Les révélations du Daily Telegraph sur les dépenses des députés britanniques donne des idées à la presse française…
Quand la presse joue réellement son rôle de quatrième pouvoir, la classe politique peut prendre du plomb dans l’aile. Ce n’est pas Gordon Brown qui dira le contraire. Depuis les révélations du Daily Telegraph sur les notes de frais des députés anglais, le Premier ministre britannique voit son parti s’effondrer dans les sondages à quelques jours des élections européennes… au point que les travaillistes du Labour n’arrivent désormais qu’en troisième position. Une première depuis 1987 note Le Nouvel Observateur…
L’opposition n’est guère mieux lotie : les conservateurs de David Cameron dégringolent eux-aussi dans les intentions de vote. Non sans raison, car selon le Daily Telegraph, 646 membres de la Chambre des communes -tous partis confondus- auraient usé et abusé de fonds publics pour des dépenses privées. La claque est donc double et les têtes tombent des deux côtés…
Chez les travaillistes, les révélations de la presse ont déjà coûté leur poste à Shalik Malik, secrétaire d’Etat à la Justice, et Michael Martin, « speaker » à la chambre des communes. Si le second semble jouer le rôle de victime expiatoire, le premier est accusé d’avoir acquis, aux frais du contribuable, une résidence secondaire à Londres… ainsi qu’un fauteuil de massage et un home-cinema. Les conservateurs sont quant à eux mal placés pour donner des leçons d’éthique, puisqu’Andrew MacKay, conseiller de David Cameron à la Chambre des communes, laisse lui aussi son poste dans l’affaire. Et une vingtaine d’autres « tories » ont dû rembourser l’équivalent de 200000 euros -selon des chiffres avancés par Le Figaro– suite aux menaces de leur leader…
Les parlementaires français à la loupe
Malheureusement pour nos représentants -qui n’apprécient guère qu’on mette le nez dans leurs comptes- l’exemple britannique donne des idées à la presse française. Laquelle entonne avec de plus en plus d’assurance la petite musique grinçante des notes de frais… Dans son édition des 30 et 31 mai, Libération publie un dossier complet sur la question dans ses premières pages. Et révèle que, si aucun scandale n’a éclaté chez nous, la transparence financière n’est pas la première vertu de la République.
L’indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), dont les parlementaires disposent pour couvrir leurs frais, est certes plafonnée. Mais le traitement est plutôt généreux : 5837 euros mensuels -non imposables- pour les députés et 6160 pour les sénateurs… et surtout, les dépenses de l’IRFM ne sont pas contrôlées. Libération rappelle ainsi qu’un député peut utiliser cette somme pour rembourser son local de permanence, ses frais de déplacement et de restauration… mais aussi pour acheter un nouveau costume ou embaucher un proche comme collaborateur. Le tout sans que le citoyen dispose du moindre droit de regard sur ce que devient l’argent qu’il confie à ses représentants…
Lundi 25 mai, c’est le Journal du Dimanche qui publiait un provocateur « Nos élus n’ont pas de compte à rendre », rappelant les multiples avantages dont disposent les parlementaires en termes de transport ou de téléphonie. Et précisant qu’aucun contrôle fiscal n’est jamais effectué sur leurs dépenses. « Ne devrions-nous pas creuser aussi un peu en France ? » demandaient quant à eux les journalistes du Post… taclant au passage l’explosion des notes de frais de l’Elysée, les coûteuses sommes des déplacements officiels et la taille des appartements de fonction.
Les Eurodéputés épinglés
Mais comme souvent dans ce genre de cas, la palme de la révélation la plus croustillante revient au Canard enchaîné. Qui choisit lui aussi d’élargir le débat, et donne quelques précisions sur le traitement réservé aux eurodéputés.
Le Bureau du Parlement européen aurait, selon le journal satirique, donné son accord pour une extension du club de sport situé dans les sous-sols de l’institution bruxelloise en 2006. « Budget : 4 millions d’euros. Pour, entre autres, un espace balnéo, avec jets de massage, brasse à contre-courant, jaccuzzi, hammams… » précise l’auteur de l’article. Il ajoute que le montant des travaux a été revu à la hausse depuis, atteignant les 8 millions d’euros aujourd’hui. Constatation sarcastique de l’hebdomadaire : « Les eurodéputés vont nager dans le bonheur »… mais aux frais du contribuable européen. La chose n’a évidemment pas été trop martelée si peu de temps avant les élections.
Le Canard enchaîné rappelle par ailleurs que les eurodéputés siègent régulièrement dans trois enceintes différentes (Strasbourg, Bruxelles et Luxembourg)… et que leurs déplacements entre ces différents lieux sont pris en charge par le contribuable européen, pour la « modique » somme de 200 millions d’euros chaque année. On peut conclure avec le Canard que « ça fait cher l’amendement » ! Et plus généralement que les dépenses de nos représentants devraient être rendues vraiment publiques. Afin de s’assurer qu’elles ne finissent pas en home-cinema, jaccuzzi ou transport inutile.
Pour en savoir plus sur le sujet : un article de Rue89 sur les frais de représentation des députés
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