur découvre et peut faire fonctionner les premiers cinématographes, les « lanternes magiques » datant de 1659 permettant de projeter des images. Grâce à cela, on comprend les trois principes du cinéma : l’utilisation de la photographie, la décomposition puis la recomposition de l’image et la projection. Ensuite le parcours se poursuit avec les extraits des films des frères Lumières, les premières affiches de cinéma, de beaux costumes, le robot du film Métropolis de Fritz Lang. Et nous redécouvrons avec joie la fameuse séquence de l’usine des Temps modernes de Chaplin, des portraits de lui et trois boulons du décor de l’usine donnés par le cinéaste à Henri Langlois. De quoi clore la visite en beauté.

Devenez archéologues du cinéma au Musée du cinéma.

Zeng Fanzhi ou la laideur incarnée contre Poliakoff ou la peinture spirituelle, deux expositions au musée d’Art moderne. Si vous vous rendez dans ce musée, ne vous trompez pas de porte. Ces deux expositions sont diamétralement opposées autant géographiquement qu’intellectuellement.

D’un côté, le visiteur découvre les «œuvres» du peintre chinois Zeng Fanzhi, l’un des peintres chinois les mieux côtés sur le marché de l’art contemporain (et on se demande bien pourquoi). La première salle de l’exposition présente des toiles qui n’ont de monumentales que leur taille et qui sont réalisées comme des performances. Une vidéo à l’entrée de l’exposition montre Zeng Fanzhi au travail. Il se réapproprie ainsi Le Lièvre de Dürer, et ça nous donne ça : pauvre Dürer ! Visiblement Zen Fanzhi est en panne d’inspiration puisqu’il fait de même avec La Cène de Léonard de Vinci (pourquoi se gêner, après tout ?) dans une toile d’une rare laideur qui a tout de même été vendue 16 millions d’euros ! Pauvre de Vinci ! On peut vraiment faire n’importe quoi dans l’art contemporain et ça marche ! Au fur et à mesure qu’il progresse dans l’exposition, le visiteur chemine vers des toiles de plus en plus laides. Et il est même contraint de revenir sur ses pas pour retrouver la sortie, histoire d’en remettre une couche.

Retour d’actu vous déconseille donc d’emprunter cette porte-là, et vous invite plutôt à vous rendre de l’autre côté, voir l’exposition Poliakoff. Né en 1900 dans une famille de musiciens, Poliakoff voyage en Europe et arrive à Paris en 1923 : il vit de la musique et apprend le dessin. Il n’abandonnera sa guitare qu’à l’âge de 52 ans. Lui n’avait pas la chance de pouvoir vendre ses toiles 16 millions d’euros. Il se tourne vers l’abstraction en 1945, et grâce à l’exposition, le visiteur comprend vraiment ce qu’est l’abstraction en découvrant d’abord le travail de Poliakoff  sur la couleur et les pigments. Poliakoff admirait les peintres italiens et notamment les couleurs de Giotto ; lorsqu’il vécut à Londres, il découvrit les collections égyptiennes et la couleur sur les sarcophages.

La deuxième partie de l’exposition invite le visiteur à réfléchir au lien entre la forme et le fond de la toile. Les toiles deviennent de plus en plus spirituelles. Poliakoff fréquentait les églises orthodoxes et estimait que la toile était achevée lorsqu’elle devenait « silencieuse ». Effectivement elles invitent à la méditation et l’espace noir d’accrochage de ces toiles fait ressortir les œuvres comme des vitraux dans une église. Un moment de grande sérénité, donc, que cette exposition.

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